Préfaced’Alfu
Ce court roman de Gaston Leroux, auteur célèbre pour son Fantôme de l’Opéra — mondialement connu et souvent adapté — et surtout son personnage de Rouletabille, l’un des grands détectives français des origines, est tout à fait emblématique de notre collection dédiée aux romans populaires publiés — et le plus souvent écrits — pendant le premier conflit mondial et mettant en scène la guerre.
Destiné primitivement au Flambeau, un hebdomadaire lancé par le grand journal Le Matin mais qui disparaît très vite, Confitou est finalement intégralement publié dans le « rez-de-chaussée » du quotidien, un mois durant, du 16 janvier au 15 février 1916. Il paraît en librairie chez Lafitte en 1917.
Une seule réédition, copieusement expurgée, sera proposée en 1931 dans la collection « Gaston Leroux » éditée par la veuve de l’auteur sous le label « Editions Jeanne Gaston Leroux » — avec des illustrations de Ralph Soupault.
Et à la lecture des pages qui suivent, on comprend pourquoi une honte certaine s’est abattue sur ce texte.
Enfant de mai (18)68, Leroux a 47 ans lors de la déclaration de guerre. Le conseil de révision de La Roche-sur-Yon confirme sa réforme pour insuffisance cardiaque.
Ne pouvant combattre avec le fusil, il le fera avec la plume et sera, comme beaucoup de ses confrères écrivains populaires, l’auteur d’une littérature de guerre dont le trait principal est l’antigermanisme.
Mais bon sang ne saurait mentir et le naturel revient au galop : Gaston Leroux, éternel joueur 1, choisit là encore de jouer avec la fiction. Et il utilise un thème qui lui permet ce jeu : son personnage central est un enfant qui a un père français et une mère allemande ; il vit en France mais voit arriver chez lui des soldats allemands qui sont ses parents…
Bien sûr on ne peut pas ne pas songer à Alsace, la pièce de théâtre que Leroux a écrit en 1912 avec l’Alsacien Camille Dreyfus, et qui a été jouée au Théâtre Réjane en janvier 1913.
Le thème du patriote alsacien ayant épousé une Allemande, et qui finit par en mourir, présente des similitudes, mais la pièce est un drame.
Confitou relève plus au départ de la comédie. Le personnage principal est un enfant de 8 ans qui pense avant tout à jouer : la guerre est pour lui un spectacle. Et il y est très à l’aise puisqu’il connaît du monde dans les deux camps, parlant aussi bien le français que l’allemand.
Mais petit à petit les choses s’enveniment et la tragédie prend sa place. Il ne peut en être autrement tant sont terribles ces Allemands que l’on voit commettre les pires horreurs.
Car le trait principal du texte de Gaston Leroux est la dénonciation des atrocités allemandes.
Ce propos, qui sera repris à satiété par beaucoup d’autres auteurs du temps, doit-il nous interdire aujourd’hui la lecture de Confitou ? Certainement pas, si nous souhaitons connaître parfaitement un auteur qui reste un des plus grands feuilletonistes du vingtième siècle et aussi si nous voulons vraiment savoir ce qu’a été la Grande Guerre, y compris dans sa littérature populaire.
1 Lire à ce propos mon livre, Gaston Leroux, parcours d’une œuvre (Encrage, 1996)