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Aikon L’infirmerie se trouve à l’opposé de la salle d’entraînement. J’y accompagne une Eden bornée et claudicante, qui refuse obstinément de me laisser la porter pour aller plus vite. Une fois sur place, l’infirmière nous conduit à travers l’allée bordée de lits séparés les uns des autres par de simples rideaux, jusqu’aux boxes réservés aux membres de la famille royale. Je soulève Eden dans mes bras, malgré ses protestations, et la pose délicatement sur le lit. L’infirmière s’approche, le regard sévère : — Il me semble que nous étions convenus que vous deviez trouver un moyen de dompter votre maîtresse, me sermonne-t-elle. Eden frissonne de dégoût à l’entente du qualificatif. — Ne vous en faîtes pas, notre chef des armées, son fils, mon bras droit et mon second ami de confiance sont en train de la sermonner à cet instant même. Quant à moi… La porte s’ouvre brusquement. Le Roi Clayton fait irruption, suivi de ma mère et, à ma grande surprise, de sa sœur. Une lueur incendiaire brûle dans son regard : — Je ne veux plus que cette ast de Victoria approche ma nièce de la sorte, crache-t-il. — Oncle Clayton…, soupire Eden. Les yeux de ce dernier s’attardent brièvement sur elle avant de revenir à moi : — Eden est non seulement une princesse, mais elle est aussi une future Luna. Qui plus est, la Madadh Geal. Ses pouvoirs ont été bridés par ma sœur dès sa plus tendre enfance afin de la préserver de ce fardeau aussi longtemps que possible. — Pardon ?! Eden se redresse sur les coudes, stupéfaite. Je lui lance un regard par-dessus mon épaule. Ses yeux interrogateurs ne lâchent pas les miens. — Allons poursuivre cette conversation dans un endroit privé, je dis en détournant la tête. (Du coin de l’œil, je vois ma fiancée qui tente de se lever.) Pouvez-vous rester avec elles et l’infirmière ? je demande à l 'attention de nos mères. — Bien sûr, acquiescent-elles. Je les gratifie d’un signe de tête et sors de la pièce. Le Roi Clayton m’emboîte le pas. Nous nous éloignons suffisamment afin d’être sûr que notre échange ne soit pas entendu par ma future Luna. — Vous et moi savons parfaitement que ce n’est qu’une question de temps avant que les pouvoirs de ma nièce ne se débrident. Il n’est donc pas nécessaire que d’autres jeunes femmes, jalouses de sa supériorité, la provoquent davantage. — Victoria est l’un de nos meilleurs éléments, je ne peux m’empêcher de rétorquer sur la défensive. Il esquisse un sourire suffisant : — Là n’est pas la question. Aussi douée soit-elle dans certaines disciplines physiques, elle n’en demeure pas moins une jeune femme turbulente qui peut vite s’avérer dangereuse confrontée à un adversaire dont les pouvoirs viennent à peine de se manifester. Je hoche la tête : — Vous avez raison sur ce point. Au cours de la très ancienne histoire des principautés surnaturelles, qui remontent à la nuit des temps, il est déjà arrivé à plusieurs reprises que des Duisg Anmoch, Eveils Tardifs, résultent rapidement en des Duisgeadh fuilteach, Eveils Sanglants, à causes de provocations entre jeunes, parfois même entre clans, entraînant des dommages collatéraux importants. — Autre point, poursuit-il. Votre mère, ma sœur et moi-même étions en train d’en discuter lorsque nous avons eu vent de l’incident de l’entraînement. (Je hausse un sourcil interrogateur, l’invitant silencieusement à continuer.) Il s’agit d’une requête de la part des Banshee, des Enchanteresses et, je l’avoue, de ma propre Cour. Votre mère trouve que cette demande est tout à fait raisonnable. Ma sœur, quant à elle…(Il lâche un ricanement amer.) Vous savez comment elle est. Je remue légèrement la tête en signe d’assentiment, les bras croisés sur la poitrine : — Je vous écoute. — Comme vous le savez, chacune de nos îles dispose d’une fontaine magique, semblable à celle que vous avez dû détruire il y a quelques jours pour éviter une éventuelle intrusion depuis le monde humain. Celle-là avait été construite par des Elfes du feu. Celles dont je vous parle ont été érigées par des Elfes de la terre et de l’eau. — C’est exact. — La Cour des Elfes et celle des Banshee-Enchanteresses aimeraient les détruire et récolter le pouvoir qui en émanera, afin de le remettre à Eden lors d’une fête spécifique au cours de la période de célébrations en l’honneur de votre union. — Pourquoi faire ? je demande perplexe. — La maîtrise des quatre éléments fait partie des nombreux pouvoirs de La Louve Blanche. Grâce à l’explosion de la fontaine et aux gènes hérités de nos ancêtres par sa mère, Eden possède déjà… — Le pouvoir du feu et de l’air, je l’interromps. — Exactement. Il ne lui manque donc plus que l’eau et la terre. J’acquiesce : — Nous devrions pouvoir organiser une fête pour la remise de ses deux dons manquants. — L’idéal serait qu’elle ait lieu lors de la Cérémonie du Lien sur An T-Eilean Meadhanach, pour que nos pouvoirs à tous soient renforcés et, au cours de cette ultime étape de votre union, que les Enchanteresses puissent faire le nécessaire pour vous transmettre une partie des pouvoirs d’Eden sans l’en priver totalement. Mon cœur bondit deux fois de manière rapprochée entre mes côtes : — Qu’êtes-vous en train d’insinuer ? je demande bien que je pense connaître la réponse. Ses yeux vrillés aux miens reflètent une profonde gravité ainsi qu’un profond respect : — Vous le savez, j’aime ma nièce comme ma propre fille. Néanmoins, elle est et restera toujours la fille de Michael Foley, l’un des pires Chasseurs ayant jamais existé, et qui n’hésitera pas à lui faire subir les tortures les plus barbares pour se servir de ses pouvoirs et la transformer en arme destructrice s’il en venait à mettre la main sur elle. Si cela devait arriver, les dégâts seront des moindres si vous absorbez une partie de ses dons pendant la Nuit du Lien. Je soupire : — Roi Clayton… — Majesté, m’interrompt-il, vous savez mieux que quiconque que le pouvoir est un échiquier complexe où il faut constamment manier les pions. Ma nièce en fait partie. Faites le nécessaire pour qu’elle rejoigne votre jeu et non celui de son père. ** Eden — Et voilà. (L’infirmière termine de b****r ma hanche et se redresse.) La blessure reste assez superficielle, m’explique-t-elle d’une voix douce et professionnelle, elle ne devrait pas mettre plus de quelques jours à se résorber. (Je hoche la tête.) Faites bien attention à changer régulièrement le pansement et surtout, n’oubliez pas : vous aurez tout le temps de briller, Luna. Elle m’adresse un sourire encourageant avant de se retirer dans une révérence. La porte à peine refermée, la Reine et ma mère, jusque-là occupées à discuter à voix basse dans un coin de la salle, s’assoient à mes côtés. — C’est décidé, déclare la Reine, plus d’entraînement avec des jeunes survoltés. (Je tente de protester, mais elle enchaîne :) La future Luna n’a pas à subir les sautes d’humeur d’une jeune Oméga qui ne sait pas contrôler ses émotions. — Mais elle doit, elle aussi, apprendre à contrôler les siennes, contrecarre calmement ma mère. Je ne peux m’empêcher de grimacer à l’entente de sa remarque. Elle n’a pas totalement tort. Certes, Olivia a commencé la première, mais je me suis laissé entraîner dans le jeu. Je l’ai poussée à sortir de ses gongs. — Je demanderai au Prince Rhystan de veiller à mieux mixer les filles et les garçons pour les défis, de les binômer par niveau au lieu de les laisser choisir leurs adversaires par orgueil et vanité, nous assure la Reine. — Sage décision, approuve ma mère. — Ce qui ne m’empêchera pas d’être confrontée à des jeunes survoltés, je remarque, Audran en est un lui-même. Ma mère me tance d’un regard sévère tandis que ma future belle-mère esquisse un sourire presque imperceptible. A mon plus grand soulagement, quelqu’un frappe à la porte. Audran passe la tête par l’embrasure : — Majestés. Il se faufile dans le box tout en inclinant la tête de manière théâtrale. — Votre Alpha et mon frère en ont-ils fini ? le questionne ma mère. — Ils viennent de finir. Je les ai croisés en venant prendre des nouvelles de notre grande blessée, répond-il avec une once de taquinerie dans la voix. (Je fiche mon regard furibond dans le sien qui brille d’une lueur complice.) Le Prince Aikon m’envoie te quérir. Changement de programme pour aujourd’hui. Il me tend une main que j’attrape, ma curiosité piquée au vif. Saluant la Reine et ma mère, je le suis hors de l’infirmerie, à travers des dénivelés de couloirs en traînant la jambe. Arrivés au bout d’un couloir isolé, il passe un bras autour de ma taille et je mets un des miens sur ses épaules. Nous grimpons un escalier en colimaçon qui débouche sur un grenier réaménagé en suite rustique. Droit devant nous, un lit King size orienté vers l’Est, face à une grande baie vitrée menant sur une petite terrasse. Un peu plus à droite de celle-ci, une cheminée encastrée dans le mur, ainsi que de nombreuses étagères en bois, recouvertes de livres et de bibelots, à gauche du lit. Deux fauteuils confortables sont installés devant l’antre. Aikon occupe l’un d’eux, le nez plongé dans un livre qu’il a probablement récupéré sur la pile à ses pieds. Audran se râcle brièvement la gorge pour attirer l’attention de mon fiancé. Mon cœur fait une double embardée dans ma poitrine alors que nos regards s’accrochent. Il referme son livre et se lève. — Bien, je vais vous laisser, déclare son meilleur ami et bras droit. Il se retire, faisant attention à bien fermer la porte derrière lui. Je ris, partagée entre amusement et nervosité. Audran me prend dans ses bras et m’embrasse le front. — À quoi vont servir tous ces livres ? je l’interroge les yeux rivés sur la pile assez effrayante. — Rien de bien méchant, m’assure-t-il avec un petit sourire, juste de quoi réviser le cérémonial de la Cour et des mariages princiers, ainsi qu’un peu d’Histoire. Je ne peux m’empêcher de faire la moue. Merci Audran de m’avoir donné de faux espoirs. Aikon m’observe d’un œil espiègle, son visage penché vers moi : — Ne t’en fais pas, murmure-t-il d’une voix rauque et profonde, je nous réserve une soirée pleine de détente et d’amusements. Mais d’ici là, leçons ! Je me laisse tomber au pied de son fauteuil, non sans lever les yeux au ciel. Aikon émet un rire discret en se rasseyant. Je me cale contre ses jambes. Il ouvre le livre qu’il tenait il y a quelques minutes, et nous commençons. Je ne le lâche pas des yeux tandis qu’il lit l’assommante liste des rituels des mariages royaux, pas si différents de ceux des mariages dans le monde humain : 1. Annonce des fiançailles sans interview après obtention de l’approbation de la Reine (pas de presse chez nous), au cours d’un événement au choix. 2. Les futurs mariés doivent convenir d’un lieu et d’un moment pour le portrait de fiançailles. 3. La Reine Mère prend soin d’envoyer les invitations. 4. Le mariage se déroule dans l’un des palais royaux au choix. 5. Les deux familles se partagent les frais pour la cérémonie. 6. Lors de la cérémonie, la famille du futur marié s’assied sur la droite, celle de la future mariée sur la gauche. 7. Deux fêtes suivent la cérémonie, l’une le matin et l’autre le soir : deux gâteaux sont donc préparés pour l’occasion. 8. Garçons et Demoiselles d’Honneur sont sélectionnés avec soins par la Reine Mère et la mère de la future mariée ; les Témoins sont choisis par les futurs mariés. 9. Le jour de ses noces, la mariée doit porter une robe en dentelle, un bouquet de myrtes, une tiare et un ensemble de bijoux sortis des coffres royaux. 10. Le jour de ses noces, le marié doit porter un uniforme. 11. La mariée est conduite au lieu de la cérémonie dans un carrosse, escorté par les membres de l’élite masculine de la Cour dont son époux est originaire. 12. Lors de la cérémonie, les mariés échangent des alliances faites d’or magique. 13. Toute femme qui épouse un homme d’une famille royale, quelle qu’elle soit, endosse automatiquement les titres de son époux. 14. Après le mariage, la mariée dépose son bouquet au pied du Carragh-cuimhne de Iobart (Le Monument aux Sacrifiés), dédié à celles et ceux morts dans le combat contre les Grands Chasseurs. 15. Au retour du voyage de noces, le marié prend ses nouvelles fonctions politiques ; la mariée s’investit dans son rôle privé d’épouse et public de femme d’influence. — En somme, sois belle et tais-toi, je marmonne. Aikon sourit discrètement. J’attrape le livre que je jette à l’autre bout de la pièce. — Eden ! s’esclaffe mon fiancé. Je me redresse, en appui sur les accoudoirs de son fauteuil, de manière à rapprocher mon visage du sien. Mon cœur fait un bond entre mes côtes alors que nos regards joueurs et langoureux se croisent. Aikon attrape mon visage en coupe : — Vilaine fille, souffle-t-il d’une voix suave qui me fait frémir. Inclinant légèrement la tête, il m’embrasse. Les picotements familiers s’éveillent dans mon bas-ventre au contact de ses lèvres douces sur les miennes. Mes mains derrière sa nuque, je me colle contre lui, bassin contre bassin. Il referme ses bras autour de ma taille et me maintient entre eux, nos corps brûlants de désir. Sa langue se mêle à la mienne dans une danse sensuelle et enfiévrée. Un grognement guttural s’échappe des tréfonds de sa gorge tandis qu’il se lève et me porte telle une mariée, sans interrompre notre b****r. Mes doigts remontent dans ses cheveux, tirant sur ses boucles. Aikon m’allonge sur le lit et se positionne entre mes jambes. Les mains tremblantes, je lui retire son haut qu’il fait tomber à terre, avant de me retirer mon jogging et ma petite culotte qu’il fait glisser le long de mes jambes, prenant soin de ne pas toucher à mon pansement. Les bras levés, je laisse ses mains vigoureuses me retirer haut et brassière. L’air doux de la pièce caresse ma peau nue, me procurant un frisson. Une lueur lubrique traverse ses yeux tandis qu’il me caresse du regard. Le cœur battant à tout rompre, je lui arrache son boxer et attrape son membre que je commence à caresser dans des gestes doux et tortueux. Sans crier gare, il enserre mes poignets qu’il plaque de chaque côté de ma tête, la respiration saccadée et le sourire malicieux. Ses lèvres effleurent les miennes, puis descendent le long de ma mâchoire, de mon cou, jusqu’à mon ventre, laissant de succulents baisers mouillés sur leur passage. Ses mains suivent leur trajectoire et s’arrêtent sur mes hanches qu’il empoigne fermement. Ses doigts s’enfoncent dans ma peau avec force tandis qu’il plonge ses lèvres entre mes cuisses. Un cri de plaisir m’échappe alors qu’il s’attaque impitoyablement à mon point sensible, embrassant, embrasant, léchant, mordant sans relâche. Les yeux fermés, je rejette la tête en arrière. Mon être entier frémit sous ses assauts bestiaux. Mes muscles se contractent, et l’engourdissement envahit mes jambes au rythme de la violente pulsation dans mon bas-ventre. Une main ramenée sur mon ventre, il me maintient fermement en place, m’empêchant de contracter les cuisses. Mon souffle est rapide, erratique: — Aikon… Ignorant mon appel, il ne cesse de me consumer avec ardeur, jusqu’à me faire perdre pied. La respiration pantelante, il relève la tête, les lèvres rouges et gonflées. Sans me laisser le temps de recouvrer mes esprits, il m’attrape vigoureusement le bassin et me pénètre d’un puissant coup de rein. Mon souffle se bloque dans ma gorge. Mes mains se resserrent sur ses avant-bras positionnés de chaque côté de ma tête. Son regard ancré au mien, il commence à bouger en moi dans de lentes poussées fortes et profondes. Il attrape mes mains et entrelace nos doigts, nos corps bougeant en cadence. Ses râles se mêlent à mes gémissements et au doux bruit du feu qui crépite dans la cheminée, créant la plus belle des harmonies, rythmée par les pulsations unies de nos chœurs qui battent comme un seul et même être. À cet instant, lui et moi ne formons qu’un. ** ** ** ** **
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