Chapitre 1
De loin j’entends ces pas se diriger vers ma chambre comme chaque matin. Ha, cette bonne vieille chambre ! Peut-être devrai-je dire ma prison. Je suis assise là, comme une statue. Devant ces rideaux aussi beau que ceux qu’il y’avait dans les salons de maman. Au loin je regarde les gens dans le jardin de la propriété, ils s’amusent, ils se jettent des pierres légères les un sur les autres mais moi je suis là. Je veux bouger le doigt mais à chaque fois les souvenir de mon passé infernal me reviennent successivement et je me sens faible, abattu, écrasé.
Quelques secondes à entendre ces pas et je vois une maman et une jeune belle fille entrer. Je suis habitué à les voir dans leurs plus beaux éclats chaque matin. Dans leur blouse blanche elle ressemble à des anges, ce sont mes anges. À mon arrivé ici Mirabelle, la plus jeune, n’était même pas encore née. Agnès, la plus âgée, est arrivée quelques années après moi. Tandis que l’une se met à ranger ma chambre, l’autre me conduit dans la salle de bain pour me faire prendre ma douche. Avec le temps, mes parties intimes ne sont plus un problème pour elle. Elle y passe et repasse les mains sans aucune crainte. Elle me soulève les seins déjà en sandale et les rend propre.
Ma douche terminées, elles m’amènent dans la salle à manger où nous sommes toutes assises, attendant nos plats mais pas de la même façon. Pendant que les uns sont dans la joie, d’autres se meurt encore sur leur état. Je suis de celles qui ne font ni l’un ni l’autre, je suis juste comme ça. Entre perdre ma langue et mes capacités à bouger, je dois dire que la foudre de Dieu m’a vraiment frappé. Suis-je coupable de tout ce qui m’ait arrivé ? Ait je causé ma perte ? Tout ce que je sais c’est qu’aujourd’hui je suis une femme environnant soixante ans, vivant dans une maison de retraite depuis maintenant trente-et-cinq longues années. Mon fauteuil roulant est mon meilleur ami et mon lit le suit. Ma vie est une routine perpétuelle, un calvaire à coup sûr mais c’est mieux que mon enfer d’autre fois.
À peine on m’a donné la première bouché de ma nourriture que je sens mes jambes se mouiller, une odeur nauséabonde submerge la salle. La honte m’envahit mais je ne peux l’exprimer. Mes infirmières me conduisent dans ma chambres, puis dans mes toilettes et me refond un petit nettoyage. Elles réussissent à me poser sur le pot où je passe plus d’une heure de temps sans vouloir descendre. La plus jeune essaie de me convaincre de sortir car elle connaît déjà ce que signifient tous mes comportements.
Mirabelle : mais mami, tu dois te lever de là. Les autres ont même déjà oublié ce qui s’est Passé, tu n’as plus à avoir honte.
Je ne peux plus parler mais mon refus de bouger repose sur mon immobilité. Sa collègue tente à son tour mais rien n’est possible.
Agnès : Mami, je te promets que si tu te lèves de là, je t’amènerai visiter le bureau du docteur. Il a même de la visite aujourd’hui.
L’envie de sortir de là ne viendra pas de ci-tôt. Quelques minutes de plus et je sens un sommeil m’envahir. Elles ne m’ont pourtant pas donné de calmement. Des heures plus tard je me réveil dans mon lit, un plat de nourriture sur ma table. Il n’y a personne dans la chambre mais j’entends des voix à l’extérieur. Un homme qui échange avec mes infirmières.
-vous dites qu’elle est ici depuis votre arrivé et qu’elle n’a jamais parlé ?
Cette voix me donne des frissons dans le dos. Je n’ai aucune idée de la raison pour laquelle j’ai autant peur mais je sais que mes vieux démons sont tout proches. Une des deux infirmières lui répond.
Mirabelle : même bouger, elle ne bouge pas. Elle est là comme ça, comme une poupée. Vraiment parfois j’ai envie de pleurer mais je me dis que tant qu’il y’a de la vie il y’a de l’espoir.
Ma jeune et tendre Mirabelle, elle est tellement sensible. Orpheline de père et de mère depuis sa naissance, elle est arrivée dans cette propriété à l’âge de deux ans. On raconte que le jour de leur sortie de l’hôpital à sa naissance, un accident de circulation lui avait arraché ses parents mais elle avait survécu. Son cœur est noble, elle est comme une perle rare. Elle sait pleurer pour les malheurs des autres, elle ne vit d’ailleurs que pour les autres. Après avoir donné ses explications au docteur, Agnès prend la parole à son tour.
Agnès : Docteur, ce qui se passe dans la tête de cette dame c’est qu’elle vit avec ses souvenirs. Elle n’a jamais pu se défaire de ce qui lui ait arrivé par le passé. Elle est arrivé ici quand elle avait vingt et cinq ans, vous vous imaginé ? Elle a déjà fait trente et cinq ans dans cet endroit.
Agnès est une vielle dame très gentille, je me dis que c’est son métier qui l‘oblige à être comme ça. Au fond je ne l’aime pas beaucoup mais elle s’est toujours bien occupée de moi. C’était ma toute première infirmière. Après avoir écouté les deux femmes, le mystérieux homme est sous le choc. De loin j’ai l’impression qu’il va se lamenter plus que les autres.
- ça ne peut pas être possible mon Dieu, pourquoi tous ces malheurs pour une seule personne ? Qu’a-t-elle donc fait pour que toute sa vie soit un désastre ?
Mirabelle : je ne connais pas son histoire, personne ne la connais d’ailleurs. On m’a dit qu’à son arrivé elle parlait un peu mais un jour elle a reçu une visite d’une femme mystérieuse et elle n’a plus jamais parlé.
Ce fameux jour, cette fameuse femme mystérieuse, celle dont je suis le fruit des entrailles. Je lui cracherai au visage avant de mourir. Au bout de quelques secondes, je n’entends plus rien, ils ne sont plus là. Agnès revient me donner à manger en essayant de m’expliquer mon itinéraire de la journée.
Agnès : Mami, il y’a un monsieur qui est arrivé. C’est un psychologue réputé. Il a demandé à être ton docteur pendant une semaine et le docteur Mathias a accepté.
Le docteur Mathias est l’âme de bonne volonté qui a construit cette immense propriété à cent chambres et y a accueilli les personnes âgées abandonnées par leur famille. Cet homme est le samaritain qui s’est trouvé sur mon chemin le jour où j’étais prête à sauter par-dessus bord pour abréger mes souffrances.
Agnès : le but est que tu essais au moins de lui raconter ton histoire pour qu’il voit dans quelle mesure il pourra t’aider. Il s’appelle docteur…
Au moment de dire son nom, on fut interrompu par une autre infirmière de la propriété.
-Désolé de vous interrompre mais le docteur Mathias demande à te voir dans l’immédiat Agnès. Il dit que c’est très important.
Elles s’en allèrent toute les deux, me laissant sur ma faim. Je voulais connaitre qui était ce mystérieux homme qui voulait me prendre en charge. Au bout d’une dizaine de minutes, Agnès revint et me mis sur mon fauteuil.
Agnès : j’espère que tu vas coopérer avec ce docteur. Il est très gentil de vouloir t’aider sans même prendre un sous. Je me demande même pourquoi il fait ça.
Elle me conduit dans la grande cour toute verte. J’ai le droit d’y aller à chaque fois qu’il fait soleil. C’est l’endroit le plus beau de la propriété. En arrivant, je peux remarquer de dos la silhouette d’un homme en costume. Son élégance est à comparer avec celle de mes amans d’autre fois. Il soulève ses mains comme pour essuyer ses yeux avant de se retourner. Son visage me tape à l’œil, il fait de son mieux pour me convaincre que son sourire est sincère mais comme une mère j’arrive à voir qu’il a pleuré. Il vient vers moi et se met à mon niveau, il me touche les mains et je sens mon corps se frigorifier. Je me demande qui est cet homme, qui peut bien être ce jeune garçon ?
Il ne réussit pas à sourire continuellement et se met à pleurer sur mes pieds, il se sent meurtrie. Je me demande s’il pleur de cette façon pour toutes ses patientes. Il semble détruit en me voyant comme ça, nous pleurons ensemble jusqu’à ce qu’il se calme et me calme. Je sens ma bouche se détacher mais les mots ne sortent pas. Il s’assoit sur le ban en face de moi et passe un message à Agnès.
-s’il vous plait madame, allez nous cherchez un cahier vide et un stylo.
Agnès : mais elle ne peut pas bouger ses mains.
-regardez donc comment elle me serre les mains avec les siennes.
Moi-même je n’en revenais pas. Je ne m’étais pas rendu compte à quel moment je m’étais laissé adoucir de cette façon. Agnès revient avec le cahier et le stylo qu’elle laisse sur mes pieds et s’en va. Tenir le stylo est encore un cour à étudier pour moi mais en fin d’après-midi j’y parviens.
-pour le moment je ne vais pas me présenter mami, je veux juste que tu essais de me dire ce que tu ne parviens pas à dire depuis tant d’années. Je veux comprendre ce qui t’ais arrivé.
À chaque fois que j’entendais ces mots j’avais envie de mourir mais rien que pour le plaisir de revoir un jour mon bourreau, je restais en vie. Aucune réaction de ma part, il ne sait pas par quel moyen me faire réagir. Il se retourne pour réfléchir. Par derrière j’écris mes premiers mots.
Moi : tu me fais penser à mon fils, il voulait être psychologue pour aider les personnes comme moi.
Après quelques minutes il découvre ce que je venais d’écrire. Pour se mettre à mon niveau, il se cherche une feuille et un stylo pour me répondre.
-qu’est-il arrivé à ton fils ? Où est-il ?
Moi : je ne sais pas, mort peut-être. Ça fait plus de trois décennies que je ne l’ai pas revu.
-on va faire les choses doucement, on ne va rien booster. Je vais venir chaque matin et on passera la journée ici. Tu vas commencer à me raconter les choses depuis ton enfance jusqu’à maintenant. D’accord ?
Moi : et que vas-tu faire par la suite ?
-je vais t’ouvrir la porte vers de nouveaux horizons.
Moi : toutes mes portes se sont déjà fermé jeune-homme. Il n’y a plus rien pour moi de l’autre côté.
-tu simplifie donc le miracle d’aujourd’hui ? Te voilà qui écrit alors qu’il y’a quelques heures tes doigts ne bougeaient pas.
Moi : mon fils tu es sûr de pouvoir supporter ce que je vais te raconter ? D’où je viens j’ai vu Lucifer et l’enfer. Je suis déjà morte.
-non mami, tu es assise là, tu écris et tu lis ce que j’écris. Je suis ici pour prouver à tout le monde que tu as encore beaucoup à faire sur cette terre. Tu as… Ne perd pas espoir mami
Moi : je ne vis plus que dans l’espoir de revoir la personne qui m’a fait tout ça. Si j’ai encore les yeux ouvert c’est pour la regarder une dernière fois avant de partir.
-de qui parles-tu ?
Moi : de celle qui m’a prêté son ventre pour que je vive. De celle qui m’a prêté les flammes de l’enfer pour que j’y brûle.
-peu importe la raison pour laquelle tu es ici, sache aujourd’hui que tu dois vivre. Je suis sûr que lorsque je te dirai qui je suis, tu voudras de nouveau te lever et marcher. Non pas pour te venger de ce qu’on t’a fait mais pour avancer avec moi.
Moi : je suppose qu’avant tout ça je dois te raconter mon histoire.
-c’est exactement ça Mami
Muriel Essam est mon nom de jeune fille, je viens de là-où on ne connaît pas l’amour d’un père. Je n’ai connu que ma mère. C’est à elle que je dois ce que je suis devenu.
#À_suivre…