Chapitre 4

1331 Mots
Chapitre 4 . de fin 2006 — à fin 2007. Quelques mois avant mon 18e anniversaire, le malheur s’est abattu sur notre famille. Mary, ma chère Mary, ma grande sœur bien aimée mourut d’une hémorragie pulmonaire dans la nuit. Voilà cinq années qu’elle n’allait pas bien comme aimait à le répéter maman. Le docteur qu’on allait voir très souvent ne savait pas vraiment ce qu’elle avait. Un temps, le toubib avait craint d’abord une anémie. Une leucémie. Puis une sclérose en plaques. Maman était affolée. Elle allait plus que de coutume se réfugier dans la prière. Depuis tout petit, on avait coutume avec elle, à genoux au pied du lit de prier avant de se coucher. — Pour que les anges et Dieu vous gardent et protègent notre famille, disait-elle. Nous, les trois enfants, obéissants, on faisait ce qu’elle demandait. C’est vers ma douzième année que Mary commença à être patraque. C’était peut-être à ce moment-là que je m’aperçus que les prières, les messes le dimanche semblaient ne pas être entendues. Ne pas être suivies d’effet. Pourquoi les anges gardiens ne nous gardaient-ils plus comme avant ? Pourquoi délaissaient-ils Mary ? C’était la plus gentille de nous trois. La plus affectueuse envers nos parents. Avait-elle donc fait quelque chose de mal ? Commis de graves péchés ? Je n’arrivais pas à le croire. Pourquoi Dieu à qui nous continuions d’adresser nos prières, nos confiteor, nos Salve Regina semblait-il soudain être sourd à nos demandes ? Pourquoi, s’il était insensible à nos prières, l’était-il à celles d’une mère très pieuse ? Ce fut à cette époque, qu’insidieusement le doute me prit. Et s’il n’y avait pas d’anges gardiens ? D’ailleurs, à y bien réfléchir, je m’étais toujours demandé comment ces êtres pouvaient voler avec des ailes si grandes qu’elles touchaient presque par terre. Ils devaient avoir des muscles dorsaux terriblement puissants ! Je les aurais plutôt vus avec des ailes accrochées aux bras. Comme les chauves-souris. Comme Icare. Si je mettais en doute leur existence, je n’osais pas en parler avec mère, encore moins avec le prêtre. Qui aurait immédiatement tout répété à maman. Ce qui lui aurait fait beaucoup de peine ! Mary n’allait pas mieux loin de là. Elle s’affaiblissait chaque année un peu plus. Maman ne venait plus depuis que Paul et moi nous étions grands, dans notre chambre pour prier avec nous. Si Paul récitait toujours consciencieusement le « Notre Père », moi, je marmonnais. Trois à quatre mois avant que son âme ne montât au paradis, Mary se mit à tousser. Des quintes d’abord espacées, puis plus nombreuses qui la faisaient souffrir. Certaines fois, elle macula son mouchoir de quelques gouttes de sang. Elle essaya de le cacher, mais Paul qui n’avait pas toujours les yeux dans sa poche la surprit et « cafta » tout aux parents. Mère affolée pensa tout de suite à la tuberculose. Le toubib pencha plutôt pour un début de pneumonie. Médicaments sur médicaments. Cela sembla faire son effet. Mais pas longtemps. Elle décéda d’une infection aigüe des voies respiratoires inférieures, termes techniques pour mentionner les poumons ! — Les symptômes ne sont pas toujours faciles à identifier, nous avait dit le médecin. C’est même la maladie qui arrive en 4e position pour le nombre de décès parmi les maladies les plus mortelles d’après l’OMS. Ça nous faisait une belle jambe ces explications ! J’ai piqué une colère effroyable contre Dieu, les anges et tous les Saints, qui a laissé mes parents consternés. Pas longtemps, car mon père a réagi très vite et m’a rossé copieusement quand ma mère prise d’une crise de nerfs pour ne pas dire d’un accès de folie passagère, toutes griffes dehors comme une tigresse, voulut se jeter sur moi et me lacérer le visage, surtout cette bouche qui proférait des inepties. Elle tomba à genoux, le visage dans les mains, pleurant toutes les larmes de son corps que ça faisait peine à voir, répétant sans cesse : — C’est le diable, le diable ! C’est Satan, Lucifer ! Oh, mon Dieu, dans ma maison ! Oh, mon Dieu ! Quelque chose brusquement venait de se casser en elle. Mais cela ne m’a en rien fait changer d’avis. Ce fut à partir de ce jour que je n’ai plus cru ni en Dieu ni en diable, ni au paradis ni à l’enfer que ma mère me promit. Mon frangin était sidéré de ma « sortie ». Il n’arrivait pas à comprendre ce qui se passait soudain dans ma tête. J’étais en colère. C’était juste. On venait de perdre notre sœur. Mais quant à renier la divinité... je poussais le bouchon un peu loin ! La vie devenait intenable à la maison. Mon père ne m’adressait plus la parole. Ma mère me méprisait. Je n’étais plus son fils adoré. Je n’avais qu’une hâte, avoir 18 ans, prendre ma valise et faire ce que je voulais. J’ai retrouvé dans le garage, le sac de paquetage de mon père. J’y ai fourré plusieurs effets, une petite couverture, un canif, des biscuits secs et d’autres bricoles qui me paraissaient être utiles. Un matin, de très bonnes heures, alors que tout le monde était encore assoupi dans la maison, je suis parti en direction de la bicoque de Black Stallion. Je savais qu’il se levait tôt. Je l’ai surpris en train d’uriner derrière un tas de bois. — Damn it ! Tu m’as fait peur ! Qu’est-ce que tu fous dehors à pareille heure avec ton sac ? C’est pas dans tes habitudes ça ! — Ferme la un peu et écoute-moi. J’ai besoin de ton aide. Emmène-moi en ville. Je fous le camp d’ici. — s**t, mais t’es dingue ! Tu vas aller où ? — Prends ta bagnole, je t’expliquerai en route. — OK ! OK ! On y va. Sur le chemin je lui ai fait part de mon choix. J’allais chez les Marines à Pendelton, en Californie. Je m’engageais. — T’es de plus en plus fou ! Les Marines, c’est pas comme l’entraînement sur les boites de conserve ni le tir à l’arc ou encore faire des cartons dans les concours. Tu vas en baver, mec ! Et après tous leurs tests, tu sais même pas s’ils vont t’accepter. Si c’est le cas, tu feras quoi, hein ? — Fais-moi confiance, j’ai tout prévu. Avec nos interventions en Irak ou en Afghanistan y a pas de souci ! — Barjo de chez barjo ! Là-bas c’est la guerre, mec ! Tu vas te faire descendre ou alors si t’as de la chance tu risques de revenir au pays sur un fauteuil roulant. Comme tant d’autres déjà ! — Fais chier Stallion ! Ferme ta gueule ! Ma décision est prise et je ne changerai pas d’avis. À Sisters, après une longue embrassade, on s’est dit au revoir. Mon copain est reparti, sans un mot. Mais j’avais senti qu’il avait le cœur lourd, la larme au bord des paupières. Trois semaines plus tard, quatre lettres sont arrivées dans l’Oregon. Une pour mon frère Paul avec mille excuses de ne l’avoir jamais mis au courant de mes intentions et d’être parti comme un voleur. Une seconde pour ma mère en espérant qu’elle ne la jetterait pas au panier. Une autre pour mon père. — J’ai rejoint la première division d’infanterie du corps prestigieux des Marines. J’ai décidé de marcher dans tes pas. Je vais tout faire pour réussir et me montrer digne de toi. Ça n’a pas été évident de me faire accepter, mais un père ex-Marine et mes résultats aux différents concours de tir m’ont ouvert les portes. L’entraînement est très dur. Plus dur que ce que j’imaginais quand tu nous le relatais à Paul et à moi. Je vais tenir le coup. Je vais tout faire pour afin que tu sois fier de ton fils. La dernière pour Pierce Black Stallion. — Me voilà, comme je te l’avais dit, chez les Marines. J’ai déjà réussi ce tour de force. Maintenant il faut réussir les épreuves. Tu ne peux pas imaginer ce que c’est. Même si je te les décris dans le détail. Il faut sans cesse dépasser ses limites. Il faut sans cesse s’améliorer. Il faut toujours coller au temps imparti. Entre deux minutes 30 à 3 minutes pour chaque exercice. Tu dépasses d’une seconde, tu es « out ». Je suis conscient que j’ai encore quelques petites faiblesses, pourtant j’ai l’impression qu’on fait semblant de ne pas les voir. Je me dis que mes performances au stand de tir y sont pour quelque chose. En tout cas, j’essaie de progresser un max ! Les premiers jours, j’étais si éreinté que je n’arrivais pas à dormir. Maintenant, ça va mieux. On s’endurcit. J’ai de bons copains dans la section. Mais un ou deux qui me jalousent quand je tire. Ce n’est pas grave. Il règne ici un esprit d’équipe incroyable. Voilà mon pote, je t’écrirai de temps en temps. Tu as mon adresse et si tu peux mettre un mot et me parler de mon frangin et de ma famille...
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