Chapitre 4

1998 Mots
Chapitre 4 Minuit venait à peine de sonner quand les inspecteurs de police reçurent un appel des plus intrigants : une jeune femme aurait été retrouvée morte dans un parking souterrain, actuellement en travaux. En ce moment, les appels anonymes viraient au canular, ainsi, les policiers n’avaient pas pris la peine de vérifier. Une demi-heure plus tard, la même personne rappela avec le même message. La personne surveillait-elle les lieux pour savoir que la police ne s’était pas déplacée ? Face à l'insistance de la personne, le commissaire Claude Manet envoya des agents sur place. Il les rejoindrait quelques instants plus tard, le temps d'organiser une réunion d'information, le parking se trouvant à une bonne dizaine de kilomètres du commissariat. En arrivant sur les lieux, Claude fut surpris. Il n'avait pas fait attention à l'endroit où se trouvait le cadavre. Un flash lui revint en mémoire. C’était dix ans auparavant. Sa fille atteinte d'une leucémie venait régulièrement faire des chimiothérapies et des radiothérapies dans cet hôpital. Tous les matins, il se garait dans ce parking pour rendre visite à sa petite fille mourante. C'était dans ce même CHU que Jessica avait rendu son dernier souffle, entourée de Claude et de son épouse. Elle venait tout juste de fêter ses douze ans. Sa maladie avait été diagnostiquée alors qu'elle n’avait que quatre ans. Elle s’était battue avec des phases de rémissions, puis de rechute. Elle avait lutté aussi fort qu'elle avait pu, mais la maladie avait été la plus forte. Le souvenir de sa fille était encore omniprésent. Encore plus aujourd'hui. Essayant de ne plus penser, Claude se dirigea vers l’un des agents sur place. — Avez-vous trouvé quelque chose ? demanda-t-il. — Rien du tout pour le moment. On cherche encore. Le parking est trop grand pour le nombre de personnes que nous sommes. L’auteur de l’appel anonyme demeurait toujours un mystère. Ce n'était pas souvent que le commissaire recevait un appel anonyme pour annoncer qu'un corps avait été trouvé. Surtout dans cette région de la France. Le corbeau (pouvait-on l’appeler ainsi ?), était-il le tueur ? Était-il un passant ? Il en était que, généralement, les personnes qui découvraient un cadavre appelaient elles-mêmes et déclinaient leur identité afin de les interroger. Les policiers continuaient leurs investigations quand ils entendirent l’un des hommes annoncer qu'il avait trouvé la victime. Elle était nue devant eux, morte comme l’avait annoncé la voix au bout du fil. Au vu de l’odeur, cela ne devait pas dater d'hier. La victime était assez grande, environ un mètre quatre-vingt, à vue d’œil. Elle était métisse aux cheveux frisés et crépus. Ses yeux verts étaient ouverts comme si elle avait été stupéfaite de ce qu'elle avait vu pour la toute dernière fois. Le commissaire Manet appela le médecin légiste, Michel Sylton. C'était la seule personne à pouvoir dire ce qu'ils cherchaient comme arme du crime et surtout ce qui était arrivé à la victime. Il aurait aussi tous les outils pour indiquer l’heure et le jour de la mort de la pauvre femme. — La victime n'a aucun papier sur elle, chef. On ne sait pas qui elle est. On en est toujours au même point. — Merci Stephen. — On fait quoi maintenant ? — Je voudrais que vous preniez le plus de photos possible. Je veux voir les moindres détails du corps. Il ne faut pas qu’on loupe quelque chose. Surtout, veillez à ne rien bouger avant l'arrivée du légiste. — Je vois que l'on parle déjà de moi de si bonne heure, dit le légiste qui venait tout juste d’arriver. Michel Sylton était un homme d'une cinquantaine d'années, petit et bedonnant. Ses cheveux poivre et sel lui donnaient un certain charme. Il avait revêtu un jean et une chemise à carreaux bleue et jaune. — Michel, peux-tu aller voir la victime et nous faire tes premières constatations, s'il te plaît ? Le commissaire Manet ne voulait pas perdre de temps. Il était sur le qui-vive. Une jeune femme venait de perdre la vie. Même s‘il aimait son métier, c’était devenu insupportable de voir que des jeunes femmes périssaient de telles manières. Il en était presque devenu sensible, émotif. Il devait se reprendre et ne pas ressentir pareils sentiments à chaque cadavre découvert. Le légiste, Michel Sylton, se trouvait près du corps. Des agents de la scientifique tournaient autour pour prendre les photos nécessaires à l’enquête. Dans un premier temps, le légiste remarqua un coup de couteau dans les côtes de la victime. Il s’empressa de le montrer à Claude et ses hommes. Les différents hématomes sur le corps de la victime démontraient qu’elle avait été battue. La jeune femme avait été positionnée de sorte que ses jambes soient écartées et que son vagin soit à la vue de tous. Les policiers pouvaient donc voir qu’une seringue dépassait de son sexe. Les bras de la jeune femme étaient positionnés à l'horizontale, formant ainsi une croix avec le reste de son corps. — Qu'est-ce que c'est que ça ? demanda l'un des agents, visiblement horrifié de ce qu'il voyait. — Messieurs, cette femme a été marquée au fer rouge, leur répondit le légiste. J'aurai vraiment tout vu durant ma carrière. Le fer utilisé pour marquer la jeune femme devait avoir la forme d’un écusson avec en son centre une seule et unique lettre : un « L ». Les policiers allaient devoir comprendre pourquoi cette lettre plutôt qu’une autre. De nombreuses questions se posèrent à cet instant : était-ce l’initiale du tueur ? De celle d'une entreprise ? D'une école ou d’une université ? Il allait falloir y répondre le plus vite possible. Le travail s'annonçait complexe avec une affaire qui semblait compliquée. La dernière fois que Claude avait vu cela, c’était il y a une dizaine d’années, mais le contexte était totalement différent. Claude avait abattu le meurtrier après une longue et éprouvante course-poursuite. — Stephen, tu te charges de trouver qui est la victime. Il faut aussi prévenir sa famille et les interroger. De plus, avec Éric, vous allez éplucher les moindres détails de sa vie, jusqu'aux plus intimes. Je veux tout savoir. La seringue ne s'est pas retrouvée là par hasard. Je veux savoir pourquoi une seringue et quel est le rapport avec la victime ! — D'accord Claude. On s'occupe de ça. — Il me faut les détails le plus rapidement possible. Claude Manet ne cessait de penser à la jeune femme qui avait été torturée puis tuée. Les techniciens de laboratoire et les policiers avaient réussi à identifier la victime à l’aide de son fichier dentaire. Stephen et Éric, son coéquipier, étaient partis perquisitionner son appartement. Claude attendait les conclusions quand son meilleur inspecteur frappa à la porte, visiblement rentré de sa mission. — Claude, je peux vous parler ? — Bien sûr, rentre, Stephen. Vous avez fini de fouiller l’appartement ? — Oui, nous revenons à l’instant. Comme on l’a appris un peu plus tôt, il s’agit d’Olivia Carlson, âgée de vingt-cinq ans. Elle est née aux États-Unis, plus précisément à Los Angeles. Son père était un styliste de renom et sa mère était mannequin. Elle est arrivée en France, il y a plusieurs années, à la suite du décès de ses parents. Ils ont eu un accident de voiture. Elle était fille unique. — Il en est quoi de sa vie privée ? — On n’a pas appris grand-chose. Elle n’avait pas de petit ami, selon ses voisins. Elle n’a jamais eu de conflit de voisinage, rien. D’après une autre voisine, elle était assez dévouée. On a appris qu’elle était infirmière libérale associée à Sylvie Forest. On a trouvé son numéro et son adresse. — Merci, Stephen, vous avez fait du bon boulot. Par contre, un tout petit conseil. Pour l'autre infirmière, Sylvie Forest, c'est bien cela ? Stephen hocha de la tête en signe d’approbation. Claude continua : — Il vaut mieux lui rendre visite au cabinet médical. Ainsi, il y aura peut-être des choses à trouver sur Olivia. Stephen acquiesça et sortit du bureau de son chef avec une toute nouvelle mission. La journée et la nuit allaient être longues. Ça faisait longtemps que ça n’était pas arrivé. — C’est une drôle de coïncidence, tu ne trouves pas ? Stephen se retourna pour voir qui venait de lui adresser la parole. Il n’en avait pas besoin en réalité car il savait exactement qui était son interlocuteur. Il s’agissait de Grégoire De Montbas, un jeune lieutenant, récemment promu. — Une coïncidence avec quoi ? — Avec toi, Stephen. — Je crois que je ne comprends pas bien ce que tu insinues Grégoire ! — Moi, rien, dit le lieutenant De Montbas en levant les mains. Je dis seulement que c'est bizarre que la victime et toi-même soyez deux Américains. J’aimerais bien que Claude enquête dans ce sens. Je pense que je vais aller lui parler. — Tu dois savoir qu’il y a des milliers d'Américains qui viennent s’installer en France, surtout au vu de la politique américaine. Je crois même que je n’étais pas le seul à venir l’année dernière. Alors, je serais toi, mon cher lieutenant, je me renseignerais avant de dire des inepties. Ça pourrait te coûter cher ! — Ce sont des menaces ? J’ai fait une petite enquête sur toi, Higgins. Pour le moment, je n’ai rien trouvé, mais je me pose tout de même quelques questions. Comment as-tu fait pour entrer dans la police ? Tu es passé par le lit de la procureure ? Je ne serais pas surpris. Stephen avait souvent été surpris par la mentalité de certains de ses collègues. À commencer par Grégoire. Il n’aurait jamais cru qu’il aurait pu être aussi mesquin et de mauvaise foi. Aurait-il un jour confiance en ses collègues ? Il en doutait fortement. Il ne devait compter que sur lui-même. — Tu sais quoi, je préfère ne pas te répondre. Tu te montres tellement infantile. Je pense que si tu n’avais pas eu ton oncle à la préfecture, tu ne serais pas là, Grégoire. —… — Eh oui, moi aussi j’ai enquêté sur toi. Mais, tu vois, contrairement à toi, j’ai trouvé quelque chose. Stephen n’en pouvait plus de Grégoire. Dès l’instant où il avait fait son entrée à la criminelle, le lieutenant De Montbas l’avait eu dans le collimateur sans aucune raison. Au début, il avait mis cela sur le coup de la jalousie et de la relation privilégiée qu’il entretenait avec Claude, leur commissaire qui l’avait pris sous son aile. Stephen ne cessait de se dire « Reste calme, Stephen. Toute cette comédie sera bientôt terminée. Ensuite, tu pourras repartir d'où tu viens. » Durant son altercation avec Grégoire, Michel lui avait téléphoné. Il devait descendre dans les locaux médico-légaux. Il y serait rejoint par Claude et Éric. En arrivant, le froid prit le pas sur son appréhension d'entrer à la morgue. Depuis le temps qu’il exerçait ce métier, il aurait dû s’habituer, mais ce n’était pas le cas. Il avait toujours cette crainte : que le mort ne se réveille, bien qu'il sache que c'était impossible. Olivia Carlson était allongée, nue sur la table froide. Seul un drap bleu pâle recouvrait l'intimité de la jeune femme. Des cicatrices parcouraient son torse ainsi que son cuir chevelu. — Michel, qu'est-ce que tu as pour nous ? As-tu trouvé quelque chose d'intéressant qui pourrait nous aider dans l’enquête ? demanda le commissaire à peine arrivé sur les lieux. — En ce qui concerne la mort d’Olivia, elle remonte à plus de trente-six heures. La rigidité cadavérique est figée et les lividités sont fixées. Comme je vous ai dit au parking, elle a une plaie au niveau des côtes, qui proviendrait d’un coup de couteau, selon toute vraisemblance. Le tueur n’a pas eu d’hésitations. Il savait très bien ce qu’il faisait. — Tu ne peux pas nous en dire plus ? On savait pour le coup dans les côtes. Je voudrais des faits nouveaux. — Vous vous souvenez de la seringue ? Stephen, Éric et Claude hochèrent tout de la tête. Ils avaient eu une vue imprenable dessus. Dans le dossier que Claude leur avait remis un peu plus tôt, des photos avaient été classées. On y voyait clairement la seringue. — Olivia a été violée avec cette même seringue. J’ai retrouvé de la sécrétion vaginale dessus. Le tout dernier acte du tueur fut le marquage au fer rouge. — Mais, c'est affreux... Est-ce que tu as pu prélever une empreinte sur la seringue ou même un ADN ? Un indice au niveau de la marque au fer rouge ? Stephen et Claude étaient horrifiés par les faits que Michel leur relatait. Éric semblait absent. Il faisait abstraction de tout sentiment depuis bien longtemps. — Merci Michel. Tu as fait faire des analyses toxicologiques ? demanda Claude qui connaissait la réponse. — Oui, exactement. Elles sont positives au cyanure. En réalité, le légiste n'avait rien trouvé de plus. Le cyanure administré avait provoqué plusieurs réactions comme de l'apnée, des convulsions puis un arrêt cardiaque. Le coup fatal avait dû être rapide. Aucune empreinte n’avait été trouvée sur le corps de la victime. Toutefois, il avait trouvé un cheveu blond dans la chevelure brune de la victime. Il avait réussi à l’identifier comme étant celui de Sylvie Forest, l'associée de la victime. Autant dire qu'il n'avait aucune piste pour le moment.
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