Chapitre 11 : L’illusion de la maîtrise

1230 Mots
Selena Le matin s’était levé sur la ville, mais pour Viktor et moi, le jour n’était qu’un prétexte pour dissimuler nos luttes intérieures. Les heures s’étaient écoulées sans qu’on ne se quitte vraiment, même lorsque nos chemins s’étaient séparés physiquement. La tension entre nous, née dans les ombres de notre confrontation, n’avait fait que croître, créant une atmosphère électrique que ni l’un ni l’autre ne parvenions à ignorer. Dans le quartier général de Viktor, les murs étaient empreints d’une froideur impitoyable, et l’air semblait si lourd qu’il en devenait presque difficile de respirer. Aucune parole n’était échangée, et les hommes présents dans la pièce semblaient presque figés, conscients qu’aucun d’eux n’oserait briser le silence lourd qui régnait. Ils attendaient, comme des spectateurs d’une scène qu’ils savaient tendue, comme une corde prête à céder à tout instant. Viktor se tenait devant sa fenêtre, les bras croisés, son regard perdu dans le vide. Il cherchait à apaiser l’agitation qui secouait ses pensées, à reprendre le contrôle, mais il n’y parvenait pas. Il n’avait pas prévu que je m’infiltrerais dans ses préoccupations comme je l’avais fait. Il n’avait pas prévu que son esprit se laisserait envahir par cette question qu’il n’avait pas voulu poser, qu’il n’avait jamais voulu formuler : Et si cette femme n’était pas simplement une voleuse ? Et si elle était bien plus que ça ? De mon côté, j’avais passé la nuit dans un endroit discret, caché des regards de Viktor. Mais même dans l’isolement, je sentais mes pensées se heurter à un mur invisible, comme une vieille boussole qui ne parvenait plus à m’orienter. J'avais l’impression de courir après quelque chose que je ne pouvais pas saisir, quelque chose que j’avais moi-même créé. Viktor était devenu plus qu’un simple obstacle. Il était devenu une obsession. Une question sans réponse, une incertitude que je n’étais pas prête à affronter. Pourtant, je savais que je n’avais pas le choix. C’était ainsi que, dans un recoin de la ville, je me retrouvai face à un informateur qui avait de précieuses informations à me donner. Je m’assis à une table au fond d’un restaurant discret, mon regard se posant sur l’homme qui s’approchait avec une liasse de papiers en main. Ses gestes étaient hésitants, presque nerveux. Il me salua d’un hochement de tête avant de s’installer en face de moi. « J’ai ce que tu voulais. » Il posa les documents sur la table, sa main tremblant légèrement. Je pris les papiers et les feuilletai rapidement. Ce n’étaient pas des informations liées à Viktor directement, mais à l’un de ses plus proches alliés, un homme influent dans la mafia. Ces informations étaient cruciales. Je les avais cherchées avec une obstination féroce. Elles seraient mon levier, mon entrée dans son empire. Ces données, si je parvenais à les utiliser à bon escient, pouvaient faire vaciller les fondations de son pouvoir. Mais alors que je plongeais mon regard dans les documents, une voix se fit entendre à ma droite, un ton lourd de menace. « C’est intéressant, mais tu crois vraiment que cela va te sauver, Selena ? » Je relevai les yeux, et tout mon corps se figea un instant. Il était là. Viktor. Il se tenait dans l’ombre, un sourire froid aux lèvres, mais avec un éclat dangereux dans ses yeux. Le simple fait de le voir me déstabilisa, mais je m'efforçai de ne rien laisser paraître. « Tu… » Je déglutis, surprise par sa présence. « Comment tu as trouvé cet endroit ? » Il s’installa tranquillement en face de moi, sans même répondre à ma question, son regard toujours rivé sur les papiers que je tenais entre mes mains. Il les observa avec un intérêt feint, comme s'il ne s'intéressait qu’à leur forme et non à leur contenu. « J’ai mes sources, tu sais. » Sa voix était calme, presque dénuée de toute émotion. Il m’observa un instant, un sourire en coin. « Tu t’es dit que jouer à ce jeu pouvait être simple, mais tu sous-estimes les choses. » Il attendit un moment, son regard ne quittant pas mes mains qui effleuraient les documents. J’avais toujours su que ce moment viendrait, que Viktor finirait par me traquer. Il était une ombre insidieuse, toujours présente, jamais totalement visible. Mais cette fois-ci, il ne m’effrayait plus comme avant. Je posai les documents sur la table, mon regard défiant le sien. « Tu as raison sur une chose, Viktor. Ce jeu… il n’est pas simple. Mais ça ne veut pas dire que je vais abandonner. » Il sourit légèrement, presque amusé, comme si j’étais une enfant dans un monde qu’il maîtrisait parfaitement. « Et tu penses vraiment pouvoir gagner, Selena ? Contre moi, contre tout ce que j’ai construit ? » Sa voix était glaciale, pleine d’une certitude absolue. « Ce que tu as entre les mains n’est qu’un mirage. » Ses mots m’atteignirent, comme une brise glacée. Mais je ne fléchis pas. Ce qu’il disait m’effrayait, mais il ne pouvait pas savoir que sa tentative d’intimidation ne fonctionnerait pas. Je n’étais pas la même personne qu’au début. « Peut-être, » répondis-je calmement, en essayant de rester maître de moi-même. « Mais même les plus grandes forteresses ont des failles. Et tu sais aussi bien que moi que tu ne peux pas tout contrôler. » Viktor se pencha légèrement en avant, son visage se rapprochant du mien. L’air entre nous devint plus lourd, chaque respiration plus perceptible, comme une menace invisible suspendue au-dessus de nos têtes. Nos regards se croisèrent, et il y eut, un instant, une sorte de défi tacite, une compréhension silencieuse que cette confrontation n’était pas près de se terminer. « Tu sais ce que j’admire chez toi, Selena ? » demanda-t-il lentement, sa voix presque douce, comme s’il me confiait un secret. « Ton incapacité à accepter ta propre faiblesse. Mais je te le dis, un jour, tu la verras. » Il se redressa lentement, ses yeux toujours fixés sur moi. « Et ce jour-là, tu regretteras de m’avoir défié. » Il se leva, ajusta son manteau noir avec une nonchalance parfaite, et avant de quitter la pièce, il lança cette dernière phrase, si froide, si percutante, qu’elle résonna dans mon esprit bien après son départ. « J’espère que tu es prête, parce que ce n’est pas moi qui vais tomber… c’est toi. » Je le regardai partir, son image se gravant dans mon esprit, comme une silhouette difficile à effacer. Mon esprit était en ébullition, chaque mot qu’il avait prononcé devenant une pensée qui se répétait inlassablement dans ma tête. Viktor était plus qu’un simple ennemi. Il n’était pas seulement un homme de pouvoir, de manipulation. Il était un puzzle complexe, une énigme dont je ne parvenais pas à résoudre la clé. Je tournais mon regard vers les documents qu’il avait laissés sur la table. Mes doigts effleurèrent les pages avec une lenteur mesurée. C’était un pari risqué, mais il n’y avait pas de retour en arrière. Avancer ou tout perdre. C’était cela, la seule option qui me restait. Et dans un coin de mon esprit, une petite voix persistante murmurait que peut-être, j’étais déjà trop impliquée dans un jeu dont je ne pourrais pas sortir sans tout perdre. Mais cette pensée ne fit que renforcer ma détermination. Parce que je savais une chose, une vérité aussi évidente qu’elle était dangereuse : je ne pouvais plus reculer.
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