Chapitre 5

912 Mots
Chapitre 5 : Le 4x4 sombre franchit les grilles en fer forgé et remonta l’allée bordée d’arbres jusqu’au vaste manoir qui avait été jadis le cocon de l’enfance d’Ashley. Elle inspira profondément, serra les poings pour contenir le tremblement de son cœur et descendit du véhicule, prête à affronter la tempête qui l’attendait derrière ces murs. À l’entrée, l’oncle Ben, fidèle majordome depuis toujours, se tenait droit comme une sentinelle. Lorsqu’il l’aperçut, il s’inclina légèrement et lui ouvrit la lourde porte sans un mot, comme s’il savait qu’aucun protocole mondain ne convenait en cet instant. Autrefois, la demeure résonnait de rires, de musique et d’animation. Depuis qu’Ashley avait choisi son indépendance et quitté la maison pour poursuivre sa carrière, les pièces baignaient dans un silence majestueux, presque glacial. Richard, son père, avait tenté de la retenir. Mais face à la fougue d’une fille décidée à voler de ses propres ailes, il avait cédé, souffrant en silence mais incapable de briser sa volonté. Le manoir, immense bâtisse immaculée aux lignes presque royales, avait toujours porté son empreinte : chaque meuble, chaque nuance avait été pensé pour lui plaire. Fille unique, elle avait grandi au milieu d’attentions constantes, comme un joyau précieux que l’on polit sans relâche. Ses yeux parcoururent les lieux immobiles, inchangés malgré les années. Une mélancolie lui noua la gorge. Son père n’avait cessé de s’incliner devant ses caprices, jusqu’à tolérer Greg dans leur vie, cet homme pour lequel elle s’était acharnée à défier son autorité. Une douleur sourde la transperça : elle avait blessé celui qui l’aimait le plus, et pour quoi ? Pour un mirage. D’un pas lent, elle monta l’escalier monumental et s’arrêta devant la porte de sa chambre d’adolescente. Les souvenirs d’altercations avec son père la giflèrent. Elle avait levé la voix, l’avait humilié, tout cela pour défendre un amour qui n’avait été qu’un leurre. Rassemblant son courage, elle entra. La pièce baignait dans la pénombre. Une silhouette masculine se détachait près de la fenêtre : Richard contemplait un grand portrait où la jeune Ashley souriait encore à la vie. La gorge serrée, elle s’approcha à pas feutrés. — Papa… Il ne répondit pas. Son silence valait toutes les réprimandes. La voir réduite à ce mutisme paternel lui transperça le cœur plus que n’importe quelle colère. Enfin, Richard détourna ses yeux du cadre pour plonger son regard dans celui de sa fille. Ses traits sévères s’adoucirent devant l’expression ravagée d’Ashley. En un instant, l’homme rigide céda la place au père, et il la serra contre lui. Elle s’effondra dans ses bras, incapable de contenir ses larmes. — Ma petite… ne verse plus une larme pour ce misérable, murmura-t-il d’une voix grave. Cet homme n’a pas su reconnaître ce que tu lui offrais. Richard avait toujours su que Greg n’était qu’un séducteur assoiffé de gloire. Ses frasques défilaient dans les journaux, ses conquêtes se succédaient. Mais Ashley n’avait rien voulu entendre, aveuglée par une passion qu’elle croyait éternelle. Aujourd’hui, la vérité s’imposait : Greg l’avait utilisée pour gravir les marches de la célébrité, puis avait vidé ses cartes de crédit sans le moindre scrupule, avant de la trahir avec Jane. Le visage trempé de larmes, Ashley se repliait dans le silence, accablée par la culpabilité d’avoir repoussé son père lorsqu’il tentait de la protéger. Richard, lui, bouillonnait de colère à l’idée que cet homme ait osé briser sa fille. Déjà, il imaginait comment détruire la carrière de ce soi-disant modèle. Quand Ashley se calma, il la força à relever le menton du bout des doigts. — Tu es forte, Ashley. N’oublie jamais que je serai toujours là. Ce garçon ne te méritait pas. C’est lui qui a perdu. De nouvelles larmes perlèrent et elle se jeta de nouveau dans ses bras. — Papa, pardonne-moi… J’ai douté de toi alors que tu cherchais seulement à m’épargner. Il resserra son étreinte, sans un mot. Elle avait enfin compris. Après un long moment, ils restèrent ensemble dans cette chambre, renouant ce lien brisé. Puis, lorsque l’émotion s’apaisa, ils passèrent quelques heures à partager des souvenirs et des silences apaisés, avant qu’Ashley ne reparte. Dans la voiture, elle déposa d’abord Miley chez elle, puis regagna son appartement. La lourde pierre qui oppressait sa poitrine s’était enfin détachée. Elle se revit sur le chemin, rongée par la peur d’affronter un père qu’elle pensait avoir trahi pour toujours. Mais au lieu de rejet, elle avait trouvé l’amour inaltérable. Une fois rentrée, elle se glissa sous la douche pour effacer la fatigue et la douleur. Revigorée, elle se blottit dans son lit, carnet de planning en main. Demain serait chargé : séances photo reportées, regards accusateurs de collègues, rumeurs sur sa rupture avec Greg. Elle savait déjà que l’industrie se repaîtrait de son malheur. Mais Ashley n’avait plus peur. On pouvait murmurer, la critiquer, la jalouser : rien n’ébranlerait sa détermination. Elle n’était pas une femme que l’on piétinait. Le mannequinat l’avait couronnée reine ; elle entendait conserver sa dignité intacte. Convaincue qu’un jour neuf l’attendait, elle ferma les yeux et se laissa glisser dans le sommeil. Pendant ce temps, Tristen avait retrouvé ses bureaux. Karl s’était occupé des formalités, et la réunion d’affaires s’était close rapidement, sur une note avantageuse. Le chauffeur déposa ensuite son patron devant la demeure familiale des Knight, où vivaient ses proches : parents, grands-parents, frères et sœurs. Dans le monde extérieur, les Knight inspiraient crainte et méfiance. Pourtant, derrière leurs portes, ce n’était qu’une famille soudée, généreuse et aimante.
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