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1497 Mots
Je me réveille au son de chuchotements qui résonnent à travers ma chambre. Encore à moitié endormie, les yeux piquants à cause du manque de sommeil, je me relève sur les coudes. Une horde de servantes s’active aux quatre coins de la pièce bougeant des meubles par-ci et emballant des affaires par-là. — Excusez-moi. Toutes se stoppent net et se tournent vers moi. — Votre Altesse. Elles s’inclinent dans une profonde révérence. La porte s’ouvre avant même que je ne puisse leur demander ce qui se passe. Fiona entre d’un pas joyeux. Mon regard descend sur la magnifique robe de jour qu’elle étale soigneusement sur le lit. — Vous êtes attendue pour un petit-déjeuner dans la roseraie royale d’ici une heure, m’annonce-t-elle. A peine ai-je le temps d’assimiler ses mots qu’elle me tire jusqu’à la salle de bain. Une douce odeur caramélisée envahit mes sens tandis qu’elle m’aide à ôter ma chemise de nuit et m’installer dans la baignoire. — Que font toutes ses employées dans ma chambre ? je demande curieuse. — La Reine les a envoyées pour réaménager vos appartements et faire le tri dans vos anciennes affaires. (Je lui lance un regard interrogateur.) Sa Majesté vous expliquera tout ceci, se contente-t-elle d’ajouter. Sur ce, elle s’attèle au soin habituel de mes cheveux. Pour ma part, je tente de me détendre en vain, malgré l’odeur familière du soin à l’huile d’argan que Fionna applique dans mes épais cheveux ondulés. Poussant un soupir, j’attrape un gant et me frotte le corps. De drôles de bruits me parviennent de l’autre côté de la porte. Suspicieuse, je sors de l’eau et enfile un peignoir en soie. — Votre Altesse… J’ouvre subitement. Trois servantes tombent au sol en pouffant. Les autres me jettent des regards curieux qui me brûlent la peau. — Mesdemoiselles ! (Les trois jeunes filles au sol se relèvent à peine honteuse. Fiona leur lance un regard furibond et aboie :) Au travail ! Je les regarde déguerpir en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Fiona lève les yeux au ciel. Nous regagnons mon lit près duquel elle installe un paravent. — Merci, je souffle troquant mon peignoir pour un jupon et un corset qu’elle m’aide à lacer. Ma respiration se bloque quelques secondes tandis qu’elle tire au maximum. — J’espère que la robe vaut le coup de manquer de s’étouffer, je rouspète. Elle rit. Je lève les bras pour passer le vêtement au jupon légèrement bouffant, réhaussée à la taille par une ceinture de diamants, qui épouse parfaitement les formes de mon corps. Fiona s’attèle à ma coiffure disposant une partie de mes cheveux en couronne puis remontant l’autre de moitié, de façon à ce qu’elle retombe dans mon dos. Après quoi, elle y ajoute de petites étoiles en diamant et me maquille légèrement. Fin prête, je récupère ma bague de fiançailles rangée dans l’un des tiroirs de ma coiffeuse. — Un cadeau pour vous. Une servante d’à peine une quinzaine d’années me tend une boite. J’en retire le couvercle et m’esclaffe à la vue de son contenu : une paire de souliers en verre. L’un d’eux contient une note parfaitement pliée. À ma très chère fiancée, Tu trouveras ci-joint la paire de souliers de verre promise. Je m’excuse d’avance pour les dix ans de retard, mais j’attendais l’occasion idéale pour te les offrir. Il m’a semblé que notre première matinée officielle en tant que fiancés était la bonne. Avec tout mon amour, Aikon Le sourire aux lèvres, je range la note puis les chausse. Fionna se penche par-dessus mon épaule : — Le Prince a le don de se souvenir des plus petites choses. Nous échangeons un regard complice à travers le miroir dans lequel j’aperçois un garde que je n’ai pas entendu entrer. Je me retourne. — Votre Altesse. (Il se fend d’une brève révérence.) Sa Majesté la Reine vous attends dans son salon. — Très bien, j’arrive. Jetant un dernier coup d’œil à mon reflet, je prends une petite inspiration et me lève. Nous longeons les couloirs jusqu’aux grands escaliers puis montons jusqu’à l’étage supérieur où se trouvent les appartements royaux. Nous nous arrêtons devant la porte de ceux de la Reine, devant lesquels sont postés deux autres gardes. Tous deux m’adressent un signe de tête sans piper mot. Un secrétaire annonce mon entrée : — Votre Majesté, Son Altesse Royale la Princesse Eden Melwyn Shelley Cranham. J’entre. La Reine est assise à une petite table ronde située au centre de la pièce. Je me fends d’une profonde révérence. — Gardes, faîtes savoir à mon fils que sa fiancée et moi-même nous joindrons à lui et nos invités dans un instant. — Bien, Majesté. La porte grince légèrement en se refermant derrière eux. — Bonjour Eden. — Majesté. Je me relève. Son regard rivé sur moi, elle pointe la chaise face à elle. — Je tenais à prendre quelques minutes pour parler avec toi de certains changements qui vont se produire dans les jours à venir, dit-elle tandis que je prends place. À commencer par le mariage qui sera célébré dans trois jours. Trois jours ?! J’inspire profondément. — Majesté, je croyais que… — Selon l’idée reçue les princes ne se mariaient pas aussi rapidement que la canaille ? finit-elle pour moi. C’est vrai. Cependant, plus vite Aikon et toi serez unis, plus vite vous pourrez concevoir un héritier. (Elle ponctue sa remarque d’un sourire bienveillant. L’on frappe à la porte.) Entrez ! — La liste que vous aviez demandée au Sénéchal du Prince, Majesté. La servante qui m’a apporté les souliers il y a un petit quart d’heure avance jusqu’à nous, tenant un parchemin soigneusement roulé sur lui-même. Ma future belle-mère le prend et le déplie. — Parfait, merci Liv. L’intéressée se retire dans une révérence. La porte refermée, la Reine me lance un regard furtif : — Écoute bien. (Elle s’humecte les lèvres.) Pour les trois jours à venir, l’emploi du temps de S.A.R la Princesse Eden Melwyn Shelley Cranham s’organisera de la manière suivante : étude du Cérémonial de la Cour et des mariages princiers le matin, promenades l’après-midi, puis sorties mondaines en compagnie de S.A.R le Prince Aikon Cunous Riou Gwynfor le soir. Elle marque une pause puis poursuit : — Le reste du temps, S.A.R la Princesse Eden Melwyn Shelley devra se soumettre aux essayages pour sa robe de mariée et son nouveau trousseau de future Reine, en plus d’un bilan éducationnel complet. En ce qui concerne les premières règles au sujet de son nouveau statut de fiancée royale, S.A.R la Princesse Eden Melwyn Shelley devra faire d’autant plus attention à sa posture et son apparence. Elle se devra de toujours dire où elle se rend et avec qui et ne pourra plus s’occuper elle-même de ses animaux. De plus, une fois le mariage consommé et les enfants nés, ces derniers resteront sous la garde et la protection de leur grand-mère paternelle, Sa Majesté la Reine Awen Lawrence Elanor Gwynfor, et ce, avec accord de S.A.R le Prince Aikon Cunous Riou Gwynfor et du Conseil Royal. Sa lecture à peine finie, elle replie le papier. Les informations tournent dans tous les sens à l’intérieur de mon esprit : qu’il s’agisse de ce que j’ai commencé à apprendre sur les différents peuples et mes origines, ce qu’elle vient de lire, ou bien plus simplement cette décision de me retirer mes enfants à naître. Je lève les yeux vers elle : — Pourquoi ? Elle soupire : — C’est là le compromis qu’Aikon a trouvé pour calmer le Conseil Royal quant à vos fiançailles et le mariage à venir, répond-elle avec franchise. — Si ce n’est que ça, Aikon n’a qu’à se fiancer avec quelqu’un d’autre. L’ombre d’un sourire se dessine sur ses lèvres : — Mon époux, mon fils, ton oncle et moi nous sommes toujours assurés à ce que ta mère et toi bénéficiez d’une protection coûte que coûte. Le meilleur moyen de maintenir cette protection est le mariage. Cependant, cela va vous demander, notamment à toi, de faire quelques concessions. — Il est vrai que céder l’éducation et la garde de ses enfants à quelqu’un d’autre est chose commune, n’est-ce pas ? j’ironise. Un silence suit ma remarque. Calme et bienveillante, les mains croisées sur les genoux, elle me demande : — Tu as eu une discussion avec ta tante, ma nièce et ta cousine, n’est-ce pas ? (J’acquiesce.) Tu sais donc qui est ton père. Le clairon du matin résonne au loin. — Oui et je n’ai rien à voir avec lui. Je me lève ayant hâte de mettre un terme à cette conversation. La Reine m’attrape par le poignet avant que je ne puisse atteindre la porte. — J’ai bien conscience que tu ne ressembles en rien à ton père. Cependant, aux yeux des conseillers et de nombreux autres, tu es la fille de Michael Foley. Ce qui fait de toi une menace. Pour nous tous. ** ** ** ** **
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