Journal de Comtois

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Journal de ComtoisJe me trouve dans une position bien désespérante, qui est de m’ennuyer à mourir dans ce pays barbare et de ne pas savoir combien de jours encore il faudra y rester. Voilà le baron de West, qui était parti pour vingt-quatre heures à Lyon, et qui, sur son retour, s’arrête à Vienne, retenu, disent ses gens, par des affaires désagréables. Il paraîtrait qu’il a de grands embarras de fortune. On ne comprend rien à la fantaisie de mon maître, qui, au lieu de se rendre à Vienne pour causer avec son ami, comme il paraît s’y être engagé, aime mieux continuer à l’attendre ici. Après ça, c’est peut-être la peur que j’en ai qui me fait parler, car il ne me fait pas l’honneur de me dire ses volontés. Mais il avait tout de même un drôle d’air en me disant, ce soir : « Comtois, vous me ferez blanchir six cravates. » … Monsieur est de plus en plus singulier. Il est dehors toute la journée, et à peine fait-il jour qu’il se remet en campagne. Il ne chasse pas, il ne fait pas d’herbiers, il ne court pas les filles de campagne, car on le saurait déjà, et on le rencontre toujours seul. Enfin, il m’est venu une idée qui me tourmente : c’est que monsieur, avec son air distrait, est peut-être fou. Pour or ni argent, je ne resterais au service d’un fou quand même je devrais l’abandonner sur un chemin. Je ne suis pas égoïste, mais la vue d’un homme sans raison me cause une peur qui m’a toujours empêché de boire. Je vais écrire à ma femme de m’envoyer de ses nouvelles ici ; ça forcera bien monsieur de me dire où nous allons, quand il sera question de faire suivre les lettres.
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