Chapitre 4

1146 Words
Chapitre 4 Robin essuya d’un revers de pensée la pointe de douleur qui lui avait traversé la poitrine. Il se persuada que ce n’était qu’un réflexe absurde : il n’avait jamais convoité Sabrina. Il avait Zayla, et cela suffisait. Pourtant, une question tapie dans l’ombre continuait de marteler : comment avait-elle pu se retrouver dans les bras d’un autre ? Était-ce possible qu’elle ait entretenu une liaison sous son toit ? L’idée le frappa assez fort pour qu’il s’avance, prêt à l’interroger, mais l’inconnu eut un geste inattendu : un b****r posé sur le front de Sabrina, délicat, presque intime, avant de l’escorter jusqu’à une Rolls-Royce impeccable. Il glissa un bras autour de sa taille comme si cela allait de soi, lui ouvrit la portière, vérifia sa ceinture, puis contourna le véhicule avec la tranquillité d’un homme habitué à prendre soin d’elle. La scène mit Robin hors de lui. Lui, incapable d’offrir la moindre tendresse, observait cet étranger multiplier les gestes qu’il n’avait jamais su avoir. Et ce qui l’acheva fut l’impression que l’homme l’avait repéré mais n’en tenait aucun compte, comme s’il n’était rien. Sabrina, elle, n’avait même pas baissé les yeux vers lui. Agacé, brûlant, il s’élança vers la voiture. Son téléphone se mit à vibrer. Il ne regarda même pas. Faisant abstraction de l’appel, il atteignit la vitre côté passager, leva son bras dans un geste odieux et frappa contre le verre. Sabrina, persuadée qu’il voulait lui transmettre un document oublié, baissa la tête — puis la vitre. — Descends, ordonna Robin d’une voix faussement posée. — Pourquoi ? demanda-t-elle, sincèrement surprise. Elle obéit malgré tout. L’homme sortit aussi, se tenant légèrement devant elle, comme une barrière humaine. — Qui est cet homme, et depuis quand montes-tu dans sa voiture ? lança Robin d’un ton tranchant. Un rire sec échappa à Sabrina. Tout prenait sens : il cherchait une raison de la provoquer. — Robin… on a signé le divorce ce matin. Je ne te dois plus d’explications. Elle pivota pour regagner le siège, mais Robin l’attrapa, la retenant avec une brutalité qu’elle connaissait trop. L’inconnu intervint aussitôt, serrant le poignet de Robin pour l’obliger à lâcher prise. — Retirez vos mains de ma fille, dit-il, glacial. Ils se toisèrent, même taille, même rigidité dans la carrure, leurs costumes sombres reflétant le même éclat froid. Robin rangea son téléphone, prêt à en découdre. — Ta compagne ? Depuis quand ? cracha-t-il. — Tu crois vraiment que je vais t’expliquer quoi que ce soit ? Vous n’êtes plus mariés, trancha l’homme, sans un clignement d’œil. Sabrina essayait de desserrer les doigts de Robin, mal à l’aise. L’autre homme agrippa de nouveau le bras de Robin. — Laissez-la. — Sinon quoi ? répliqua Robin, resserrant son emprise. Il n’en fallut pas plus : un coup v*****t s’écrasa sur sa joue. Robin recula sous l’impact, forcé de relâcher Sabrina. Le côté droit de son visage se teinta immédiatement de rouge. Sabrina, alarmée malgré elle, effleura la zone abîmée. L’homme tenta de frapper encore, mais Sabrina se plaça entre eux. La tension attira une foule en quelques secondes, des regards curieux encerclant la scène tandis que les deux hommes cherchaient à s’arracher l’un à l’autre. — Ça n’en vaut pas la peine. Allons-nous-en, murmura-t-elle à son accompagnateur. Elle regagna la voiture. L’homme la suivit. Robin, le souffle court, les observa avec une rage sourde. — Si j’apprends que tu m’as trahi toutes ces années, tu regretteras, gronda-t-il. Sabrina explosa d’un rire étranglé, presque douloureux. Ses yeux brillaient, mais ce n’était pas de la joie. — Avale la vérité pour une fois, Robin. Elle est amère, oui… mais elle est pour toi. La Rolls-Royce s’éloigna, laissant Robin seul sur le trottoir, la joue en feu. Il porta la main à sa poche, où la vibration du téléphone recommençait. L’écran affichait le nom de Zayla. En voyant Sabrina disparaître en souriant — un sourire qu’il n’avait jamais su lui arracher — son sang se glaça. Il décrocha seulement quand la voiture devint un point indistinct. — Chéri… tu rentres quand ? Tu m’as manqué, dit une voix douce. Ce mot tendre, qui ne lui ressemblait pas, le prit au dépourvu. Il préférait son prénom, sec et direct, mais Zayla n’était pas n’importe qui. Elle lui avait un jour sauvé la vie. — Je viens de partir, Zayla, répondit-il doucement. — Puis-je rester dans ton bureau ? Je ne prendrai pas de place. Je n’ai personne à voir, tu sais. Elle connaissait trop bien le passé de Robin, son entourage féminin, la facilité avec laquelle les femmes gravitaient autour de lui. Elle se disait qu’en se tenant près de lui, elle les écarterait. Et elle avait juré de ne pas devenir comme Sabrina qui, selon elle, avait tout enduré en silence. Robin n’y vit pas d’objection. — D’accord. Je t’envoie un chauffeur. Mais Zayla n’était pas sereine. Sabrina n’était plus un obstacle ; cependant, tant que la bague n’était pas passée à son doigt, tout pouvait encore lui échapper. — Tu ne peux vraiment pas venir toi-même ? Robin aurait voulu s’accorder un moment de répit, mais une pile de dossiers l’attendait et il avait déjà perdu une heure avec l’annulation à cause du tribunal. — Je n’ai pas le temps. J’ai trop de choses en retard. — Donc… c’est officiel, vous êtes divorcés ? demanda-t-elle soudain, avec une joie mal dissimulée. — Oui. — On devrait célébrer ça ! proposa-t-elle aussitôt. On sort ce soir ? L’idée de porter un toast à la fin de son mariage le heurta comme un coup supplémentaire. Il n’avait jamais souhaité ce divorce. Il avait seulement voulu que Sabrina réalise qu’il lui était indispensable. Mais la voir dans les bras de cet homme… Son humeur s’assombrit. — Je vais travailler tard, dit-il sèchement. — Mais… je veux être près de toi, insista-t-elle, presque plaintive. J’ai été tenue loin de toi pendant des années… tout ça à cause de ton père. Je viens juste de découvrir qu’il était mort depuis plus de deux ans. Et après ça, Sabrina t’a éloigné de moi… Robin soupira. Il n’appréciait pas l’idée d’un soir partagé non plus. — Non, tu rentres. Le chauffeur te ramènera dans quatre heures. Tu es enceinte, tu dois te reposer. Si tu t’ennuies, passe au penthouse et regarde ce dont on pourrait avoir besoin. Elle n’aimait pas la consigne, mais le rappel de sa grossesse la fit céder. Puis une idée la frappa : aménager le penthouse elle-même… c’était une responsabilité importante. Elle sourit. — Très bien. Je ferai en sorte que cet endroit devienne un vrai foyer pour nous. Sa voix se fit plus faible, mais Robin n’y prêta pas attention. Un sentiment de satisfaction l’envahit. Zayla allait lui offrir ce que Sabrina avait été capable de créer : un lieu chaleureux, une maison vivante. Il raccrocha, un léger sourire aux lèvres.
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