Emily
Toute la journée, j'ai aidé Adine à faire la cuisine. J'en ai profité pour cacher des morceaux de viande. Une fois la nuit tombée, après avoir bien mangé dans la cuisine, j'ai amené avec moi les morceaux de viande que j'avais cachés. Après s'être lavée, Mathe est venu près de moi et je lui ai chuchoté à l'oreille :
- Qu'est-ce que c'est ?
- Regarde.
Je lui montre les morceaux de viande que j'ai cachés dans la poche intérieure de mon vêtement. Elle me regarde, les yeux grands ouverts :
- Oui, régale-toi.
Elle se jette dessus. Ça fait si longtemps qu'on n'a pas mangé de viande !
- Hum... c'est délicieux. C'est si bon ! Que le Seigneur te bénisse… Tu es mon âme sœur. Hummmm... Merci.
– Ça suffit maintenant. Tu fais comme si je t'avais libérée d'ici.
- Mais, avec ces viandes, tu m'as fait voyager loin d'ici pendant un moment. Je vais garder deux morceaux pour demain.
- Si les souris sentent l'odeur, elles vont me la voler.
- Tu as raison. J'ai tellement envie de les garder et de les sentir de temps en temps ! Mais c'est impossible, les souris risquent de me le prendre. Je vais les mettre dans ma bouche et les mâcher tout doucement jusqu'à demain.
— Que tu es bête !
- Je suis sérieuse ? Sais-tu depuis combien de temps je n'ai pas senti l'odeur de viande ? Je vais en profiter au maximum.
Trois jours plus tard
Aujourd'hui, je dois reprendre le chemin des champs. Mais je n'ai pas du tout envie ! Si je pouvais me blesser encore une fois pour rester au palais et pouvoir me goinfrer de bonnes choses.
Je ne veux pas de cette vie ! Pourquoi le destin est-il si cruel ? Je ne suis pas faite pour ce genre de vie, je suis faite pour une vie de princesse. Je ne sais pas pourquoi, mais je sais que je suis différente. D'ailleurs, je n'ai pas de loup alors qu'hier soir, c'était mon anniversaire. Et je n'ai rien ressenti ! Normalement, je devais me transformer, mais ça n'a pas été le cas. Ma mère m'a dit que j'étais différente, que je me transformerais à mes dix-huit ans. Et c'était hier. Hier, je n'ai rien ressenti. Rien, mais j'ai fait un rêve étrange. Un rêve où un être étrange est apparu. Il m'a appelée « ma fille » ! Comment puis-je être sa fille si mon père est mort devant moi ?
Il m'a embrassée sur la tempe, puis a mis sa main dans sa poitrine et en a retiré son cœur... Oui, son cœur, et il l'a mise dans ma poitrine. C'était en effet un rêve étrange. Je l'ai très vite oublié, car il est très étrange. Mais ce matin, j'ai remarqué une petite trace sur le côté de mon cœur. Je ne crois pas que ça ait un rapport avec mon rêve. C'est quand même bizarre.
Si je dois reprendre le travail aux champs, ça veut dire que ce soir, je dois passer voir le roi pour qu'il le blesse, comme il a blessé toutes celles qui sont passées avant. Hier, la dernière qui est arrivée de chez lui était dans un état plus que lamentable. Elle est actuellement dans le coma. Comment arrive-t-il à dormir la nuit avec tout ce qu'il nous fait ? Et personne ne peut intervenir pour nous ? On nous traite moins bien que des animaux.
— Arrête de rêver, allons-y.
- Mathe, tu as failli me faire mourir de peur. Je me demande ce que je vais trouver pour m'infliger afin de ne pas partir au champ.
- Tu vas m'arrêter ça tout de suite. Tu es folle. Tu te rends compte que tu veux te rendre malade pour ne pas travailler ?
- Et alors ? C'est mon corps et j'en fais ce que je veux.
- Si tu essaies de me refaire ce même coup, je vais te dénoncer. À force de fuir la réalité, tu risques de te faire quelque chose que nous ne pourrons pas soigner. Arrête ces enfantillages.
- Oui, maman, je le demande, où se trouve ma mère ? Je ne l'ai plus revue depuis.
- Je sais, nous espérons tous qu'elle est en vie.
Nous nous traînons jusqu'au champ. Ils ne nous mettent plus de chaînes. Comme à son habitude, notre gardien choisit l'une des filles qui accepte de ne pas effectuer les travaux champêtres.
Comme à son habitude, notre gardien choisit l'une des filles qui accepte pour ne pas effectuer les travaux champêtres.
C'est vraiment déplorable, nous sommes tombées si bas. Je me fais frapper parce que je traîne des pieds.
Nous repartons au palais une fois la nuit tombée.
J'ai très peur, ce soir, il va me tuer, je risque de perdre la vie. Que vais-je devenir ? Je vais prendre ma douche.
Adine vient d'arriver.
- Mange, avant que je ne t'accompagne.
Je prends tout mon temps pour manger. Si je pouvais continuer à manger jusqu'à demain matin, ce serait bien.
Au bout d'une heure, j'ai enfin terminé.
- Allons-y.
Je la suis très lentement. Chaque pas que je fais me rapproche de ma mort. Car, forcément, je vais mourir. Elle m'emmène dans un bureau, elle frappe, j'entends cette voix qui me glace le sang :
« Entrez.
Si je pouvais m'enfuir.