PDV Portia Golden
C'est avec un grand sourire aux lèvres que je saute du lit. Pour la simple et unique raison que c'est la rentrée. Je suis heureuse, car je sais que cette année, je n'aurai pas à endurer les humeurs de Chris. J'ai appris qu'il a quitté notre lycée, pour je ne sais quelle raison.
Pourquoi j'en suis heureuse ?
Je suis le genre de personne qu'on traîne dans les toilettes pour plonger la tête dans les cuvettes. Depuis l'âge de 10 ans, j'ai subi cette humiliation sans personne pour me défendre.
Et vous avez deviné, c'était lui qui me le faisait vivre.
Lorsque j'ai appris qu'il foutait le camp, j'ai été heureuse, plus que heureuse. C'était comme si on me libérait, comme si on me sauvait ; Je ne serais plus obligée de suivre ses ordres, de le craindre à chaque sortie des cours, pire, de craindre le jour de mon anniversaire. Enfin, j'aurai à vivre cette journée sans coups ni blessures.
Peut-être ai-je parlé trop vite ? En fait non. J'ai vraiment trop vite parlé.
Si j'avais su que je ferai une rencontre aussi fracassante, je ne me serais pas réjouie trop tôt.
Mais comment aurais-je su ce qui m'attendait, ce que me réservait la vie dans quelques heures ?
C'est fou, mais jamais je ne me serais su si importante. Importante au point qu'on tienne à tout prix à me faire du mal.
Ce qui est idiot, c'est qu'il s'agisse de gens comme moi. De gens qui, au lieu de se poser des questions sur ce qu'ils font, se croient tellement malins, qu'ils passent à côté des choses importantes.
Tous ceux qui m'entourent ne sont au final que des minables. Et pourtant, je n'ai jamais souhaité du mal à aucun d'eux.
Suis-je stupide ? Ou avide d'amour ?
Des rencontres, j'en ferai, des souffrances, j'en vivrai, la mort...je rencontrerai. Et l'amour ?
Un petit cœur qui bat pour un autre et réciproquement ? C'est ça l'amour ? Ou la capacité de pardonner à son pire malfaiteur ?
*
− Bonjour papa, maman.
Ils ne me répondent pas et continuent à manger comme si personne ne venait de parler.
J'ai un pincement au cœur comme à chaque fois, mais je me contente de me servir un verre de lait et de saisir un croissant. Je m'éloigne d'eux pour manger, loin de leur regard méprisant. Je voudrais que cette journée se passe bien pour moi, et je compte tout faire pour qu'elle la soit.
Mais p****n, je parle trop vite.
Quelques minutes plus tard, j'arrive en courant à l'école. Je suis en retard, pour la simple raison que je n'ai pas vue le temps passé en mangeant. J'étais encore dans les vapes.
En plus de ça, ma mère ne s'en est pas préoccuper, et elle a trouvé le temps de me commander au super marché. Puis j'ai eu à ramasser le panier de fruits d'une vieille dame qui n'avait pas ses lunettes et m'était rentrée dedans. J'ai traversé la route à deux petites filles et me suis excusée pendant quelques minutes parce que j'ai accidentellement bousculé un monsieur.
Il y a une semaine, je suis passée au lycée pour avoir des informations sur ma salle. J'ai rencontré plusieurs élèves de ma classe, et même s'il paraissait en avoir de sympa, je ne me suis approchée d'aucuns.
Première résolution cette année : Évitée les ennuies au max.
Tout ce que je demande, c'est une année superbe, tranquille. Je ne veux même pas me perdre à espérer me faire des amis. J'avais prévue être la première en salle le premier jour, choisir une bonne place et serrée mon visage du mieux que je peux, pour enlever toute envie à quiconque de se mettre à côté de moi.
Mais raté ! Je suis en retard comme une m***e, et au lieu d'être assise en salle, je me tape des sprints en entrant au lycée.
Je courais en direction des classes, lorsque j'entends :
− Hé, toi !
Je m'arrête, me retourne et vois un garçon. Il marche vers moi, le visage fermé, de grands yeux noirs lançant des éclairs. Il a de longues jambes, ce qui lui permet de vite venir à ma rencontre. Je fronce les sourcils en voyant la colère qui se dégage de lui. Je me rends alors compte de la manière dont il m'a interpellé.
« Hé, toi ».
De un, je ne m'appelle pas « Hé », et de deux, il n'a pas à me parler comme ça, d'un air autoritaire.
− Qu'est-ce que tu me veux ? Je suis en retard, je lance sur la défensive.
− C'est à moi que tu parles comme ça ? réplique-t-il en me regardant droit dans les yeux.
Je tique direct en voyant son regard sombre.
− C'est à qui je parle ? À mon ombre peut-être, reprend t-il en haussant le ton.
Je recule de deux pas en regardant autour de moi précipitamment. Je reconnais ce regard. Je reconnais cette tension. Il a envie de sauter sur moi pour me cogner. Chris avait le même regard quand j'osais lui tenir tête. Je n'arrive pas à croire que je vais revivre ça. Les battements dans ma poitrine sont rapides et précipités. Je sens le danger approcher, alors j'essaie de donner à ce garçon une réponse sage, pour le détendre.
− C'est...
− Ta gueule p****n ! s'écrit-il en se rapprochant de moi.
Dieu, qu'ai-je fait encore ?
− Tu m'as bousculé, a fait tomber mon sac, et tu continues ton chemin ?
− Je ne savais pas...
− J'ai dit ta gueule, s'écrit-il en me poussant par l'épaule, tellement fort que je suis envoyée directe au sol.
Je ne suis pas vraiment grosse donc les os de mes fesses rentrent directement en contact avec le sol. J'ai atrocement mal et aussi à mon épaule droite. Ce garçon se comporte comme ça à cause de son sac ? Sérieux ?
Je lui lance un regard haineux et il se contente de m'attraper par les cheveux et me tire vers son sac.
− Lâche-moi imbécile, tu me fais mal !
− Maintenant tu prends ça, m'ordonne-t-il.
Je m'exécute aussitôt pour ne pas avoir plus de problèmes. C'est encore quoi ça ? Il sort d'où lui pour me traiter ainsi ?
Il arrache son sac de mes mains et me toise avec mépris, avant de se retourner.
Je me relève, prends mon sac qui était tombé et l'accroche à mon bras. Il est hors de question que j'aille à mon premier cours de cette façon. Mes cheveux se sont défaits lorsqu'il les a attrapé, ma jupe est sale sur le côté... Je n'arrive pas à y croire.
Je le regarde, il est déjà proche des salles de classes. Je recule de quelques pas, et m'écris :
− Tu es un sauvage, sale c*n !
Je n'espérais vraiment pas qu'il m'entende. Mais quand il se retourne et que je croise à nouveau ses yeux de m***e, je frémis d'effroi et cours en direction de la sortie. Quelques pas seulement, et mes pieds s'entremêlent. Non seulement à cause de mes fesses qui souffraient à chaque pas, mais aussi à cause de mes genoux en x qui ont toujours été un désavantage. Je trébuche et réussi à me rattraper à temps, et cours sans regarder derrière moi. Finalement, je m'arrête à un tournant et m'adosse contre le mur, la main sur la poitrine. Tellement ça chauffe, j'ai l'impression d'avoir fait le tour du monde.
Je me penche pour voir s'il m'a suivi, mais non. La rue est déserte.
Je glisse contre le mur et m'assieds par terre. Mais la douleur m'arrache une grimace, ce qui qui me fait éclater de rire. Quel c*n celui-là, non mais, il m'a amoché.
Je finis par me calmer et porter mes mains sur mon bras. Contre toute attente, je me mets à pleurer. Ça fait mal p****n ! Ça me fait mal physiquement et psychologiquement. Pourquoi s'est-il comporté de la sorte avec moi ? Avait-il besoin d'en arriver là ? Et puis, je suis une fille, il aurait pu s'en préoccuper. Mais non, monsieur ne sait pas faire la différence. Sale c*n.
Je ne veux pas revivre tout ça. J'ai assez souffert avec Chris. Pourquoi m'éloigner de lui, si c'est pour me mettre sur le chemin d'un diablotin ?
Je reste là pendant plusieurs minutes. J'ai les yeux rouges et la colère bourdonne à mes tympans. Ainsi, j'ai raté mes premiers cours. À cause d'un imbécile sans scrupules ni éducation.
Il m'a bien amochée. Moi qui pensais commencer en beauté, je me suis bien leurrée ! J'ai juste envie de le tuer.