Kieran
Les jours suivants s’étiraient en une lente torture, chaque heure s’étendant comme une interminable épreuve. J’errais dans l’auberge, mes pensées obsédées par elle, par ce qu’elle m’avait dit, par ce qu’elle m’avait pris. Chaque coin, chaque recoin de cette maison semblait me rappeler sa présence. Sa douceur, son regard, sa voix… Tout me manquait. Mais plus que tout, c’était la part de moi qui souffrait le plus. La bête. Le loup en moi.
Je ne pouvais pas l'ignorer. Elle faisait partie de moi, tout comme elle faisait partie de cette malédiction. La bête m’avait toujours possédé, et, parfois, c’était elle qui me guidait, me dictait mes actes. Mais quand elle était là, près de moi, tout semblait plus supportable. Elle m’ancrait à la réalité, elle adoucissait la douleur.
Mais maintenant ? Maintenant, tout était devenu un gouffre insondable. Le vide qu’elle avait laissé derrière elle se refermait autour de moi comme un piège, de plus en plus serré. Et le loup, le loup que j'avais longtemps tenté de contenir, se réveillait, grandissant, affamé, exigeant.
J’étais seul. Sans elle. Et c’était comme si une partie de mon âme s’était éteinte.
J’étais un homme brisé. Un monstre, un loup errant dans l’obscurité. Et la seule personne qui pourrait apaiser cette souffrance était celle que j’avais rejetée, celle que j’avais poussée à partir.
Je m’assis sur le vieux canapé de l’auberge, mes mains sur mes genoux, mes yeux fixés sur le feu qui mourait lentement dans la cheminée. La lumière vacillante dansait sur les murs comme une ombre, accentuant ma solitude.
« Pourquoi ? » murmurais-je dans le silence. « Pourquoi n’ai-je pas pu être assez fort pour la garder ? »
La réponse, je la connaissais, mais je n’arrivais pas à l’accepter. Amy avait raison. Elle ne pouvait pas être avec moi dans cette vie. Elle ne pouvait pas être ce point d’ancrage que j’espérais, elle ne pouvait pas m’aider à lutter contre cette malédiction. C’était à moi de faire face à la bête.
Mais la bête… elle avait soif. Elle hurlait dans ma poitrine, me suppliant de la libérer, de tout dévorer sur mon passage. Je savais que ce désir ne faisait que grandir, et je n’étais pas sûr de pouvoir le contenir plus longtemps. J’avais l’impression de perdre peu à peu toute humanité.
Et Kyle, mon loup… Il était plus que jamais présent, comme une ombre dans mon esprit, une force irrésistible qui me poussait à m’abandonner à l’animal. Il savait ce que je voulais. Il savait que je voulais retourner auprès d’Amy, lui faire comprendre qu’il n’y avait pas de retour en arrière. Qu’elle était la seule qui pouvait sauver le monstre en moi, que nous nous complétions.
Mais il n’y avait plus de place pour l’espoir. Il n’y avait plus de place pour l’attente.
Je me levai soudainement, incapable de rester là à me laisser consumer par mes propres pensées. La nuit était tombée, une nuit sans lune, noire comme mon âme. Je quittai l’auberge sans vraiment y penser, mes pas me guidant comme une instinct, le loup en moi prenant la direction de la forêt, ce terrain que je connaissais si bien. L'appel de la nature sauvage était plus fort que tout, et la bête en moi l’entendait, la ressentait. Elle avait besoin de s’échapper, de fuir.
Mais ce soir, ce n’était pas l’isolement qu’elle recherchait. Ce n’était pas le sol de la forêt humide qui l’appelait. Non, ce qu'elle voulait, c'était elle.
Je m’enfonçai dans les bois, les branches claquant autour de moi, mes mains agitées, mes muscles tendus. Le vent fouettait mon visage alors que je m’élançais à travers les arbres, comme un prédateur chassant sa proie. Kyle, mon loup, rugissait dans ma tête, le sang pulsant dans mes veines. L’envie d’Amy brûlait en moi, ardente et irrépressible.
Elle me manquait. Plus que tout. Et je savais que cette attraction entre elle et moi n’était pas simplement une question d’amour ou de désir. C’était plus profond. C’était une connexion, une unité qui ne pouvait pas être rompue, même par un simple rejet.
J’avais besoin d’elle pour apaiser la bête. Je savais que sans elle, tout deviendrait trop difficile à supporter. La douleur, la transformation, la rage. Sans elle, je serais perdu.
Mes pensées se tournaient uniquement vers elle, vers la sensation de ses bras autour de moi, de ses doigts dans mes cheveux, de sa voix douce me disant que tout irait bien. Mais je savais que je ne pouvais pas la forcer. Que je ne pouvais pas l’obliger à revenir. C’était elle qui devait choisir, elle qui devait comprendre que, quoi qu'il arrive, je ne serais jamais entier sans elle.
Le vent soufflait plus fort à chaque pas, comme une voix qui chuchotait dans l’obscurité. Mais au fond de moi, je savais que ce ne serait pas suffisant. Tant que la bête en moi serait éveillée, tant que mon âme serait marquée par cette malédiction, il n'y aurait pas de paix.
Je m’arrêtai brusquement, mon cœur battant violemment dans ma poitrine. Une pensée me frappa, lourde comme un marteau. Si je pouvais la convaincre, si je pouvais lui prouver que je ne pouvais plus vivre sans elle, peut-être que tout serait différent.
Je devais la retrouver. Je devais lui montrer. Peu importait ce que cela coûterait. Peu importe le prix que j’aurais à payer.
Car sans elle, je savais que je ne pourrais jamais contenir le loup.