Le Duc et la Duchesse de Bellevue se sont rencontrés à 15 ans. Ils connaissaient l’existence de l’autre depuis leurs naissances et avaient vu de nombreuses photos mais n’avaient encore jamais été présentés. Leurs parents avaient organisé leur mariage avant même qu’ils soient venus au monde et les deux voyaient ce contrat comme quelque chose d’irritant mais d’obligatoire. Ils auraient même préféré ne pas se rencontrer aussi tôt mais n’avaient pas leur mot à dire en ce qui concernait les manigances de leurs parents. Leur devoir était simplement de se montrer irréprochables et meilleurs en tout pour que leurs parents puissent se vanter de leurs prouesses.
Linda, la jeune Duchesse, avait un penchant très marqué pour l’histoire ainsi que la littérature et avait lu tous les livres présents dans le château. Elle passait ses journées entourée de cartes poussiéreuses ou dehors à galoper dans les domaines familiaux. Personne n’avait encore jamais vu quelqu’un d’aussi douée avec les chevaux et Linda n’avait pas besoin de faire beaucoup d’efforts pour briller de part son talent. Elle souriait naturellement et n’eut donc pas à beaucoup se forcer lors de bals. Ses sourires illuminaient la salle et les invités ne cessaient de complimenter ses yeux brillants. Mais la raison de ces sourires n’avait rien à voir avec les bals ou les invités flatteurs. Linda passait ses journées à sourire parce que dans sa tête elle était toujours galopante dans ses plaines favorites.
Simon non plus ne souriait pas sincèrement lors de grands événements mais il était obligé pour ne pas porter honte à sa famille. Il scotchait donc un sourire des plus charmeurs sur ses lèvres et essayait d’oublier la douleur de ses joues en comptant les heures restantes avant que tout le monde rentre chez soi. Simon avait un talent tout aussi marqué que Linda mais le sien se trouvait dans le dessin. De nombreuses familles nobles vinrent à lui, lui demandant de leur réaliser des portraits divers pour des sommes raisonnables. Au début il avait beaucoup aimé dessiner. C’était sa manière à lui de s’évader et de donner forme au monde dans lequel il voulait vivre mais quand toutes ces familles pitoyables lui demandèrent d’utiliser son talent pour leurs plaisirs, Simon perdit complètement l’envie de lever son crayon. Il se tourna donc vers les livres et tout comme Linda passa tout son temps dans la bibliothèque, loin de tous les regards.
Linda et Simon avaient tous les deux été dans la bibliothèque quand on vint leur annoncer qu’ils allaient enfin se rencontrer. Au départ Linda n’intégra pas vraiment l’information beaucoup trop occupée à déchiffrer une carte ancienne. Elle approuva simplement les dires du majordomes et ce ne fut que des heures plus tard qu’elle se rappela ce qu’il venait de dire. Quant à Simon il décida de mettre de côté cette déclaration et de ne pas y penser. Toutes les familles nobles se mariaient par contrats de mariage. Il n’était pas une exception et n’allait donc pas se plaindre de son futur. Mais il ne se faisait pas non plus d’illusions. Il n’allait pas aimer cette femme dont ses parents lui parlaient depuis des années. Elle aimait les livres. Peut-être qu’ils allaient pouvoir en parler ou peut-être qu’au contraire il aurait donc encore plus de mal pour la fuir ne pouvant plus se rendre dans sa bibliothèque pour être tranquille.
Linda fut tirée de force de son cheval et habillée de sa plus belle robe quand le rendez-vous fut arrivé. En se regardant dans le miroir elle pensa au livre qu’elle venait de lire et ne se rendit pas vraiment compte qu’elle montait dans un carrosse. Quant à Simon il fit comprendre au travers de son expression facile qu’il n’était pas du tout des plus heureux d’avoir été arraché à son livre juste pour rencontrer Linda. Mais son sourire devint très vite sincère quand leurs regards se croisèrent.
Linda oublia son monde imaginaire, Simon n’eut plus mal aux joues. Ils ne pensèrent à rien d’autre pendant de longues secondes à part aux yeux de l’autre. Ils avaient eu un coup de foudre exactement au même moment et leur futur pris des couleurs inespérées. Ils avaient une chance inouïe. Ils allaient être heureux mariés. Ils ne pouvaient plus attendre d’avoir 18 ans pour vivre ensemble et ne plus jamais se quitter.
Malheureusement ils n’eurent pas beaucoup de temps pour discuter ce jour-là. Leurs parents étaient occupés à les vanter et à planifier le mariage ainsi que leur futur. Simon ressentit un désespoir infinie en voyant remonter la jeune femme dans son carrosse. Il aurait voulu lui dire quelque chose. Quoi que ce soit. Il vouait entendre sa voix et voir ses yeux se poser sur lui une dernière fois. Mais Linda ne se retourna pas. De retour dans le carrosse elle était mentalement plongée dans leur rencontre encore et encore. Elle n’arrêtait pas de penser à Simon tellement qu’elle n’arrivait même plus à se concentrer sur ses livres ou ses cartes. Les plaines prenaient la forme des cheveux de Simon et le sourire de Linda était plus radiant que jamais.
Les quelques mois de séparation semblèrent durer des années mais ils finirent par se revoir et discutèrent enfin. Ils parlaient de tout. Ils voulaient absolument tout savoir sur l’autre et ne jamais rien oublier. Ils parlèrent de leurs livres favoris, de l’équitation, du dessin, de l’Histoire… Simon ne dessina plus jamais personne d’autre que sa fiancée. Il la dessinait sur le dos d’un cheval, en train de lire dans l’herbe, en train de lire devant la cheminée, en train de lire dans son lit… Ils parlèrent de leurs futurs enfants, de leur vie. Ils avaient déjà tout planifié au centimètre près et le jour du mariage fut le plus beau jour de leurs vies.
Les invités parlèrent pendant des années de ce couple d’exception. Les femmes jalouses de Linda mais en même temps heureuses pour une femme aussi parfaite d’être heureuse. Les hommes désirants d’avoir une épouse comme Linda et en même temps fières de Simon d’avoir pu la rendre heureuse. Leonord est arrivée peu de temps après le mariage. Elle avait été la fille unique du Duc et de la Duchesse de Bellevue. Pas par choix du moins. Le couple aurait voulu avoir beaucoup plus d’enfants mais Leonord fut un miracle sans pareil.
Se rendre compte qu’ils n’allaient plus jamais avoir d’enfants brisa le jeune couple. Linda s’enferma encore plus dans ses livres ne voulant peut-être pas accepter cette triste nouvelle ou ne voulant pas lui faire face. Quant à Simon, il devint des plus moroses et se renferma sur lui-même et dans les affaires. Il ne quitta plus son bureau et ne prit même pas la peine de connaitre sa propre fille.
Il passait le plus clair de son temps enfermé dans son bureau ou en chasse avec ses chiens. Quand il était au château il passait son temps à donner des ordres à qui veuille l’écouter et quand il sortait il prenait un malin plaisir à tuer des bêtes sans défense. Il ne les tuait pas sans douleur. Il aimait les voir souffrir. Mais personne n’osa rien dire. Sa femme était juste heureuse que ce n’était pas elle qu’il torturait.
Elle finit cependant par mourir par cause naturelle tandis que Leonord était encore très jeune. Ce fut à cette période qu’elle découvrit la chaleur des cuisines ainsi que la gentillesse de Missy qui lui préparait des petits biscuits en formes d’animaux de la ferme. La petite fille allait rendre visite à Missy dès qu’elle pensait à sa mère et elle se rendit vite compte qu’elle se sentait mieux quand ses mains étaient occupées.
Cependant la mort de sa mère n’arrangea rien dans le château. Le Duc ne sut comment gérer la perte de sa femme et se mit à devenir paranoïaque. Partout où il regardait il s’imaginait des complots et des personnes qui voulaient le tuer pour prendre sa place. Soudain torturer des animaux n’était plus assez. Il se tourna donc vers ses esclaves en priorité. Il les fouettait sans relâche, les faisait marcher sur des braises ardentes, leur ordonnait d’avaler du fer liquide… Il se montrait de plus en plus imaginatif en ce qui concernait leur torture.
La petite Leonord partageait en grandissant le penchant de sa mère pour les chevaux. Peut-être était-ce aussi la ressemblance incontestable de Leonord à sa mère qui empêcha le Duc de se rapprocher d’elle. La petite fille passa donc ses journées dans les écuries ou dans les cuisines à aider ou à apprendre divers choses comme les chiffres ou les lettres. La fillette montra des signes d’une intelligence hors du commun dès le début. Elle apprit à lire à l’âge de quatre ans et se plongea dans les romans favoris de ses parents les dévorant sans peine.
Un jour alors qu’elle revenait de la bibliothèque, Leonord surprit son père entrain de fouetter un de ses esclaves. N’étant pas proche de son père Leonord ne venait pas souvent le voir et elle était loin de se douter de toute l’horreur dont cet homme pouvait être capable. Ne contrôlant pas son corps de petite fille de cinq ans, Leonord se jeta devant le fouet voulant que tout ceci prenne fin. Elle avait beau ne pas connaitre son père elle refusait de penser que le Duc était un homme aussi v*****t et mauvais. Il devait y avoir un quiproquo. Elle devait le lui faire comprendre. Elle devait sauver cet homme.
Le fouet la percuta sans ménagement comme son père ne l’avait remarquée qu’à la dernière seconde. Mais même s’il l’avait vue avant, il n’aurait pas arrêté son coup. Il regarda sa fille avec dédain tandis qu’elle demandait à son père ce qu’il faisait.
« Pourquoi est-ce que tu frappes cet homme ? Tu devrais arrêter. Il saigne. »
Le père leva le fouet une deuxième fois visant clairement sa fille. Leonord leva une main à sa joue surprise.
« Tu n’avais qu’à pas m’interrompre. »
Sur ce, son père sortit mais Leonord ne bougea pas. Elle ne comprenait pas ce qu’il venait de se passer. Pourquoi est-ce que son père l’avait frappée ? Elle n’avait rien fait de mal. Est-ce qu’elle n’avait pas été sage aujourd’hui ? Est-ce qu’elle méritait qu’on la frappe ? Elle voulait simplement qu’il arrête de frapper cet homme qui avait visiblement mal. Leonord ne comprenait rien aux événements et resta longtemps le regard perdu dans le vide à se repasser les images encore et encore.
Ce fut Missy qui vint la chercher le soir venu inquiète de ne pas avoir vu la petite fille de la journée. En voyant sa joue ensanglantée elle étouffa un cri et l’entraîna avec douceur voir le médecin. Ce dernier lui demanda comment elle s’était fais cela mais le regard de Leonord était perdu dans le vide. Elle ne savait pas qu’elle était sortie de la pièce et ne remarqua même pas quand on désinfecta sa plaie.
Les adultes se dirent qu’elle avait dû tomber en jouant et n’en pensèrent pas plus mais Missy sentait que quelque chose n’allait pas. Elle ne lâcha pas Leonord pendant des jours. Elle lui prépara des chocolats chauds et lui caressa doucement la tête en lui chantonnant des aires doux. Toute cette chaleur finit par ramener la petite fille dans son corps et elle retrouva le sourire ayant miraculeusement effacé de sa mémoire les événements passés.
Un jour elle repassa devant le bureau de son père pour se rendre à la bibliothèque et elle ne comprit pas la frayeur qui venait de s’emparer de son corps alors qu’elle s’approchait. Ses pas devinrent lourds mais elle se força à avancer ne sachant pas ce qui la prenait. Ce fut avec horreur qu’elle vit le Duc en train de ruer de coups un homme recroquevillé par terre. Les souvenirs refirent surface en un instant et l’adrénaline s’empara du corps de la petite. Sans attendre Leonord se jeta aux pieds de son père des larmes dégoulinant sur ses joues.
« Non ! Père s’il vous plaît ! Ne lui faites pas de mal. Il n’a rien fais. »
Mais son père ne s’arrêta pas. Au contraire. Il se contenta simplement de rediriger ses coups vers sa fille. Leonord ne broncha pas. Elle se laissa faire jusqu’à ce qu’elle gis sur le sol à moitié morte. Alors son père arrêta enfin et s’en alla ne lui accordant même pas un regard.
Leonord passa de nombreuses semaines clouée au lit. Les médecins pensèrent même qu’elle n’allait jamais se relever mais elle finit par se rétablir. Missy ne quitta pas son lit pendant tout ce temps pleurant d’inquiétude tandis que son père ne la visita même pas une seule fois. Leonord finit par tout dire à Missy qui écouta la petite avec horreur. Elle supplia la petite fille de ne plus jamais s’interposer et de venir vivre avec elle dans son village natal mais Leonord n’apprit pas la leçon. Malgré les supplications de Missy et elle continua encore et encore à s’interposer entre son père et les esclaves ou autres hommes qui avaient le malheur de l’énerver. Elle passait donc la plupart de son temps dans un lit et malheureusement son père appréciait de plus en plus de la faire souffrir.
Très vite les esclaves disparurent et toutes les tortures furent réservées à Leonord. Du haut de ses six ans elle servait de cendriers et son père la prêtait même à ses amis pour qu’ils lui fassent ce que bon leur semblait. Cela rapportait un peu d’argent additionnel à la famille et le père avait de quoi amuser ses invités.
Leonord passa des nuits à dormir sans manteau dans la neige. Elle se retrouva même dans un four et survécut miraculeusement gardant cependant de nombreuses séquelles. Petit à petit la petite fille quittait son corps et ne regardait que de loin tout ce qu’il lui arrivait. Très vite tout le château sut ce qu’il lui arrivait mais personne ne vint à son secours. Certains par peur de frustrer le Duc, d’autres parce qu’ils ne voulaient pas se mêler d’histoires de familles qui ne les regardaient pas. Leonord resta seule à l’exception de Missy. Les habitants du château prirent même de temps en temps un malin plaisir à la torturer eux-mêmes. Après tout si le Duc le faisait, ils avaient le droit aussi.
Leonord se laissa faire. Pas parce qu’elle n’avait pas la force de les repousser mais parce qu’elle devait paraitre faible et sans défense.
Ce fut ainsi que les années passèrent. Leonord devint une jeune femme que son père continuait toujours à torturer. Pendant toutes ces années elle avait appris à se battre, à se comporter en société, à parler avec assurance, à argumenter… Toutes ces années enfermée dans ses esprits elle avait mis en place le plan infaillible et dès qu’elle fut en âge de prendre la place de son père elle le mit en action.
Un jour alors que son père partait à la chasse elle sortit discrètement du château et le retrouva. Son père était heureusement devenu trop paranoïaque pour se faire accompagner par qui que ce soit en forêt et Leonord était heureusement beaucoup trop invisible dans le château pour que qui que ce soit remarque sa disparition. Leonord se cacha un petit moment dans les arbres pour observer son père. Elle voulait savourer chaque instant de ce moment tant attendu. Ses mains ne tremblaient pas. Elle n’avait pas peur. Elle savait parfaitement qu’elle était plus forte que son père et son plan n’allait pas échouer.
Après l’avoir privé de son fusil d’un coup de pied et cloué au sol d’un coup au thorax, Leonord se mit à faire des entailles profondes sur le torse du Duc. Elle prit son temps pour l’éventrer. Elle ne voulait pas qu’il en rate une seule miette et voulait le garder en vie le plus longtemps possible.
Au vu de toutes les horreurs qu’il avait commises elle s’était attendue à ce qu’il soit nettement plus courageux face à la douleur. Mais il n’en était rien. La seconde où la lame le toucha cet homme à la carrure imposante se mit à pleurer comme un petit bébé. Leonord le regarda droit dans les yeux fascinée par cet être pitoyable qu’était son père. Comment est-ce qu’il pouvait se permettre de la supplier ? Croyait-il vraiment qu’elle allait avoir pitié ? Après toutes ces fois où elle avait pleuré qu’il arrête mais qu’il n’en avait rien fais, croyait-il vraiment qu’elle allait arrêter ? Dans ce moment de folie elle se mit même à rire à gorges déployées. Comment est-ce qu’elle avait pu avoir peur d’une personne aussi pitoyable ?
Leonord se fit un plaisir de faire des centaines d’entailles éparpillées sur le torse de l’homme. Ce dernier ne mourut que plusieurs heures après le premier coup de couteau à cause de l’hémorragie. D’ici là Leonord avait eu le temps de lui ouvrir complètement le ventre et de jouer avec ses intestins.
Maintenant qu’il était complètement ouvert elle prit du recul pour admirer son œuvre. On aurait vraiment dit qu’il s’était fait attaquer par un ours. N’importe qui y aurait cru. Notamment que son père avait été assez bête ce jour-là pour sortir tout seul dans les bois. Ses amis lui avaient déjà répété des centaines de fois de ne pas sortir seul la nuit. En dehors des animaux sauvages il y avait des bandits et autres divers dangers. Heureusement son père avait été assez bête pour ne pas les écouter. Quoi qu’à bien y réfléchir, le plan n’aurait pas changé même si son père avait été entouré.
Le public allait être d’accord sur le fait que ce Duc au courage débordant s’était approché de trop près d’un ours protégeant son petit et s’était fait éventrer sans ménagement. Il aurait été mort sur le coup et il n’y aurait pas d’enquête d’ouverte personne ne soupçonnant Leonord.
Elle avait pensé un instant que les hommes que son père avait laissé la torturer auraient deviné qu’elle avait joué un rôle mais ces derniers la voyaient toujours comme la petite fille de six ans sans défense. Pas une seconde ils ne l’auraient crue capable de telles horreurs. Elle n’aimait pas du tout cela et comptait leur montrer qu’ils avaient tort.
Leonord n’eut aucun mal pour détruire leurs vies. Après toutes les années qu’elle avait passé à les écouter elle connaissait tous leurs points faibles et tous leurs secrets les plus sombres. Elle exposa ces derniers au grand jour au travers d’un faux noms ainsi que de nombreuses preuves à l’appui. Tous ceux qui l’avaient torturée perdirent tous leurs biens ainsi que toutes leurs richesses accumulées illégalement. Perdre tout ce qu’ils avaient les détruit. Mais le pire pour eux fut de se faire rejeter par leurs semblables. Ces derniers avaient tous commis les mêmes horreurs mais eux au moins ne s’étaient pas fait prendre. Ils tournèrent le dos aux tortionnaires et ces derniers s’enfuirent aussi loin que possible pour éviter tous les regards. Leonord n’eut évidemment aucun mal pour les retrouver et alla les visiter les uns après les autres.
Elle apparut à leurs portes alors qu’ils étaient au plus bas. Pistolet ou couteau en main elle ne les laissa pas partir aussi facilement. Leonord leur réserva chacun des punitions différentes voulant varier les plaisirs mais ils finirent tous de la même manière. Elle les traina sans ménagement dans le cimetière le plus proche. Elle avait déjà creusé au niveau de tombes déjà habitées et les avaient jetés dans les trous après les avoir drogués pour qu’ils ne puissent pas ressortir.
Le temps que la d****e se dissipe et qu’ils reprennent possession de leurs corps ils étaient déjà morts asphyxiés. Quand le lendemain ils remarquèrent leur disparition tout le monde crut qu’ils s’étaient enfuis de honte ou qu’ils s’étaient suicidés pour mettre fin à leurs souffrances. L’enquête ne dura pas bien longtemps et quand bien même ils n’auraient jamais pensé chercher dans des tombes déjà occupées.
Débarrassée de ses ennemis, Leonord devint donc la Duchesse du château. Aveuglée par la vengeance Leonord ne s’arrêta pas tout de suite. Elle se souvenait de ce que les habitants du château lui avaient fais subir et ces derniers savaient bien ce qui les attendait. Ils voulurent s’enfuir aussi vite que possible mais Leonord était beaucoup plus rapide.
Elle ne se souvenait même pas de ce qu’elle leur avait fait. Tout ce dont elle se souvenait était d’être arrivée devant Missy la robe ensanglantée. Cette dernière paniqua à la vue de tout ce sang mais comprit vite aux yeux apaisés de Leonord que ce n’était pas le sien.
C’était fini. Elle s’était vengée. Dans toutes les histoires qu’elle avait lues le personnage ne savait plus quoi faire après cela et se sentait vide. Comme si ça n’avait pas valut le coup. Mais pas Leonord. Elle se sentait libérée, légère. Pour la première fois de sa vie elle voulait vivre. Elle voulait s’accrocher et laisser son passé derrière elle.
Elle avait changé ce soir-là. Missy le sentait. Toute la colère qu’elle avait pu éprouver s’évanouie dans un soupire et elle devint la Duchesse froide que Thomas avait connu. Ce fut aussi ce soir-là que toutes ces rumeurs autour d’elle virent le jour. A la vue de tous ces cadavres les autres nobles virent en la Duchesse quelqu’un de beaucoup plus ferme et effrayant que son père. Ils avaient peur d’elle et ne voulaient pas la contrarier.
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« Et c’est ce qui nous amène à aujourd’hui. »
Missy sourit tristement.
« Elle s’est battue pour ce qu’elle a et elle a beaucoup perdu sur le chemin. Aucun enfant ne devrait jamais vivre de telles horreurs. Jamais. »
Missy avait les larmes aux yeux et avait de plus en plus de mal à parler.
« Je n’aurais pas dû la laisser faire toutes ces horreurs. J’en suis consciente. Mais je n’avais pas la force de l’arrêter. Je voyais toute cette douleur dans ses yeux. Je lui ai dit qu’en les torturant elle ne devenait pas meilleure qu’eux mais qui étais-je pour juger ses actes ? Elle avait souffert comme personne d’autre et avait besoin de faire taire ses démons. Je voulais la soutenir quoi qu’elle choisisse de faire. Je ne voulais plus jamais qu’elle se sente abandonnée. Je voulais qu’elle sache que quoi qu’il advienne je serai là pour elle… »
Sa voix se brisa.
« J’aurais dû faire plus pour elle. J’ai honte de ne pas avoir été d’une plus grande aide. »
Je voulais la rassurer. Lui dire que ce n’était pas sa faute mais je n’arrivais pas à parler. Tous les mots étaient coincés au fond de ma gorge. Je m’imaginais les scènes encore et encore. Je voyais devant moi la petite Duchesse de six ans et toutes ses cicatrices qu’elle cachait si bien aujourd’hui.
« J’ai confronté son père une fois. Je lui ai dit tout ce que j’avais sur le cœur et ai même déclaré que j’allais emmener la petite avec moi. Mais… »
Elle ne finit pas sa phrase mais n’en eut pas besoin. Je pouvais facilement imaginer le type de punition que le Duc réservait pour ce genre de personnes.
« Ma pauvre petite… »
A présent les larmes coulaient sans gêne sur ses joues rosies. J’avais moi-même la gorge serrée mais je n’avais pas de larmes pour la Duchesse. Je n’en avais jamais eu et je n’allais jamais en avoir.
Je m’étais attendu à ce que rien ne change la vision que j’avais de la Duchesse et quelque part ce ne fut pas le cas. Comme l’avait dit Missy, la Duchesse d’aujourd’hui n’avait rien avoir avec celle qu’elle a été. Mais quelque part au fond d’elle cette jeune fille existerait toujours. Je me demandais même si elle n’était pas en train de hurler de frustration.
Au bout de quelques minutes de silence Missy essuya ses joues et se releva. Elle avait été loin de la cuisine pendant trop longtemps et craignait que les autres ne sachent quoi faire sans elle. Une fois qu’elle avait essuyé ses joues il n’y avait plus aucune trace des larmes mis à part la douleur qui ne parvint pas à complètement la quitter aussi rapidement. Malgré le sourire qu’elle forçait sur ses lèvres nous sentions qu’il manquait toute la chaleur habituelle. Comme si en s’éloignant des cuisines elle avait tout laissé là-bas.
Je me levais aussi et la suivais tant bien que mal jusqu’aux cuisines mais je n’entrais pas. Je n’osais pas voir les cuisines sans Missy. Je la laissais donc devant la porte et retournais à ma chambre pour intégrer tout ce que je venais d’entendre.
Une fois allongé sur mon lit mes paupières devinrent d’une lourdeur intenable et je m’endormais sur le coup. Je ne dormais cependant pas longtemps. Je vis de nombreuses images aussi colorées que dérangeantes et je me relevais immédiatement de peur de sombrer de nouveau dans ces images.