Chapitre 10 : L’ombre du doute

1055 Mots
Selena Le vent soufflait fort, emportant avec lui les dernières traces de la chaleur de la journée. À l’intérieur du hangar, la tension entre Viktor et moi restait palpable, presque suffocante. Notre confrontation semblait se prolonger indéfiniment, chacun observant attentivement l’autre, cherchant un signe de faiblesse, une ouverture. Viktor n’avait pas bougé, mais je pouvais sentir une gêne légère naître au fond de lui. Cette sensation, ce malaise qu’il n’avait pas anticipé, m’agacait. C’était moi qui lui imposais ce sentiment étrange. Je n’étais pas comme les autres femmes ou les autres ennemis qu’il avait affrontés. J’avais cette capacité à le troubler, à le mettre sur la défensive sans même le vouloir. De mon côté, j'étais plus concentrée que jamais. J’avais bien vu que l’assurance de Viktor commençait à vaciller, même légèrement. Une brèche venait de se créer, même si je n’avais pas encore réussi à l’exploiter pleinement. Mon esprit restait affûté, analysant chaque détail, chaque mouvement. Mais une question persistait dans mon esprit : que ressentais-je réellement pour lui ? Était-ce de l’attraction pure, ou bien quelque chose de plus complexe, quelque chose que je ne voulais pas admettre ? Alors que nous nous tenions face à face, un bruit de pas dans l’obscurité nous fit sursauter. Nous nous retournâmes simultanément, nos réflexes de survie parfaitement synchronisés. Des hommes de Viktor, comme des ombres, entraient dans la pièce. L'un d’eux, un homme imposant avec une cicatrice marquée sur le visage, s’avança, un air tendu. « Tout va bien, patron ? » demanda l'homme d’une voix basse, scrutant l'atmosphère lourde qui pesait sur la pièce. Viktor fixa un instant, puis se tourna vers son homme, un sourire presque imperceptible se dessinant sur ses lèvres. « Oui, tout va bien. » Il s’adressa ensuite à moi avec une froideur nouvelle. « Mais on dirait que tu as de la compagnie. » Je me redressai, mon regard défiant. « Je préfère être bien entourée. » Je ne pouvais pas m'empêcher de répondre, même si cela ne faisait qu’alimenter les jeux de pouvoir de Viktor. L’homme imposant, sentant la tension, se retira précipitamment, mais ses yeux ne me quittaient pas. Il savait qu’un ordre pouvait surgir à tout moment de la part de son chef. Je l’observai s’éloigner, mais je ne perdis pas Viktor de vue. Nos yeux se croisèrent à nouveau, et une fois de plus, je sentis ce poids d’incertitude peser sur moi. Viktor se tourna de nouveau vers moi. Il paraissait plus détendu, ou du moins plus concentré. Mais son regard ne trompait pas : il était toujours à l’affût de la moindre faiblesse. « Tu as dit que tu ne te laisserais pas briser. » Son ton était comme du fer, tranchant et sans émotion. « Mais je crois que tu te mens à toi-même. » Je ne répondis pas immédiatement, mais la pique de ses mots m’atteignit plus profondément que je ne voulais l’admettre. Ce qu’il disait résonnait en moi. Je savais que je me trouvais à un carrefour : continuer à lutter contre mes sentiments pour Viktor, ou bien céder à la complexité de ce que je ressentais envers lui. « Et toi, Viktor ? » répondis-je enfin, mes yeux plissés par une lueur de défi. « Tu crois que tu peux manipuler tout le monde à ta guise sans que cela te revienne en pleine figure ? » Il s’avança de quelques pas, sa silhouette massive projetant une ombre menaçante sur le sol. Il se tenait maintenant à une distance plus intime, trop proche pour que je me sente en sécurité, mais pas assez pour lui infliger un coup. Il observait mon visage avec une attention presque clinique, comme s’il cherchait à y lire chaque émotion qui pourrait me trahir. « Tu es douée pour manipuler les autres, » dit-il en marquant une pause. « Mais qu’en est-il de toi ? Qu’en est-il de ton propre cœur ? » Je me figeai, surprise par la question. J'avais toujours réussi à maintenir mes émotions sous contrôle, à jouer la voleuse impassible. Mais la vérité était plus complexe. En dérobant à Viktor, je n’avais pas seulement pris son argent. J’avais pris un morceau de lui, une partie de son empire qu’il ne pourrait jamais récupérer. Et cette connexion, aussi ténue soit-elle, me faisait douter. Je secouai la tête, comme pour chasser ces pensées avant qu’elles ne prennent trop d’ampleur. « Je ne te laisse pas entrer dans ma tête, Viktor. » Ma voix était plus ferme maintenant, bien qu’elle trahît une légère hésitation. « Tu penses que tu sais tout, mais tu ne sais rien. » Viktor sourit, mais ce n’était pas un sourire de victoire. C’était un sourire qui suggérait qu’il voyait au-delà des murs que j’élevais. Il me connaissait mieux que je ne l’admettais. Il savait que l’attirance était réciproque, que cette confrontation ne se limitait pas à un simple jeu de pouvoir. « C’est peut-être ça, le problème. » dit-il d’une voix plus basse, presque intime. « Tu essaies de tout contrôler. Mais tu ne peux pas. » Les mots me frappèrent comme une lame dans le silence, et pour un instant, je me sentis déstabilisée. Je savais que je n’avais pas le luxe de douter. Je ne pouvais pas laisser Viktor avoir le dernier mot, surtout pas dans cette guerre psychologique. Je me redressai, puis, avec une lenteur calculée, tournai le dos à Viktor. « Je ne veux pas d’une domination psychologique, Viktor. Ce que je veux, c’est que tu comprennes qu’on ne peut pas tout acheter avec de l’argent. Même un empire. » Le silence qui suivit était lourd. Viktor me regarda partir sans un mot, mais au fond de lui, il savait que je venais de poser une question qu’il ne pourrait ignorer longtemps. Son empire, ses hommes, sa force… tout cela pouvait-il être brisé ? Non pas par la violence ou la manipulation, mais par des émotions humaines ? Par ce qu'il ressentait pour moi ? Il secoua légèrement la tête, repoussant cette pensée. Ce n’était pas le moment de s’égarer. Mais il savait une chose : les failles, aussi petites soient-elles, finiraient par se transformer en fissures… et ces fissures finiraient par engloutir tout ce qu'il avait construit. Le doute venait de s’immiscer dans son esprit, et cette ombre, aussi discrète qu'elle fût, pouvait tout changer.
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