La parole donnée

3710 Mots
                                                                                                IIX Alene était assise sur la terrasse de sa boutique un livre à la main, Omwana était allongé dans leur chambre, plongé dans une sorte de coma depuis déjà deux semaines. Elle savait qu’il lui avait dit de ne pas avoir peur mais, c’était plus fort qu’elle. Elle tenait ce livre entre ses mains mais semblait incapable d’en déchiffrer la moindre ligne. Elle se demandait s’il lui arrivait souvent de partir aussi longtemps ? En tout cas depuis qu’ils étaient ensemble s’était la première fois, d’habitude il partait une nuit ou une journée. Elle se demandait si son corps plongé dans cette sorte de léthargie n’en souffrait pas ? La journée avait été plutôt calme alors elle décida de fermer. Ce n’était pas à 18h que les clients allaient venir se bousculer devant sa boutique. Elle rentra et s’assit en face de la télévision qu’elle alluma. Quelques jours à peine  qu’ils ne l’avaient pas vu, et les idiots du coin en avaient déjà conclu que l’homme l’avait abandonné, certainement pour une femme plus ceci, moins cela bref… et Engoung faisait partie du lot de ceux-là. Décidément se dit Alene ce gars il avait la tête dur. Il n’avait pas recommencé à venir la harceler mais chaque fois qu’il passait devant sa maison il lui lançait une blague toute pourrie sur Omwana et leur prétendue séparation. Lorsqu’il était dans cet état, il avait coutume de faire prendre ses appels par Alene. Depuis un bon moment déjà, les membres de sa famille la connaissait, ou du moins connaissait son existence et avait pour certains déjà entendus sa voix au téléphone. Pendant qu’elle regardait la télévision, le téléphone d’Omwana se mit à vibrer, c’était sa petite sœur. Alene savait que les deux ne s’entendaient pas très bien et d’ailleurs c’était la première fois qu’elle appelait, et elle insistait pour avoir son frère, Alene avait beau lui expliquer qu’il n’était pas disponible pour le moment elle s’entêtait. La jeune femme fini par lui dire qu’une fois qu’il serait de retour il allait la rappeler. Malheureusement pour Alene, la jeune sœur d’Omwana avait dû comprendre que son frère serait bientôt là. A peine deux heures plus tard elle appela de nouveau, et les explications d’Alene semblaient ne plus lui suffire et au lieu de raccrocher comme la première fois et attendre l’appel de son frère, elle s’acharnait maintenant sur Alene en la traitant de pauvre fille arriviste etc… la jeune femme sentit les larmes lui monter aux yeux depuis presqu’un an qu’elle était avec Omwana aucun de ses parents ne lui avait jamais parlé de la sorte. Elle se sentait blessée, et en réalité à cause de l’absence prolongée de l’homme, elle avait les nerfs à fleur de peau. Elle se demandait pourquoi cette gamine était si méchante et comprenait maintenant pourquoi son grand-frère et elle, ne s’entendaient pas. Elle avait posé le téléphone sur la table basse devant elle et pleurait maintenant à voix basse. Elle était toute entière à sa peine, si bien qu’elle n’entendit pas l’homme s’approcher d’elle. Elle s’était mis la tête entre les jambes et ses bras autour de sa tête comme dans un cocon. L’homme prit le téléphone sur la table, vérifia les appels et vint s’assoir en la prenant dans ses bras et la fit assoir sur ses genoux, Alene sursauta :   -          Ce n’est que moi chérie, fit l’homme, c’est la première fois que je rentre et que tu m’accueil avec des larmes, en général j’ai droit à un b****r et un « tu m’as manqué », alors, que s’est-il passé durant mon absence qui t’ai mis dans cet état ?   Alene essaya de s’expliquer mais pendant qu’elle cherchait ses mots, le téléphone de l’homme vibra de nouveau, il la regardait sans faire cas de l’appareil :   -          Tu ne décroches pas ? Demanda-t-elle -          Tu penses vraiment que la personne au bout du fil est plus importante que toi pour moi ? Moi je ne pense pas, alors dis-moi ce qui ne va pas, je t’écoute, reprit l’homme -          Ta petite sœur, elle a appelé pendant que tu étais absent, -          Et ??? -          Je lui ai dit la même chose qu’à tout le monde mais elle insistait alors je lui ai dit que tu la rappellerais à ton retour, mais, fit Alene en s’essuyant les yeux, elle a dû penser que tu t’étais simplement déplacé, au bout de quelques heures elle a rappelé et là elle s’est mise à m’insulter   L’homme écoutait attentivement le récit que lui faisait la jeune femme, il s’était adossé et ne disait rien, dès qu’elle eut terminé, il passa ses bras autour de ses épaules et déposa un b****r sur sa tempe. Alene se blottit dans ses bras et sourit :   -          Tu m’as manqué, dit-elle, pourquoi es-tu partit si longtemps j’ai eu un peu peur quand-même -          Et en réalité c’est pour cela que tu pleurais n’est-ce pas ? Fit l’homme -          Je crois oui, je n’en pouvais plus d’être sans toi   L’homme sourit en l’embrassant, il connaissait décidément trop bien sa compagne, et elle qui voulait qu’il se trouve une occupation, à peine deux petites semaines d’absence qu’elle s’ennuyait déjà de lui. Son téléphone se mit de nouveau à vibrer, l’homme décrocha cette fois et répondit :   -          Oui mademoiselle, qu’est-ce que je peux faire pour toi ? dit-il -          J’ai besoin d’argent et ça urge, répondit sa jeune sœur -          Et en quoi ça me concerne dis-moi ? -          Tu es mon grand-frère… -          Oui, mais je ne suis pas le seul dans ce cas, pourquoi ton autre grand-frère ne t’aide pas ? -          Il a dit qu’il en a marre de payer mes dettes, mais ce n’est pourtant pas grand-chose… -          Si ce n’est pas grand-chose, débrouilles toi alors… -          Tu n’as pas le droit de me laisser tomber, tout ce que tu possèdes appartenait à nos parents… -          Non rectification, tout ce que tes parents possédaient m’appartenait, et estimes toi heureuse que je t’ai laissé l’hôtel particulier dans lequel tu vis, alors hypothèques tes loyers et paies tes dettes, et de grâce ne m’appelles plus, tu as tendance à me mettre hors de moi -          Je vais te faire un procès tu verras, et je récupèrerais tout ce que tu as reçu, -          Et sous quel prétexte ma chère petite sœur, tu vas encore obliger le juge à te montrer les documents concernant ma naissance et l’achat des terrains sur lesquels tes parents ont construit, c’est ce que tu veux alors ne te gènes pas, mais souviens-toi de ce qui s’est passé la dernière fois que tu m’as mis en colère, rappelles moi un peu où tu t’es réveillée et au bout de combien de temps tu en es sorti ? ma petite sœur chérie s’est réveillée chez les fous et n’en est ressortit que six mois plus tard avec mon approbation, ils savent tous désormais que tu es une pauvre folle qui perds tout son argent à jouer et avec des hommes de passage fais le ménage dans ta vie avant de me rappeler   Lorsque l’homme raccrocha, son regard était étincelant mais pas dans le bon sens. Au bout de quelques minutes, environ une vingtaine, le téléphone vibrait de nouveau, cette fois c’était son jeune frère, il paraissait perturbé au téléphone :   -          Salut grand-frère ! Dis, tu as eu des nouvelles de ta frangine récemment ? -          Oui pourquoi ? -          Elle devient maboule, ça fait des années que j’essaie de la comprendre, mais là c’est trop. Tu te rends compte, qu’elle est allé exiger qu’on nous fasse faire un test d’ADN, soi-disant qu’elle contestait le testament de nos parents, comme si nos parents avaient laissé un testament, on a chacun reçu nos biens de leur vivant, elle est stupide ou quoi ? -          Ne t’en fais pas, je lui ai bien signifié que si elle recommençait avec ses bêtises elle passerait plus de six mois à l’asile cette fois -          On devrait l’enfermer à vie oui, sinon et toi, comment tu vas ? -          Je vais bien, -          Tu sais… ça m’a fait tout drôle d’apprendre que tu avais fini par te trouver une copine, -          Ah oui, drôle comment ? -          Hé bien j’étais plutôt content en l’apprenant, j’avais l’impression que tu ne te remettrais pas de la mort des parents, je ne voulais pas avoir à t’enterrer toi aussi tu sais ? tu es ma seule vraie famille… rester seule avec la folle tu imagines ça, je serais certainement mort après toi,   Omwana baissa la tête, et pour la première fois depuis qu’elle le connaissait, Alene le sentit ému par les paroles de son frère. Il réalisait certainement qu’en dehors de ses parents d’autres tenaient à lui dans ce monde. Il fit signe à la jeune femme de descendre de sur ses genoux, et se leva, il se passait nerveusement les mains dans les cheveux et ce jusqu’à ce qu’il raccroche. Alene vint se tenir devant lui et se blottie dans ses bras. Il la serra plus fort que d’habitude, il se souvenait que ce jour-là, elle lui avait demandé s’il n’avait pas de raison de rester. Et il découvrait qu’il en avait plusieurs, du moins en avait-il au moins deux. Cela le ramena l’espace d’un instant à certaines de ses autres vies, il était partie sans se retourner sur ce qu’il adviendrait de ses jeunes frères et sœurs, des proches dont prenaient soin ses parents etc… et il sentit une douleur dans la poitrine. Il eut le sentiment qu’il était en train de mourir et s’accrocha à Alene :   _ Qu’est-ce tu as Omwana ? S’inquiéta la jeune femme _ Je ne sais pas, je pensais à mes frères et sœurs de mes vies précédentes et j’ai ressentie une douleur vive dans la poitrine, je ne sais pas ce que c’est Alene, j’ai cru mourir, répondit l’homme alors que la jeune femme l’aidait à s’installer dans le canapé _ Ne t’en fais pas, c’est de la tristesse, lorsque l’on pense à des personnes qu’on a aimé et qui ne sont plus là, on se sent toujours un peu comme si nous allions mourir nous-même _ Je voudrais ne plus ressentir tout ça… _ Pourquoi ? C’est normal, et cela fait de toi une meilleure personne, rassura Alene _ Tu crois vraiment ? Demanda Omwana l’air grave _ Oui, je le crois vraiment   L’homme s’allongea sur le dos et ferma les yeux. Il sentit son cœur s’apaiser, et la douleur s’éloigner peu à peu. Il resta ainsi deux minutes environ puis il ouvrit les yeux. La jeune femme était assise près de lui et lui caressait les cheveux affectueusement. Les jours suivants furent, plus calmes. La routine reprit le dessus et en le revoyant dans les parages les mauvaises langues se turent, du moins certaines d’entre elles. Car certaines personnes n’ont rien d’autres à faire que nuire aux autres, c’est la vie, et on n’y peut pas grand-chose. Un jour cependant, Omwana reçu la visite d’une personne, un homme, qui disait venir pour que l’homme l’aide à sauver son fils. Il était un peu plus de de 15h, Omwana était assis à la terrasse de l’échoppe d’Alene et tenait le livre de comptes de la jeune femme et vérifiait que tout y était en ordre. Il avait les yeux posés sur le grand cahier lorsqu’il entendit un homme l’interpeller étrangement. Il leva la tête. Devant lui se tenait un homme d’à peu près son âge, qui avait l’air désespéré. L’homme se tenait là sans rien dire, se contentant de s’incliner légèrement, Omwana comprit que cet homme était un initié, et qu’il ne voulait pas parler au jeune homme de trente et quelques années qu’il avait devant lui, mais au fils de la reine. Il fit signe à l’homme de parler :   _ J’ai besoin de votre aide fils de la nature, je vous en prie, dans ma maison votre frère se meurt, dit l’homme d’une traite _ Lequel de mes frères ? Es-t-il seul ou jumeaux ? S’enquit Omwana sans sourciller   Alene arriva à cet instant et Omwana lui fit signe de prendre place en silence :   _ Il est seul, il s’agit de votre plus jeune frère, dernier né de votre mère, _ Explique moi ce qui se passe avec lui et quel âge a-t-il ? _ Il vient d’avoir trois ans, et il a des crises d’angoisse depuis quelques temps, du moins c’est ce que disent les médecins _ Tu as des problèmes avec ton épouse ? S’enquit Omwana _ Oui, comment le sais-tu ? Nous sommes en instance de divorce, _ Pour quel motif ? Demanda encore Omwana _ Elle…   L’homme se tut et regarda Alene un moment, puis comme s’il reprenait le dessus il reprit son récit :   _ Ma femme m’accuse de ne pas être un bon amant, _ Depuis combien de temps étiez-vous ensemble avant d’entrer en contact avec mère ? _ Une dizaine d’années, et durant tout ce temps elle ne s’est jamais plaint de moi, ensuite nous avons découvert qu’elle était stérile alors je suis entré en contact avec votre mère, nous avons put avoir un fils et tout allait bien, mais elle a commencé changer lorsque notre situation financière s’est améliorée… _ Les bienfaits de mon frère ? _ Oui, elle a commencé par devenir trop dépensière, puis s’est mise à mentir et l’infidélité, voilà que nous allons divorcer maintenant, _ Est-ce toi qui a demandé le divorce ? _ Non fils de la nature, j’aime éperdument mon épouse et notre fils est mon bien le plus précieux, _ Que demande-t-elle ? _ 80% de tout ce que nous possédons _ Réclame-t-elle la garde de mon frère ? _ Non, elle ne réclame que les biens et l’argent, fit l’homme tristement   Omwana compris que l’homme se préoccupait très peu de ses finances et qu’il était lui, très attaché à l’enfant, cependant, les règles étaient les mêmes pour tout le monde et il n’était pas question de les changer. Ils venaient ses frères et sœurs et lui pour aider des couples désireux d’avoir des enfants et donnaient à leurs parents les moyens de prendre soin d’eux. Il n’était pas question pour eux de se retrouver au milieu d’une guerre financière, c’est cela qui perturbait son jeune frère. Et il semblait qu’il était déjà en train d’appeler leur mère à son secours, et lui Omwana n’y pouvait plus rien désormais. L’homme éclata en sanglot :   _ Si vous vous sépariez pour manque d’affection, et que chacun de vous était attaché à l’enfant, il n’y aurait pas de problème, mais mon frère perçoit clairement que ton épouse ne te laissera jamais tranquille parce qu’il t’apportera des richesses plus importantes que celles que tu possèdes déjà, alors il préfère s’en aller et te rendre ta liberté, il s’en ira et vous perdrez tout ce qu’il vous a permis d’obtenir, cependant étant celui de ses parents qui l’a aimer, il agira pour toi, longtemps après que cette folle soit sortie de ta vie, mais lui, tu ne le reverra plus   L’homme fondit de nouveau en larme, Alene voulu dire quelque chose mais le regard noir que lui jetait Omwana la fit se raviser. L’homme s’en alla après s’être reprit un peu, et remercia cependant Omwana de lui avoir accordé de son temps. Et il le remercia aussi de l’avoir aidé à comprendre ce qui arrivait à son enfant. Il prit la résolution de lui dire qu’il pouvait s’en aller le cœur en paix et qu’il ne l’oublierait jamais. Une fois l’homme partit Alene demanda à Omwana pourquoi il n’avait pas aidé l’homme :   _ Sur la terre des hommes, vous vous revendiquez le droit de décider de ce que vous voulez ou pas, je crois que vous nommez cela le « libre arbitre » n’est-ce pas ? _ Oui mais quel rapport ? _ Ah tu ne le vois pas, es-tu déjà restée avec un homme qui t’aimait alors que toi tu n’éprouvais plus de sentiment pour lui, juste pour lui faire plaisir ? Interrogea Omwana _ Non, avoua Alene _ Pourquoi devrait-il en être autrement pour les enfants des génies, ils restent là où ils se sentent bien, sinon, ils s’en vont, dit Omwana en se replongeant dans son livre de comptes   Alene dû reconnaitre qu’il avait marqué un point, un contrat est un contrat, et que les humains ont trop tendance à l’oublier. Pour une raison ou une autre ils reviennent sur la parole donnée et cela sans se préoccuper des conséquences. Elle n’en était pas moins triste pour cet homme, mais Omwana avait raison, le petit avait le droit d’accepter ou non les modifications unilatérales apportées à leur accord. Et voilà qu’à vouloir trop convoiter ce qui ne lui appartenait pas elle se retrouverait bientôt sans rien. Elle en tirerait peut-être quelques leçons. Quelques mois plus tard, presqu’une année et demi en fait l’homme revint trouver Omwana, cette fois Alene était absence. Il lui fit donc le compte rendu de leur conversation. Alene écouta sans rien dire curieuse d’avoir le fin mot de ce film débuté des mois en arrière :   _ Quelques temps avant la mort de mon frère l’homme a perdu son travail, ensuite, les appartements qu’ils avaient construits sur un terrain acheté après la naissance du petit ont été ravagés par un incendie, il a dit qu’heureusement pour lui le divorce avait déjà été prononcé _ Alors entre sa femme et lui s’était sans espoir déjà ? murmura Alene _ Non mais il m’a confié qu’il ne voulait pas la garder près de lui comme un prisonnière alors il lui a accordé le divorce et lui a tout laissé, et lui est retourné vivre dans un des appartements qu’il avait hérité d’un oncle éloigné, il dit qu’il repartira de là _ C’est triste pour lui, _ C’est sûr, mais il y a deux mois il a retrouvé du travail alors, tout ce qui lui reste à faire c’est le deuil de mon frère il ne s’y fait pas, son absence lui pèse, il m’a dit que sa cousine qui vit pas loin de chez lui a une petite fille de un an, il va souvent la voir et cela l’aide à tenir le coup _ C’est une bonne chose et il a des nouvelles de son ex-femme ? _ Oui, il semble qu’après qu’elle ait perdu tous ces appartements et son argent, son nouveau mec est partit _ Comme quoi ! S’exclama Alene   Elle resta blottie dans les bras d’Omwana, en se disant que rien n’était pire que la mauvaise foi. Cette histoire aurait pu se résoudre de façon plus douce, il lui aurait suffi de prendre la part qui lui revenait et de continuer à prendre soin de leur fils et elle n’en serait pas là. Mais qui sait, c’était sans doute mieux ainsi, elle n’aurait jamais su alors que son nouvel amoureux était en réalité un « g****o ». Triste histoire !
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