Je lus les messages d'Ethan.
« Alors voilà, comme tu le sais, ma sur de vingt ans vit à Paris, sauf qu'elle a eu un accident de voiture, ce matin. Elle est dans le coma, pour l'instant...je ne sais pas si elle survivra. Mes parents passent le week-end à Paris, avec elle, mais ils ne veulent pas que je vienne. Alors je dois me débrouiller, ce week-end, tout seul. Ça peut être cool, mais en sachant que ma sur est dans le coma, non. »
« Tout va bien ? »
Qu'est-ce que je m'imaginais ? Je compatissais.
« Je suis désolée pour toi. J'espère que ta sur s'en sortira, je comprends, en tout cas. Si tu as besoin de parler je suis là, ou si tu veux qu'on se voit plus ce week-end, je pourrais. Ma mère venait de rentrer, elle voulait que je vide le lave-vaisselle et tout... »
Il répondit la minute d'après.
« Pas de souci. On a qu'à se voir demain, et samedi, comme prévu :) elle ne t'a rien fait, j'espère ?! »
Je répondis :
« Ok, je passe demain chez toi. Non ne t'inquiète pas pour ça. »
« Super, tu me dis si il y a un problème, hein ? » écrivit-il.
« Oui, toujours. » répondis-je.
J'éteignis l'écran de mon téléphone pour me perdre dans mes pensées. Je réfléchis à ce que je ressentais réellement pour Ethan. Mes réactions d'aujourd'hui me laissaient perplexes. Je n'y avais jamais vraiment pensé. Jusque là, Astrée et Ethan étaient simplement mes meilleurs amis, mais comme Astrée n'était plus là, je me sentais plus proche d'Ethan. En y réfléchissant bien, Ethan avait toujours été là pour moi. Il était toujours si gentil.
Je décidai d'y réfléchir plus tard, dans quelques jours. Je le voyais demain, et après demain. Je pourrai observer mes réactions et alors je saurai. Pour l'instant, il occupait toute ma pensée.
Jusqu'à ce que mon père débarque dans ma chambre.
– Qu'est-ce que tu fous ? Ça doit faire dix minutes qu'on t'appelle pour manger ! s'écria-t-il.
J'arrêtai la musique, posai mes écouteurs et me levai.
– Désolée, je n'ai pas entendu, avec la musique.
– Tu mets le son trop fort ! Tu n'entends plus rien, après ! Tu sais très bien comment je suis quand je m'énerve ! File manger !
Je gardai la tête baissée et m'enfuis de ma chambre pour m'asseoir à table, suivie de près par mon père. Le début du repas se déroula dans un silence pesant.
– Alors Nina, tu as commencé à chercher pour ton stage de troisième ? lâcha mon père.
– Non
– Qu'est-ce que tu attends ?
– Je regarderai ce week-end.
– Qu'est-ce que tu as aujourd'hui, à la fin ? Déjà tu n'aides même pas ta mère, ensuite tu n'entends même pas quand on t'appelle pour manger, et tu n'as même pas cherché pour ton stage !
Je ne répondis pas et me contentai de fixer mon assiette.
– Réponds moi quand je te parle ! s'énerva mon père.
Je ne savais pas quoi répondre. Je commis l'irréparable en me levant de table pour débarrasser mon assiette. Mon père se leva brusquement de sa chaise pour me saisir par les épaules. Il me plaqua contre le mur derrière moi avant de me gifler violemment.
– Arrête de te croire supérieure ici c'est moi qui décide ! cria-t-il.
Il me relâcha pour retomber lourdement sur sa chaise et manger d'un air agressif. J'allais débarrasser mon assiette, les larmes aux yeux. Mon père s'adressait maintenant à mon frère. Je n'écoutais pas la discussion. Je retournai m'asseoir pour manger mon yaourt au moment où mon père s'énervait contre Hayden. Il le plaqua contre le mur, le frappa, l'étrangla, comme d'habitude. Ma mère mangeait en silence, les yeux perdus dans le vide, et je faisais de même, terrorisée. Les crises de mon père me faisaient de l'effet. D'abord, j'étais presque paralysée, comme un légume, qui n'avait comme simple objectif de fuir les lieux. Ensuite, c'était les émotions, la crise d'angoisse. J'avais du mal à respirer, la gorge nouée, je pleurais à flots, je tremblais de tous mes membres, et je me répétais constamment : Respire Nina, respire .
Je me dépêchais de finir mon yaourt avant de me précipiter vers la salle de bains pour me brosser les dents, et finir cloîtrée dans ma chambre, l'endroit où j'étais le plus en sécurité. Je commençai à pleurer, et tout le reste. Je ne pus mempêcher d'envoyer un message à Ethan.
« Ethan ? On peut parler ? »
Il répondit à la minute près.
« Qu'est-ce qu'il se passe ? Cest encore ton père ? »
« Oui... »
« Ne t'inquiète pas, je suis là maintenant. Calme tes émotions, ok ? »
« J'essaie... »
« Tu te rappelles la fois où on a mis nos sweats à capuche en tirant les ficelles et avec des lunettes de soleil ? »
« Oui ? »
« La tête que les gens faisaient dans le bus en nous voyant ! Et après tu t'amusais à courir après les pigeons pour les faire fuir. J'ai toujours la vidéo, d'ailleurs. »
Me remémorer ce souvenir me fit sourire.
« Après on donnait du pain aux canards de l'étang, sauf qu'ils avaient peur de nous et ne voulaient pas venir »
« Oui ! Même si ça date de la sixième, c'était génial, comme journée. Tu vois, quand ça ne va pas, tu peux penser à tous les bons souvenirs »
« Merci, Ethan »
Nous discutâmes pendant plus d'une heure, nous remémorant tous ces souvenirs. Je me sentais bien mieux, après. Il devait être vingt et une heures trente lorsque je décidais d'aller me coucher. J'étais épuisée. Comme en imposait le règlement de mes parents, je posai mon téléphone dans la cuisine pour le mettre à charger. Mes parents regardaient la télévision, et ils ne me prêtèrent aucune attention, alors j'allais me coucher sans leur souhaiter une bonne nuit. Je mis du temps à m'endormir, malgré ma fatigue pesante, comme tous les soirs. Ethan ne voulait pas quitter mes pensées. J'entendis par moments mon père s'énerver contre ma mère, mais n'y faisais pas attention. L'heure sur mon réveil passait. Vingt deux heures. Vingt trois heures. Minuit. Minuit trente. Une heure. Mes yeux finirent par se fermer, et je m'endormis.