PROLOGUE
***BÉSSÉ GALLAY SOW
Oh zut !
Je vais encore être en retard au boulot rék.
En plus en tant que secrétaire bon sang !
Après le chef, c'est elle qui doit donner le bon exemple non ?
Mais me voilà en retard comme une débutante.
Même si je sais que ce n'est pas grave puisque le boss est mon petit ami, mais c'est juste que je ne dois pas en abuser quand même.
Boff d'autant plus que les embouteillages sont affreux, les débuts de semaine.
Bref......
Je me dépêche de me préparer avant de quitter mon appartement situé au bord de la route à Parcelles Assainies U4. Je n’ai pas le temps de prendre mon petit-déjeuner, ni même de dire au revoir à mes parents.
Je jette un coup d’œil à ma montre et je me rends compte que je suis déjà en retard de vingt minutes. Je sors en trombe et je cherche un taxi qui accepte de m’emmener à mon lieu de travail. Une fois trouvé, je m’y engouffre sans même marchander le prix.
C'est en courant que je pénètre dans les locaux de HOLDING AÏDARA, l’une des plus grandes entreprises agroalimentaires du pays. J'ai même failli manger le sol à cause de mes longs talons.
Essoufflée, je pose mon sac à main sur mon bureau et prend la bouteille d'eau que je bois d'un trait.
-Wa diank tamit fo maré ni ? (Mais ma belle pourquoi tu bois autant d'eau si tôt le matin ?) Me dit Samira, ma collègue en venant vers moi avec des paperasses sur la main.
-Khana daw bou méti rék (J'ai couru presque tout le chemin), répondis-je spontanément.
-Aujourd'hui mom t'es gravement en retard. Même le boss qui avait l'habitude de venir après tout le monde est arrivé avant toi, et je crois qu'il n'est pas dans son assiette aujourd'hui.
-Hum d'accord. Merci de me le dire. Comme ça je n'aurais pas à supporter ses crises.
Elle s'en va en me souriant tout en secouant la tête. Je ne comprenais pas sa réaction; j'espère qu'elle n'est pas au courant de la relation que j'entretienne avec Abdoul (le boss).
Abdoul Khadr est le grand chef de cette entreprise agroalimentaire. Bien vrai qu'il dégage un charme hors norme, il est très stricte dans tout ce qu'il fait.
Ça fait un an et demi qu'on se la coule en douce sans que personne ne soit au courant.
Ils croient tous qu'on est patron-secrétaire et ça me va comme ça.
Pour l'instant bien-sûr.
J'attends deux minutes avant d'aller le voir. En baissant le loquet, je l'entends crier:
-QU'EST QUE JE T'AVAIS DIS SAMIRA ? JE NE VEUX PAS QU'ON ME DÉRANGE.....
-C'est moi, l'interrompis-je.
Il était de dos à moi, posté devant la baie vitrée à regarder la ville de Dakar, mains dans les poches. Il avait porté une chemise blanche immaculée dont les manches étaient retroussées. J'avance vers sa direction et l'enlace par derrière.
-Chérie lane la ? Qui t'as mis de si mauvaise humeur ?
Il se tourne en me serre dans ses bras. J'hume son parfum si enivrant qui me titiller les narines.
-Je t'attendais bébé. Heureusement que t'es venue.
-Tu sais que je serai toujours à tes côtés honey. Je t'aime éperdument. Lui affirme-je.
-Moi encore plus. N'en doute jamais. Fit-il en me serrant encore fort.
Je souris. Après, il se détache de moi et s'empare de mes lèvres. Il m'embrasse langoureusement, amoureusement, sensuellement mais surtout avec tact. Nos langues étaient en parfaite harmonie. Heureusement que j'avais acheté un bonbon menthe pour donner de la fraîcheur à ma bouche.
Je l'aime cet homme ! Comme il peut me faire effet et ça juste pour un simple toucher ou regard braiseux.
Notre b****r n'a duré que quelques secondes avant que je le repousse doucement pour pouvoir respirer correctement.
-Maintenant, dis-moi ce qui se passe ? Demandai-je en prenant un air sérieux.
Il perd aussitôt son sourire scotché sur ses levres avant de contourner la table pour aller se poser sur sa chaise, la mine troublée. Je le rejoins et m'assois sur ses genoux en caressant sa tête avec mes faux ongles pointus.
-Hier, j'ai parlé avec ma mère de nous, confia-t-il déconcerté.
-Hum. Et ?
J'ai commencé à sentir des bouffées d'air dans tout le corps. Même le clim qui était allumé ne m'aidait nullement. J'arbore quand même un sourire jaune pour lui donner de la contenance.
-Je lui ai fait part de ma volonté de t'épouser et...
-Watal ! (Jure !) T'es sérieux ? Le coupai-je, surprise et émue.
Il hoche la tête.
-Oh my God, c'est génial ça ! Je vais devenir madame Aïdara pour de vrai. M'exclamai-je enthousiaste.
J'étais aux anges. Le simple fait de savoir que je vais être celle qui partagera le restant de sa vie rek me faisait frémir.
Mais en voyant sa mine nerveuse, je stoppe mon sourire. Quelque chose n'allait pas. Il y avait un hic.
-Pourquoi tu affiches ce visage alors ? T'es pas content ?
-Si si... mais... euh... c'est que... elle voudrait que je prenne ma cousine comme première femme avant toi.
Choc ! Je me lève subitement en ayant les yeux écarquillés. C'est comme si on venait de me verser un verre d'eau glacée d'un coup.
L'information refusait carrément d'entrer dans mon cerveau. Il y avait comme un dysfonctionnement du système nerveux.
J'étais là, debout comme une demeurée, ne sachant pas comment réagir.
-Dis quelque chose s'il te plaît. Me dit-il.
Je prends mon courage à deux mains pour lui poser la question qui me brûlait les lèvres depuis tout à l'heure.
-Et... toi qu'est-ce que tu as décidé de faire ?
Ma voix était enrouée, démontrant clairement que mes larmes allaient tomber sous peu. Et la phrase qu'il m'a servie a été la goutte qui a fait déborder le vase.
-J'ai accepté.
J'ai accepté ! J'ai accepté ! J'ai accepté !
Ces mots résonnaient dans ma tête comme un coup de tonnerre. Je sentais mon cœur se briser en mille morceaux.
Comment pouvait-il me faire ça ?
Comment pouvait-il accepter d'épouser une autre femme avant moi ?
Comment pouvait-il me trahir ainsi ?
Je recule de quelques pas, les yeux remplis de larmes. Je le regarde avec un mélange de colère et de déception. Je n'arrive pas à croire qu'il ait pu me faire une chose pareille. Je n'arrive pas à croire qu'il ne m'aime pas assez pour me choisir moi et moi seule.
Je lui lance un regard noir avant de sortir en claquant la porte derrière moi.
À peine arrivée dans mon bureau, que je me laisse allé contre la porte renfermée derrière moi.
J'ai craqué !
Assise à même le sol, je laisse cours à mes larmes, ruisselant sur mon visage. Je repense à son dernier mot et je n'ai pas pu m'empêcher d'avoir un sourire amer. Très amer.
Il va épouser une autre, le toucher, le chérir, le dorloter, et j'en passe avant de pouvoir m'épouser moi Béssé Gallay.
Certes il a le droit mais je ne peux tout simplement pas accepter cela. Pas après tout ce qu'on a vécu.
De surcroît, personne, je dis bien personne de notre famille n'a été deuxième femme alors ça ne va pas commencer avec moi.
Ah ça JAMAIS.......
Je prend mon sac pour en extirper un bout de papier et un stylo. J'inscris quelques mots dessus avant de sortir pour rentrer.
***ABDOUL KHADR AÏDARA
Mal serait bien un petit mot pour décrire mon état actuel. Je me sens comme asphyxié depuis que j'ai donné mon aval à ma mére.
____Flashback____
Je venais tout juste de finir de prier Icha quand mon téléphone sonna. C'était ma reine.
-As Salam'Anleykum yaye ! Dis-je en égrenant mon chapelet.
-Wa'Anleykum Salam Aïdara. Comment ça va?
-Ça peut aller al-hamdoulilah. Et toi ? Ana wa keur gui ? (Comment va la famille ?)
-Nieupe ngui sante Yalla bou baxx ! (Nous rendons grâce à Dieu). Abdoul pourquoi t'es pas venu me répondre samedi passé? Accusa-t-elle à brûle-pourpoint.
Je secoue la tête exaspéré. Je m'attendais bien à cette question.
-Maman j'avais eu un empêchement très important motax. Et je n'ai pas pu me libérer à temps. Dis-je accompagné d'un “Astaghfiroulah” au fond de moi.
-Est-ce que tu peux être occupé au point de ne pas venir me répondre moi ta mère ? loe loula dal Abdoul. Da ngua xam louma la done doyé ? Admonesta-t-elle.
(Qu'est ce qui t'arrive Abdoul ? Savais-tu ce que je te voulais ?)
-Désolé yaye. Je passerai demain insha'Allah.
-Ce n'est pas la peine. Tu sais très bien ce que je veux te dire, et tu fuis la discussion comme la peste ! S'emporta-t-elle.
Shili mérr na nak (elle est fâchée ).
Franchement ma mère est comme une fillette de cinq ans. Pour un simple oui ou non, elle le dramatise comme pas possible. Alors qu'elle est mére de trois enfants ! Trois s'il vous plaît.
Pfff !
Aujourd'hui si j'ai préféré m'éloigner du nid familial et avoir mon petit chez moi c'est à cause d'elle. Elle n'arrête pas de fouiner son nez partout malgré mes incessants interdictions. Je comprends qu'elle veuille nous protéger mes sœurs et moi mais y'a des limites quand même.
Je déteste au plus haut point les mensonges, mais ce samedi-là, je ne pouvais pas aller dans notre maison familiale car j'étais sorti dîner avec Béssé.
C'était une soirée romantique, avec des bougies, de la musique douce et des plats succulents. Mais ça je ne vais pas le lui dire hein, sous peine d'écoper des insultes salées.
D'autant plus, depuis que je leur ai présente, je vois bien qu'elle garde un dent contre elle qu'elle camoufle tant bien que mal.
Des fois quand je l'amène a la maison pour lui rendre visite, ma mere est ou du moins essaie d'être gentille avec elle.
Mais je vois bien son regard froid et son sourire forcé. Et je n'aime pas du tout cet air d'hypocrisie que je vois sous mes yeux.
Et...je ne sais pas pourquoi mais j'ai la nette certitude qu'elle ne l'aime pas tellement. Ce que je trouve complètement débile. Béssé est une fille adorable, intelligente et belle. Elle me rend heureux comme personne.
-Abdoul t'es là ? Entendis-je m'interrompant dans ma rêverie éveillée.
-Oui oui. Tu disais ?
-low kay nekofi. Tu rêves de Hawa khana ? Demanda-t-elle pince rire.
Je roule les yeux accompagné d'un soupir qui en disait long.
-Maman arrête de me parler d'Hawa s'il te plaît. Tu forces trop les choses iow tamit (toi aussi).
-Forcer ? Je ne force rien ici. Abdoul, Hawa est ta cousine. Tu ne peux la détester. Et je te rappelle que je campe toujours sur ma position au cas où tu l'aurai oublié.
-Quelle décision Maman ? M'emportai-je un peu. Quelle décision ? Écoute Maa, moi je t'ai déjà dit ce qu'il en ai de cette relation consanguin. Hawa est comme ma sœur rien de plus. En plus j'aime Béssé...
-Ne me parle pas de Béssé ! C'est elle qui te détourne du droit chemin ! C'est elle qui t'empêche de voir la perle que tu as sous les yeux ! Hawa est la femme qu'il te faut, Abdoul ! Elle est pieuse, sage, respectueuse et issue de notre famille ! Tu ne peux pas laisser passer cette chance ! Tu dois l'épouser, c'est mon dernier mot ! Me coupa-t-elle avec véhémence
-QUOI ? Dis-je stupéfait. Mais tu réalises ce que tu dis, maman? Et Béssé dans tout ça ? Tu veux que je la trahisse ? Jamais je ne ferai ça.
Je m'étais levé du lit à une vitesse hallucinante. Je n'en croyais pas mes oreilles.
-Je me moque de cette laobé. Tu peux l'épouser si tu veux, je n'ai aucun problème avec ça, mais elle ne sera pas ta première femme, en tout cas. Et Abdoul, ne me fais pas un scandale. Je t'ai dit ce que j'avais à te dire et je ne reviendrai pas en arrière. Tu vas épouser Hawa, que tu le veuilles ou non, sinon...
-Sinon ? Demandal-je.
-Dina dogog ioe aduna ak alakhira kone bolési dila reub sa bouma kheuyé ba banguay déé ! Té dou may sa ndeye té yalla dou nénal samay wakh
(Je vais te renier dans cette vie et dans l'autre. Et je vais te maudire tous les jours jusqu'à ta mort. Je suis ta mère et Dieu ne va jamais ignorer mes paroles).
-Tu oserais vraiment me faire ça ? A moi ton fils unique ?
-Peu importe ! C'est à toi de choisir.
Quand je vous dis que ma mère n'aime pas Béssé, ce n'est pas du vent. Maintenant j'en suis sûr.
J'ai toujours su qu'elle pouvait être ferme dans ses décisions, mais de là à jouer les mères autoritaires avec moi, je suis surpris.
Comment une mère qui dit aimer son enfant peut lui imposer une telle chose?
Comment peut-elle choisir ma partenaire et ME FORCER à l'épouser ?
Si ce n'est pas de la pure méchanceté, dites-moi ce que c'est ?
Je suis au bord du précipice. Un seul mot pourrait changer ma vie en bien, si je pouvais être avec celle qui fait battre mon cœur : mais un seul mot pourrait aussi bouleverser mon existence, car sans ma reine je ne suis rien.
-Je t'écoute. Et réfléchis bien à ce que tu fais, car ta décision pourrait...
-J'accepte.
-Pardon ? Nguani ma lane ?Qu'as-tu dit ?
-J'ai dit que j'accepte.
-Al-hamdoulilah ! (Louanges à Dieu !) C'est tout ce que je voulais entendre. Moi je ne veux que ton bonheur, mon fils, c'est pourquoi je me comporte comme ça avec toi.
Mon bonheur est avec cette laobé, faillis-je lui dire, mais je me suis retenu. De toute façon, elle ne comprendrait pas, comme personne d'ailleurs.
-Je vais te laisser. Il faut que je prie, mentis-je.
-D'accord Aïdara Karara. Je te laisse alors. Que Dieu te protège !
Une fois raccroché, je donne un coup de pied et deux coups de poing violents sur le mur. Ma main devient rouge et saigne. J'avais mal, oui, mais ce n'était rien comparé à ce que je ressentais. Ma mère m'a vraiment déçu.
Mais dans toute cette histoire, je pense à celle qui est concernée. Comment vais-je lui dire que je ne vais pas l'épouser ?
Comment vais-je m'y prendre, nom de Dieu?
Je ne sais pas quoi faire ni vers qui me tourner.
Troublé, je le suis.
Je me dirige vers la salle de bain et désinfecte mon poignet avant de sortir pour me vider la tête. Et en même temps, réfléchir à la manière dont je vais annoncer cette mauvaise nouvelle à ma “future ex”.
___Fin du flashback___
C'est un coup discret à la porte qui me tire de mes pensées.
-Entrez !
Je fais face à mon comptable, Samira. Elle a l'air gênée de me déranger.
-Excusez-moi encore, monsieur, de vous déranger, mais votre partenaire est là.
-Partenaire ? Demandai-je intrigué avant de me rappeler que j’avais une réunion.
Je lâche un juron discrètement.
-Vous auriez dû me prévenir plus tôt, mademoiselle Tall. M’agaçai-je.
-Désolée, mais je vous ai appelé à plusieurs reprises sur votre téléphone fixe, mais vous ne répondiez pas. Se justifie-t-elle.
Alors là, je devais vraiment être plongé dans mes pensées pour ne pas entendre la sonnerie. Lou raw khalat sakh nako def, lii !
Je soupire d'exaspération en prenant ma veste et mes clés.
-Reportez tous mes rendez-vous. Je n'ai pas la tête à travailler aujourd'hui. Je crois que je vais rentrer.
-Très bien, monsieur. Mais...mademoiselle Sow m'a demandé de vous remettre cette note. Elle est partie.
Elle me tend un papier plié en deux que je saisis du bout des doigts avant de sortir de la pièce. Soudain, un mélange de sentiments m'envahit. Mais c'est la peur qui domine. Les mains légèrement tremblantes, j'ouvre doucement le papier.
"Qu'importe la promesse que tu fais à ta mère, sache que jamais je ne vais te laisser te marier avec une autre que moi.
Mane ak ioe liko teug tassouko. Toi et moi c'est pour la vie et ça tu vas le bientôt en être sûr”.
Instinctivement, je souris bêtement et je me sens soulagé. Je m'attendais au pire.
Je savais qu'elle n'abandonnerait pas si facilement, même si je ne sais pas encore ce qu'elle compte faire.