Chapitre 2

2052 Mots
« Femme nue, femme noire...Vêtue de ta couleur qui est vie, et de ta forme qui est beauté. » Léopold Sedar Senghor -Mina ! Mina ! Cria Yaye Mariem. Dépêche-toi, nos invités arrivent dans peu de temps. Amina qui n'aimait pas qu'on la presse releva la tête de son livre. Elle était assise sur un tabouret avec sa petite cousine Penda à l'arrière de la cour surveillant sa marmite. Elle devait réviser pour son concours d'infirmière. C'était sa première année et elle avait beaucoup de chose à apprendre. Elle rêvait de devenir un jour sage-femme. Amina adorait les enfants et choisir d'être infirmière était pour elle comme une vocation. -Yaye, pourquoi tu t'inquiètes donc ? Tu sais bien que j'ai déjà tout préparé. Yaye Mariem parlait de la venue de Baba et Racky. Samba défunt mari de Yaye Mariem et Baba étaient les meilleurs amis autrefois. Après le décès de ce dernier, Baba avait toujours fait en sorte que Yaye Mariem ne manque de rien depuis lors. Chaque fois que ce dernier venait à Saint louis, il se faisait toujours un devoir de venir passer la journée chez elle et prendre de ses nouvelles. Baba était là depuis deux jours et il avait promis à Yaye Mariem qu'il viendrait passer la journée chez elle aujourd'hui. Amina s'était levé plus tôt que d'habitude. Accompagnée de sa cousine, elles étaient allées faire les courses de bonne heure. Vêtue d'une tenue en wax fleurie qui soulignait sa forme, elle avait fini la cuisine et attendait patiemment. Elle savait à quel point sa grand-mère se sentait honorer par cette visite. Amina adorait voir Yaye dans cet état. Depuis la mort de son mari celle-ci sortait à peine. Elle passait beaucoup de temps à prier. Elle recevait aussi souvent la visite de ses voisins et la maison était toujours remplie de talibés. Yaye adorait les enfants et elle passait son temps à les choyer. La gentillesse de Yaye était connue dans tout le quartier. Ils n'étaient pas riches mais chaque billet que Yaye avait, elle le partageait avec ses voisins. Yaye Mariem habillée d'un boubou blanc accompagné d'un kala de couleur rose était venue les retrouver à l'arrière de la cour. -Ou sont Amadou et Madina ?demanda-t-elle. Elle parlait de son fils et de sa belle-fille. C'est Penda qui répondit. -Amadou est sortie. Il dit qu'il ne tardera pas et Madina est dans sa chambre. Cette dernière enceinte se sentait de plus en plus lourde et avait du mal à être aussi matinale que les autres filles de la maison. -Yaye ! lui dit Amina; les yeux toujours rivés sur son livre. Est-ce que tu savais que le cœur est la partie la plus importante chez l'Homme, physiquement et moralement. Sans cœur, nous ne pouvons pas vivre et sans amour nous ne sommes rien non plus. Elle regarda Yaye dans les yeux, attendant une réaction. Yaye s'assit sur le banc d'en face. Elle réfléchit un instant et dit. -Certes le cœur est très important chez une personne mais il y'a une chose beaucoup plus importante que le cœur. Amina et Penda s'écrièrent en même temps avec curiosité. -Plus importante que le cœur ? Qu'est-ce que cela pouvait bien être ? -Ecoutez-moi bien et retenez ce que je vais vous dire toutes les deux, leur dit Yaye. L'organe plus important que le cœur et...le cerveau. Les deux cousines se regardèrent et pouffèrent de rire. Yaye qui ne se démonta pas pour autant continua. - Le cœur est important mais le cerveau est vital. Je m'explique : si tu ne suis que ton cœur dans ce monde, tu commettras beaucoup de folies. Si ton cœur ne fonctionne plus, tu meurs et on t'enterre. Par contre si dans ce monde tu n'es pas quelqu'un de futé ou intelligent, tu te laisseras faire et tu en payeras les conséquences. Cela c'est pour le coté moral. Pour le coté physique si ton cerveau ne fonctionne pas , aucune autre partie de ton corps n'aura de l'importance.Tu auras beau être en vie mais cette vie n'aura aucune valeur. Le cerveau contrôle tout. Malheur à celui qui se laisse contrôler par son cœur, ajouta-t-elle. Etonnée par cette explication. Amina sourit quand même à Yaye et accepta. -Nous t'avons comprise. Penda quant à elle dit. -Moi dal, je pense que le plus important chez l'être humain c'est le ventre; parce que sans nourriture tu meurs. Toutes les trois se mirent à rire. -Penda, toi tu ne penses qu'à manger. Dit Amina en riant. Elles furent interrompues par le son de pas précipités. Un enfant couru et entra dans la maison. -Amina, Yaye, ils arrivent! Elles reconnurent Mohamed, le petit talibé (Petit mendiant apprenant le coran ) du coin qui était tout le temps chez eux. Dans une petite ville comme Saint Louis, tout le monde connaissait tout le monde. Yaye et Amina suivie de Penda se levèrent et sortirent. Baba en boubou bleu et Yaye Racky en bazin de couleur se tenaient devant une immense 4x4 blanche. Le chauffeur derrière eux était en train de faire sortir des paquets du coffre. Leurs visages s'illuminerent à la vue de Yaye Mariem. -Comment va ma grande amie? Il s'en suivit des accolades et des salutations à n'en plus finir. Yaye de son côté les accueillie avec beaucoup de chaleur. -Entrez, entrez! Vous êtes chez vous. Prenez place. Amina et Penda s'avancèrent aussi pour saluer. Baba qui porta son regard sur Amina fut agréablement surpris. -Comment ça Amina ? C'est toi qui es là ? Tu as grandie et tu es bien belle. Et toi donc Penda ? Eh bien, dit Baba en remuant la tête, je pense qu'on se fait vieux maintenant. Vous êtes bien grandes maintenant. Baba les embrassa chaleureusement. - Penda, je me rappelle encore que lorsque je t'appelais ma petite chérie tu pleurais refusant de manger. J'espère qu'aujourd'hui tu ne vas pas te fâcher ? Celle-ci se mit à rire et hocha la tête timidement. Amina s'arrêta pour embrasser Yaye Racky avec beaucoup de chaleur aussi. Ils entrèrent tous dans le salon suivie des paquets de cadeau que Yaye Racky avait apporté. La maison de Yaye Mariem n'était pas grande mais sa convivialité et sa chaleur vous mettez à l'aise immédiatement. -Prenez place, je m'en vais de ce pas vous amener à boire, dit Amina. Elle avait une voix douce et agréable. Une fois les invités installés. Elle sortit lentement suivit de Penda, le regard de Baba toujours posé sur elle. Amina aidée de Penda s'affaira dans la cuisine. Quand elle entra dans le salon, elle les trouva en pleine conversation. Cela faisait au moins deux ans qu'ils ne s'étaient pas vus. Yaye Racky était en train de donner des nouvelles de la famille. Amina les servie à boire et sortit aussi discrètement qu'elle n'était entrée. Elle s'arrêta devant la chambre de son oncle Amadou. Elle frappa et une voix lui répondit d'entrer. -Bonjour Madina, salua-t-elle avec bonne humeur. Comment te sens-tu? Tu veux venir manger avec nous ou bien tu préfères que je t'enlève ta part? -Je vais beaucoup mieux. Non ça ira. Je vais sortir vous rejoindre dans un moment. Amadou dit qu'il ne va pas tarder. J'arrive pour saluer les invités de Yaye. Tu as besoin d'aide? -Non, on a déjà fini. Ne t'inquiète pas pour nous. Amina avec sa gentille habituelle, ne voulait en aucun cas que Madina  fasse un effort dans son état. Amina avait beaucoup de respect pour Madina et la prenait comme une grande sœur, malgré le fait qu'elles avaient à peu près le même âge. Madina était plus âgée qu'elle de trois ans à peine mais avait déjà endurée beaucoup de souffrances. Elle avait quitté une famille pauvre et s'était mariée pour échapper à son sort. Fille d'un père polygame qui la battait, elle s'était retrouvée à la porte de Yaye un soir en pleure. Yaye Mariem avait alors insisté pour qu'Amadou la ramène chez ses tuteurs. Quelques mois après cette rencontre, Amadou avait décidé de l'épouser. Amina se dirigea vers la cuisine ensuite. Elle était en train de nettoyer les plats à servir lorsque Mohamed, le talibé qui les avait prévenu de l'arrivée de Baba et Racky entra dans la cuisine. Il était vêtu d'un short et d'une chemise déchirée de partout. Il avait aux pieds des chaussures en plastique qu'Amina lui avait acheté au marché un jour. Il prit son pot de tomate ou trainait des pièces et du sucre et le posa au coin de la cuisine. -Amina tu sais quand je serais grand, je conduirais une voiture comme celle que Baba a amené. Elle se mit à sourire et le regarda. - Inchallah! J'aime beaucoup ton ambition Mohamed mais pour cela promet moi que tu continueras à aller à l'école et que tu n'auras que des bonnes notes. -Oui, bien sûr. C'est promis. Et un jour je viendrais aussi demander ta main. Amina arrêta son geste. Elle le regarda de ses gros yeux noirs en forme d'amande et cette fois ci éclata de rire. Elle fit mine de se fâcher. - Mohamed, tu m'imagines t'attendre ? Tu n'as que 7 ans. D'ici là je serais vielle, tu ne voudras même plus de moi. Pris plutôt pour que d'ici la fin de l'année Moise vienne demander ma main. Amina sortait avec Moise depuis quelque temps. Il n'habitait pas loin de chez elle. Il l'avait suivi à maintes reprises et après plusieurs refus avait finalement accepté de lui donner une chance. Personne dans la maison n'était au courant de leur relation à part Penda et Madina. Amina était belle. Elle avait une belle peau noire et lisse. De taille moyenne, son regard était languissant et interrogateur. Elle avait un visage jovial et des dents blanches. Ses lèvres pulpeuses lui donnaient une sensualité naturelle. Amina avait cette grâce et élégance discrète. Elle faisait tourner la tête de plusieurs jeunes du quartier, mais elle ne leur prêtait guère attention. Simple par nature, Amina n'avait même pas conscience de sa beauté. Elle avait toujours préféré se concentrer sur ses études. Sa forme généreuse qu'elle essayait tant bien que mal de cacher derrière des habits amples était la cerise sur le gâteau. Amina était tout simplement une Saint Louisiennes digne de ce nom. Elle n'avait rien à envier à ses mannequins que l'on voyait à la télé. -Non! répondit strictement Mohamed qui se fâcha. Jamais ! Je dirais à Yaye de refuser. Je ne pense pas que Moise soit fait pour toi. Ce qu'Amina ignorait, c'est que Mohamed en tant que talibé rentrait dans toutes les maisons. Il avait ainsi beaucoup d'informations qu'il gardait secret. Il avait des raisons de ne pas croire en l'honnêteté de Moise. Elle se mit à le poursuivre. Quel petit effronté. -Attend que je t'attrape. Je vais confisquer ton pot tu verras. Mohamed en profita pour fuir. Amina servit le repas. Elle avait préparée un bon riz au poisson à la Saint Louisienne comme elle aimait préciser. Amadou et Madina les rejoignirent à l'heure du repas. Ils mangèrent tous ensemble dans la bonne humeur. L'après-midi se passa agréablement. Apres la prière de takoussane (Prière de l'après-midi), Baba se leva et signala le départ. -Il est temps que l'on parte. Merci encore pour cet accueil. - Il ne nous restes plus que quelque jours ici mais ce serais un plaisir de vous avoir à Dakar. Dit Yaye Racky. N'est-ce pas Penda et Amina ? Elles acquiescèrent de la tête.  -Oui ce sera un plaisir pour nous aussi, répondit Amina. Ils se levèrent tous ensemble et sortirent le cœur lourd. Comme à l'allée, les salutations d'aurevoir n'en finirent plus. Baba s'adressa à Yaye Mariem. -Passe nous voir ce soir, il faut que l'on discute. Yaye Mariem acquiesça de la tête. -Bien sûr, ne t'en fais pas mon cher ami. Je passerais te voir. Baba et Yaye Racky finirent pas monter dans leur voiture et s'en allèrent. Yaye Mariem resta dehors jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus apercevoir la voiture devant elle. Elle avait remarqué un changement chez Baba mais ne savait pas en quoi il consistait. Elle ne s'inquiéta pas pour autant. Elle savait qu'elle en aurait la confirmation ce soir.
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