1 mètre 50

Chapitre 14 : Le Poids des Secrets

Les jours s'étiraient, emplis de cette même lenteur inévitable. Léa, malgré ses apparences, ne parvenait plus à cacher complètement son épuisement. Dylan faisait tout ce qu’il pouvait pour alléger ses journées, mais il savait que, au fond d’elle, Léa se sentait toujours prisonnière de ce tourbillon de pensées et de doutes qui l’assaillait.

Ce matin-là, elle se leva tôt. C’était devenu une habitude, se lever avant l’aube pour se retrouver seule avec ses pensées. Elle se dirigea vers la fenêtre, fixant la vue, l’esprit noyé dans une mer de réflexion. Cela faisait quelques jours qu’elle avait l’impression qu’il y avait quelque chose de plus lourd qu’elle portait. Une sensation qu’elle avait tenté d’ignorer, mais qui commençait à devenir insupportable. Un secret qu’elle avait gardé pour elle, quelque chose qu’elle n’avait jamais osé partager avec Dylan.

Elle se sentait coincée, prisonnière de son propre silence. Ses mains tremblaient légèrement alors qu'elle caressait la surface du verre, cherchant une réponse qu’elle ne savait pas comment formuler. Le secret qu’elle cachait à Dylan ne concernait pas sa maladie, ni même son passé douloureux, mais quelque chose d’encore plus intime.

Ce secret avait été enfoui pendant des années, trop longtemps. Il avait grandi en elle, dévorant ses pensées, mais à chaque fois, elle s’était convaincue que c’était mieux ainsi, qu’il était trop tard pour le dire. Et pourtant, maintenant, avec Dylan à ses côtés, elle ne pouvait plus ignorer cette vérité qui la dévorait.

Elle savait que, tôt ou tard, elle devrait lui en parler. Il méritait de savoir. Mais comment lui avouer sans le briser ?

Lorsque Dylan entra dans la pièce quelques minutes plus tard, un sourire fatigué mais sincère sur le visage, elle sentit un pincement au cœur. Il n’était pas encore au courant, mais cela ne durerait pas. Elle se tourna vers lui, une question brûlante dans les yeux. Il la regarda, légèrement surpris, avant de s’approcher d'elle.

"Tu es là depuis longtemps ?" demanda-t-il en la rejoignant, sa main venant doucement se poser sur son épaule.

Elle hocha la tête sans répondre immédiatement. Le poids de ses paroles restait coincé dans sa gorge. "Dylan…" commença-t-elle, hésitant. "Je… il faut que je te parle de quelque chose."

Son cœur battait plus fort. Il se pencha légèrement vers elle, inquiet. "Quoi, Léa ? Tu sais que tu peux tout me dire."

Elle inspira profondément, cherchant la force de formuler ce qu’elle redoutait. Ses yeux se baissèrent, incapables de soutenir son regard. "Je… je n’ai pas été complètement honnête avec toi. Il y a quelque chose que je n’ai jamais voulu te dire, et je crois que… je crois qu’il est temps de t’en parler."

Dylan la fixa, sa propre inquiétude croissant à mesure qu’elle parlait. Il se redressa légèrement, attendant, mais son expression trahissait une légère nervosité.

"Il y a des choses dans mon passé… que j’ai toujours gardées secrètes, des choses que j’ai peur de te dire. Mais je ne peux plus vivre avec ce poids, je ne peux plus te cacher ça."

Les mots se bloquèrent dans sa gorge, mais Dylan, sentant sa détresse, s'approcha et la prit dans ses bras. "Léa, je suis là. Tu peux me dire tout ce que tu veux. Peu importe ce que c'est, on fera face à ça ensemble."

Elle se détacha légèrement de lui, le regardant enfin dans les yeux, cherchant dans ses yeux la force qu’elle n’arrivait pas à trouver en elle-même. "Je… je ne t’ai pas tout dit sur ma maladie, Dylan. Ce n’est pas juste la situation actuelle… il y a quelque chose de plus. Quand je t’ai dit que je n’avais plus beaucoup de temps, je… je n’ai pas tout dit."

Dylan se figea, ses bras se desserrant légèrement autour d’elle. "Que veux-tu dire par là ?"

Léa se mordilla la lèvre inférieure, cherchant les mots justes. "Il y a quelques mois, avant que l’on se rencontre, j’ai fait une recherche génétique. Ils ont trouvé une mutation rare, quelque chose que même les médecins n’ont pas pu bien expliquer. C’est cette mutation qui a déclenché tout ça…"

Les mots restèrent suspendus dans l’air, lourds et accablants. Dylan la regarda un instant, son esprit essayant de traiter ce qu’elle venait de lui confier. "Attends… tu veux dire qu’ils savent ce qui te rend malade ?"

Elle hocha la tête, mais la tristesse qui envahissait ses yeux lui faisait mal. "Oui, mais il n’y a rien à faire. C’est une maladie génétique progressive, et elle m’affecte lentement. Je l’ai su bien avant que l’on se rencontre, mais je n’ai jamais voulu t’en parler. J’ai eu peur que tu me vois différemment."

Dylan prit une grande inspiration. Tout à coup, la pièce sembla se refermer autour d’eux. Il avait toujours su qu’il y avait quelque chose de plus dans cette histoire, quelque chose qu’elle cachait. Mais l’ampleur de ce qu’elle venait de dire le paralysait.

"Léa…" murmura-t-il, presque sur un ton désespéré. "Tu… tu m’as menti ?"

"Non, je n’ai pas menti", répondit-elle précipitamment, ses mains se tordant nerveusement. "J’ai juste… gardé le silence. Parce que je savais que si je te le disais, tu te sentirais obligé de tout changer, de me sauver, et je ne voulais pas ça. Je ne voulais pas te donner de faux espoirs. Je ne voulais pas que tu sois coincé avec quelqu’un qui… qui ne va pas survivre longtemps."

Dylan sentit son cœur se serrer. La douleur dans ses yeux, dans sa voix, le frappait de plein fouet. Il s’éloigna légèrement, en proie à une tornade d’émotions contradictoires. Comment avait-elle pu porter ce fardeau toute seule, sans jamais lui dire ? Il se sentait trahi, mais pas dans le sens où il avait été trompé. Il se sentait trahi par la situation elle-même, par l’injustice de tout cela.

"Tu… tu as voulu me protéger ?" dit-il d’une voix brisée.

"Oui," répondit-elle, ses yeux remplis de larmes qu’elle avait essayé de retenir. "Mais je ne voulais pas que tu te sentes obligé de me sauver. Et je ne voulais pas que tu restes avec moi par pitié."

Dylan ferma les yeux un instant, respirant profondément. Puis il se tourna vers elle, un faible sourire apparaissant sur ses lèvres. "Léa, je suis avec toi parce que je t’aime. Et si ça veut dire traverser tout ça à tes côtés, alors je le ferai. Parce que toi, tu n’es pas un fardeau pour moi. Tu es tout ce que je veux."

Elle le regarda, surprise et émue. Elle n’avait jamais imaginé que ses aveux pourraient le rapprocher encore plus d’elle. Pourtant, en cet instant, elle comprit que son secret, aussi lourd qu’il fût, n’avait pas le pouvoir de les séparer. Ensemble, ils pourraient tout affronter.

Et même si l’avenir restait incertain, ils avaient une chose précieuse : l’un l’autre.