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2689 Words
1 Nantes, 12 février 2013 — Ho ! Tu pourrais baisser ta musique ? Je travaille ! — Moi aussi ! — Ouais, ben, en silence, mets ton casque ! Pourquoi n’avait-il pas inscrit son fils à un stage de photographie quand il était petit ? Avec un peu de chance, il aurait adoré ça et il ne lui casserait pas les oreilles avec sa musique de dingue. Arthur Bony se posait la question alors qu’il essayait de terminer un compte-rendu de filature sur son ordinateur portable. D’un autre côté, si sa descendance avait pu être un nouveau Doisneau, il se rincerait probablement les dents aujourd’hui avec du fixateur, bordélique comme pouvait l’être son fils. Dans la pièce à côté Pierre coiffa enfin son casque et une vague de silence vint arroser ses oreilles, à sa grande satisfaction. Mais tout de suite après, les cris de sa voisine d’en dessous houspillant son rejeton qui avait encore dû faire une connerie, le firent hocher la tête en ronchonnant. — p****n, mais c’est pas vrai ! C’EST FINI C’BORDEL ?! Au cri qu’il dirigea vers son plancher lui revint en écho presque immédiatement la réponse de sa voisine : « MEEEERDE ! » — Bon, les choses sont claires. Adieu monde cruel ! Il replia son portable, enfila son veston et partit chez Rémi, à cinquante mètres, où l’attendait sa table dans le fond, près du radiateur comme du temps où il était gamin à l’école. Il s’assit et Rémi vint lui poser un thé au lait en regardant sa montre. — Ta voisine qui pique sa crise ? Pierre qui expérimente ses nouvelles enceintes ? — Les deux, mais dans l’ordre inverse. Chez Rémi, c’était calme et volupté à tout moment de la journée. Pas de télé diffusant des résultats sportifs ou des clips sans intérêt à longueur de temps, pas de pilier de comptoir commentant l’actualité avec un coup dans l’nez, pas de garçon braillant « Un d’mi et un perroquet !’ ». Le café de Rémi donnait dans le branché, le bio, le café philo et les p’t**s gâteaux. Ce n’étaient pas vraiment les goûts de Bony, mais il aimait bien l’atmosphère sereine et chaleureuse régnant dans ce petit espace. Il déplia le portable et reprit l’écriture de son compte-rendu. Il était content, car ce travail facile allait lui rapporter pas mal d’argent qu’il pourrait placer pour Pierre, et si le client était vraiment satisfait, il pourrait même compter sur une petite rallonge qu’il lui avait promise. Le métier de détective privé avait ses bons côtés lorsque le boulot n’était pas trop fatigant et rapportait bien, parfois, mais évidemment c’était plus rare que les planques harassantes où l’on se demandait alors pourquoi diable les heures étaient extensibles à l’infini. En refermant son portable, Bony bâilla à s’en décrocher la mâchoire puis repartit tranquillement chez lui en se demandant si Rosamund allait lui dégoter une nouvelle petite affaire bien juteuse. Elle ne l’avait pas contacté depuis deux jours et il s’en étonnait. En ce moment, on avait recours à lui pour toute sorte d’enquêtes. Ça allait de la filature classique pour le mari trompé, la recherche de personnes, des enquêtes de solvabilité ou de moralité jusqu’à l’enquête approfondie pour des grosses boîtes, des patrons ou hommes politiques, en passant par des demandes d’expertises, recherches généalogiques, réouvertures officieuses d’enquêtes. L’agence marchait bien, très bien même depuis qu’elle avait bénéficié d’une énorme couverture médiatique à propos de l’affaire Fischer. Alors que la police, la gendarmerie et plusieurs enquêtes parallèles avaient lamentablement échoué à alpaguer un suspect soupçonné de divers trafics, chantages et même homicides, Bony l’avait coincé après trois semaines d’une enquête délicate et dangereuse. Le commanditaire, un industriel très en vue, avait fait appel à l’agence et Bony en charge de l’affaire fut largement rétribué pour ce travail. Depuis, il pouvait se permettre de choisir ses affaires, ou plutôt c’est Rosamund qui écrémait les dossiers. Si la Mondiale de Recherches, Sécurité et Enquêtes regroupait plusieurs détectives, seuls les services de la Préfecture connaissaient les noms des investigateurs privés qui y travaillaient. La Préfecture et Rosamund, la secrétaire d’origine anglaise qui assurait l’administratif à l’agence. Son délicieux accent mettait les clients en confiance, les conduisant sans doute à fantasmer aussitôt vers l’imaginaire d’une enquête à la Miss Marple, Poirot ou Sam Spade. Ainsi, aucun client ne connaissait l’identité de l’enquêteur qui allait s’occuper de son affaire. Rosamund était la seule et unique personne qui représentait l’agence, et elle savait y faire ! La MO.R.S.E. avait donc eu les faveurs des chaînes et les activités de Fischer s’étendant jusqu’en Amérique du Nord, la publicité qui en avait résulté avait fait pâlir d’envie les plus grosses agences parisiennes. Depuis les commandes affluaient. Chaque enquêteur avait une spécialité ou bien des préférences et Rosamund tentait de dispatcher les affaires en fonction de celles-ci. Bony était plus particulièrement efficace sur les recherches de personnes. Avec le temps, il avait appris à archiver, classer et mettre en évidence sur des supports aujourd’hui informatiques toutes les informations recueillies dans ses enquêtes, mais c’était son pif, son radar, sa petite voix intérieure, bref son intuition qui lui apportait la plupart du temps l’aide définitive à la résolution d’une enquête. Parfois, une seule entrevue de moins de cinq minutes avait balayé l’intégralité d’une théorie élaborée depuis les débuts d’une enquête. En cherchant le détail, la preuve irréfutable qui viendrait s’ajuster dans le puzzle patiemment construit, un mot, une expression, un regard, un geste réduisait tout à néant et, comme le disait Bony, il y avait alors court-jus et tout devenait clair. C’est pourquoi il se méfiait toujours des dossiers soi-disant bétonnés où on collait aux faits des explications qui, pour logiques qu’elles puissent être, révélaient parfois des failles dues au facteur humain. Rosamund en était consciente et avait à cœur de lui soumettre des affaires dans lesquelles il pouvait se concentrer sur le démantèlement de mécanismes qui souvent flirtaient avec l’incompréhensible. Pourquoi une personne qui avait construit sa vie sur une dynamique logique et réfléchie agissait-elle tout à coup de façon irrationnelle ? Et cela même alors que les faits demeuraient d’une banale réalité. Il en avait eu plusieurs fois l’expérience et seule la faille émotive, le facteur humain pouvait justifier l’acte. A contrario de Rouletabille par exemple qui privilégiait le bon bout de sa raison en analysant les faits, il faisait davantage confiance à ce qu’il observait chez les gens qu’il rencontrait. Un changement d’inflexion dans la voix, un regard qui se pose soudainement ailleurs, un petit lapsus ou encore une main qui ne se pose pas naturellement sur un genou et une interrogation se faisait jour dans son cerveau. Bien sûr, il ne misait pas tout sur ces petits signes et ceux-ci pouvaient s’expliquer par le stress notamment. Mais avec un cursus universitaire d’abord consacré à la psychologie et suivi de trois années de médecine, Bony possédait aujourd’hui une expérience dans l’art de décrypter un humanoïde lambda que beaucoup d’enquêteurs lui enviaient. Au secrétariat de la MO.R.S.E. Rosamund hésitait entre Bony et l’un de ses collègues pour une affaire qui venait d’atterrir sur son bureau. Un client désirait qu’on relance une enquête qui n’avait pas abouti. Treize ans plus tôt, un meurtre avait été commis, mais aucun suspect n’avait été mis en cause, aucun indice ne s’était avéré fiable et l’affaire avait été classée. L’homme offrait une grosse somme d’argent afin que la MO.R.S.E. reprenne l’enquête et exigeait que ce soit l’investigateur de l’affaire Fischer, et nul autre enquêteur, qui en soit chargé. La chose se comprenait mieux du fait que le client avait suivi le déroulement de l’affaire Fischer sur le territoire nord-américain où il résidait. Rosamund décrocha le téléphone et composa le numéro de Bony. Celui-ci hurla à nouveau en décrochant pour demander à Pierre de remettre le casque qu’il avait enlevé. Enfin, Rosamund put distinguer la voix d’Arthur après le déluge de décibels de son fils. — Manoir du faucon maltais, j’écoute ! — Arthur, j’attends ton rapport de filoche. Le client veut savoir s’il est cocu et comment. — Bizarre cette manie de vouloir se faire du mal. Je n’aime guère ça alors bon, je vais lui dire qu’il n’est cocu qu’avec un seul de ses amis. — Ah bon, parce qu’il y en a d’autres ? — Ma chère Moneypenny, j’adore ta naïveté. Tu ferais une piètre détective vraiment. — Oui, mais toi, tu ferais une secrétaire navrante c’est sûr, et ne m’appelle pas Moneypenny, tu es loin, très loin de ressembler à James. — Bah ! Il suffirait que l’agence daigne enfin accéder à ma requête et me fournisse l’Aston-Martin. — Pour l’instant, je vais te fournir un Airbus, ça sera déjà pas si mal. — …? — Je te propose un meurtre non résolu. Aucun suspect potentiel, pas d’indice, pas de piste, bref, un bonheur pour toi. — Et quel rapport avec l’Airbus ? Le commandant de bord retrouvé crucifié sur son siège avec une fourchette en plastique ? Une hôtesse éparpillée en six morceaux dans des attachés-cases en classe affaires ? — Un touriste assassiné de trois coups de couteau à l’hôtel Ile de France. — Où ça ? — Outre-mer, à Saint-Pierre et Miquelon. — Whaow ! Génial. Je prépare mon caleçon et ma crème solaire et je suis ton homme. — Prépare plutôt tes moon-boots et ta canadienne, il fait un degré là-bas en ce moment. — Ben merde, c’est pas sous les tropiques ? — Pas vraiment. Les Français sont vraiment nuls en géo. Ça se trouve au sud de Terre-Neuve. — Bon, ben, à défaut de ti-punch, je boirai des grogs. — Je t’envoie le dossier par coursier. Départ après-demain de Roissy. Escale à Montréal et changement d’avion pour Saint-Pierre. Je te retiens une chambre à l’hôtel Ile de France. — Je te ramènerai une doudoune en peau de phoque, tu vas a-do-rer. — J’ai horreur de la fourrure, tu devrais savoir ça si seulement tu t’intéressais un peu à moi ! Bye ! Bony étala sur la table du living tous les documents qu’il venait de recevoir par livraison expresse. Durant le court laps de temps qui avait précédé l’arrivée du coursier, il avait navigué sur le Net afin de recueillir quelques infos sur Saint-Pierre et Miquelon. En dehors des petits films promotionnels et de magnifiques photos qui pouvaient laisser à penser que le paradis sur terre était bel et bien à cet endroit, il avait pu lire certains commentaires laissés par des touristes et si quelques-uns regrettaient la petitesse de l’archipel et le climat souvent propice à rendre neurasthénique un clown fumeur de haschich, la plupart louaient l’originalité de la vie qu’on y menait. Il en convenait après avoir vu des photos montrant des joueurs de chistera s’exerçant sur un fronton basque en plein centre-ville ou encore des chevaux sauvages broutant dans des dunes près de la mer. Les maisons aux couleurs chatoyantes semblaient offrir tout le confort nord-américain et on y mangeait de très bons plats français arrosés des meilleurs crus hexagonaux. Pierre, tenaillé par la faim, vint fureter dans la cuisine pour y dénicher un paquet de gâteaux et passant devant la table vit les photos d’un homme parmi divers papiers. — Tiens, une affaire de dopage dans le rugby ? — Pourquoi dis-tu ça ? lui demanda son père. — Ben, j’sais pas, mais comme ce gars a tout l’air d’être un pilier du XV du trèfle, je me disais que ça avait peut-être un rapport. La photo en vingt-et-un par vingt-neuf/sept montrait le visage d’un homme encore jeune, dans les trente-cinq ans. À côté, une autre photo le montrait en pied et la déduction de Pierre semblait logique. L’homme devait peser plus du quintal et avait la stature d’un pilier de rugby. De plus, avec son nez cassé et son teint de rouquin on pouvait aisément penser qu’il était natif de Dublin ou de Galway. Mais Stanley Parker avait vu le jour à Kemptville, au sud d’Ottawa au Canada. On l’avait retrouvé le 24 février 2000 gisant dans une chambre de l’hôtel Ile de France à Saint-Pierre, poignardé de trois coups de couteau. L’arme, vraisemblablement un couteau de chasse avec un manche en corne de chevreuil acheté à Saint-Pierre par la victime ne fut jamais retrouvée, tout comme la valise qu’il possédait à son arrivée sur l’île deux jours plus tôt. Représentant en produits de dentisterie, il avait déclaré aux douanes venir sur l’archipel pour le tourisme et avait réservé une chambre pour une semaine. Le rapport était aussi succinct que la pensée d’un candidat de reality-show et l’enquête n’ayant pas progressé d’un pouce, l’affaire avait été classée dix ans plus tard. Bony sourit en reconnaissant le nom de l’officier de gendarmerie en charge du commandement sur l’archipel ; Christophe Le Gentil. Au moins, il connaissait quelqu’un là-bas, c’était déjà ça. Il avait connu Le Gentil alors qu’il travaillait en banlieue parisienne. À cette époque, Bony habitait Créteil et avait été mêlé à son corps défendant à une triste histoire de trafic de drogue. Complètement étranger à l’affaire, il s’était malheureusement trouvé au mauvais moment au mauvais endroit et une homonymie avec un petit truand aurait pu faire de lui le coupable idéal. Heureusement, Le Gentil ne se laissa pas aveugler et écouta avec attention le discours d’Arthur Bony. Cet homme lui semblait honnête et, grâce à son opiniâtreté Arthur fut bientôt mis hors de cause. Il lui en serait éternellement reconnaissant. Le Gentil n’acceptant alors rien d’autre que ses remerciements. Il n’était pas encore détective à cette époque, hésitant entre la médecine et le droit. Quelque temps plus tard, son amie fut victime d’un règlement de compte et il appela Le Gentil à la rescousse. C’était en partie grâce à cette affaire qu’il avait choisi la voie professionnelle qu’il suivait encore aujourd’hui. Il n’avait jamais revu Le Gentil depuis, mais conservait l’image d’un homme ouvert et franc, intéressant et curieux. Peut-être un peu trop grande gueule parfois, mais ce n’était pas pour lui déplaire. Il se demanda comment Rosamund avait pu obtenir ces documents, car ils n’avaient certainement pu être fournis par le commanditaire, un certain Leeman qui habitait Montréal. Connaissait-elle Le Gentil elle aussi ? Il en douta et pensa l’appeler pour lui demander, mais se ravisa. Moneypenny ne disait jamais rien des infos qu’elle récoltait. D’ailleurs, on n’appelait jamais Moneypenny, c’était elle qui le faisait et chose extraordinaire, elle appelait toujours à l’instant où l’on avait besoin d’elle. C’était à croire qu’elle était pourvue d’un don de seconde vue. Il hésita également à avertir Le Gentil de sa prochaine arrivée sur l’archipel, mais pensa avec raison que le lieutenant-colonel de gendarmerie en serait avisé par les R.G. locaux. Les autres documents étalés sur la table étaient de peu d’intérêt. Un plan de la chambre d’hôtel, une photo de celui-ci, une liste détaillée de quelques effets retrouvés dans l’unique placard et une chronologie du séjour de la victime sur l’île. Malgré son physique particulier, il semblait s’être fondu dans la masse, car aucun témoin ne se souvenait de faits marquants quant à ce gars. Une autre fiche concernait le donneur d’ordre, Tony Leeman. Il habitait actuellement à Montréal, avait quarante-six ans. D’origine asiatique si on considérait ses traits métissés, il vivait très confortablement, étant dirigeant d’une entreprise spécialisée dans la rénovation immobilière. Bony aurait bien aimé pouvoir converser avec lui, ne serait-ce que pour sentir un peu ce gars dont le visage avenant sur la photo ne laissait pas paraître grand-chose. Les annotations de Rosamund étaient vagues : « riche, paye cash (on sentait là que la secrétaire appréciait grandement ce genre de client !), demande une enquête approfondie et un bilan détaillé, avec comptes rendus réguliers que Rosamund transmettrait. Aucun lien avoué avec la victime, professionnel ou personnel ». Pourquoi donc Leeman tenait-il à déterrer cette affaire ? Qu’avait-il à y gagner et quelles étaient ses motivations ? Il devait savoir que si Bony arrivait à connaître la vérité, les services judiciaires en seraient bien sûr informés. L’affaire ne concernait pas les cornes d’un cocu. Si Rosamund n’avait pas fourni plus d’informations, c’est qu’elle n’en savait pas plus et il était inutile que Bony tente de lui en demander davantage. Pourtant il aurait bien aimé tailler une bavette avec Moneypenny à propos de Leeman. La sonnerie de son portable mit un terme à ses questionnements. — Dernière info : tu seras accueilli à Montréal par l’officier de gendarmerie commandant sur l’archipel, Christophe Le Gentil. — Moneypenny ! C’est dingue, je pensais justement à toi et… — Ça m’étonnerait. — et, reprends-je, je me demandais si tu savais pourquoi Tony Leeman veut rouvrir cette enquête ? — Je t’ai fait parvenir toutes les pièces du dossier. N’y manque que le texte de son mail qui dit en substance, je te le lis : Je vous demande de reprendre cette enquête en la confiant à l’enquêteur qui s’est occupé de l’affaire Fischer dont j’ai ici suivi le déroulement. Je vous fais parvenir les éléments en ma possession ainsi qu’une avance pour les premiers frais. Paiement de vos honoraires à chaque transmission de rapport. Ceux-ci devront être exhaustifs et détaillés. Votre discrétion est bien sûr réclamée et exigée. — Et donc ? — Et donc il n’en dit pas plus et je n’ai pu remonter l’adresse IP. Les seules infos que tu pourras trouver sur lui sont sur le Net, mais il n’y a rien d’important. Tu as lu ? — Je suis en train de le faire et… non, rien qui puisse m’éclairer vraiment sur sa personnalité. Il paye bien donc ? — Très bien et je ne te dirai pas combien. — Tu connais le prix d’une Aston-Martin, il me faut savoir quoi dire au concessionnaire pour les options. — Que les études de Pierre vont te coûter un max et que ton ex-femme te vampirise et qu’en conséquence de quoi ta vieille Rover te fera bien encore dix ans. Bye James ! — Je te hais. Je ne te ramènerai de là-bas que mon mépris glacé. — Ça me rafraîchira. Je prévois de partir quinze jours aux Maldives. Bony sourit et raccrocha en imaginant Rosamund allongée sur une plage de sable fin en maillot topless. Il trouva l’image surréaliste. Rosamund ne pourrait jamais être en topless.
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