Je me lève se matin avec des sueurs au front. Je tremble sous ma couette, j'ai chaud, j'ai froid, j'ai faim. Je cligne plusieurs fois des yeux pour m'habituer à la lumière du jour, et quand enfin j'y arrive, je sursaute en voyant des silhouettes autour de moi. Je ferme les yeux, et quand je les rouvre, je vois mes parents. Ma mère se rapproche de moi et me caresse le visage. Je n'ai jamais rêvé d'un truc pareil. Enfin, je veux dire qu'il y a longtemps que j'aie arrêté de rêver de choses impossibles. Alors, pourquoi maintenant ?
Ma mère me sourit, je la regarde droit dans les yeux et vois un truc. Mon cœur s'emballe, je sens mes lèvres se sécher.
L'amour.
C'est là que je me rends compte que je rêve vraiment. Je veux me réveiller. Je ne veux pas faire ce genre de rêve. Ça me fait trop souffrir. Les larmes se mettent à couler et je me recroqueville sur le lit.
Mon père s'approche à son tour pendant que ma mère recule. Il pose un doux b****r sur ma joue. C'est trop !
− Il y a quelqu'un qui est venu te voir, annonce-t-il dans un sourire chaleureux.
Je n'ai pas d'amis, alors qui cela pouvait-il être ?
Quand il se redresse, je remarque une silhouette derrière lui qui s'approche. Il est grand, les muscles de son bras finement dessiné dans le polo gris qu'il porte. Je ne discerne pas bien son visage, mais pour une raison inconnue, je lui souris de presque toutes mes dents.
Cependant, lorsque je rencontre ses yeux noirs, je me crispe et regarde autour de moi, apeurée. Tout change soudainement. Mes parents, David... Tout le monde est devant moi et me regarde avec mépris. Je me mets à pleurer. J'ai peur. Je prie pour que quelqu'un me réveille.
Je finis par me réveiller en sursaut et regarde désespérément autour de moi. Je ne veux plus jamais faire ce genre de rêve, bordel.
Pendant de longues minutes, je reste assise dans mon lit, les yeux fermés. Lorsque je les rouvre, je me sens beaucoup mieux.
Avec un soupire, je sors du lit et fais ma toilette. J'attrape mes cheveux en chignon, mets mon uniforme et descends. Je n'ai pas faim, je n'ai pas le goût à prendre quoi que ce soit.
À la cuisine, je tombe sur maman et papa. Lui lit son journal tandis qu'elle lui sert des toasts. Elle l'embrasse passionnément sans prêter attention à moi. Je n'existe pas pour eux. Je n'ai jamais existé puisqu'ils n'ont jamais voulu de moi.
Je sors et prends le chemin pour l'école en repensant à mon rêve. C'était quoi ça ? Que voulait-il signifier ? Qu'au fond de moi, même si je fais semblant de ne pas avoir mal, je souffre de l'abandon ? Que je souffre de la haine que mes parents ont envers moi ? Que j'espère encore qu'ils m'aiment un jour ?
Peut-être.
Mais qu'y venait faire David Fanger ?
Un klaxon retentit subitement, m'arrachant à mes pensées. Je me rends alors compte que je me suis arrêtée au beau milieu de la route. Le conducteur sort la tête par la vitre de sa Corolla et fronce les sourcils.
− Vous voulez vous tuer ou quoi ? En tout cas, il ne faudrait pas que ce soit ma caisse qui vous ramasse ! s'écrit-il.
Je ne lui réponds pas et continue mon chemin, toujours pensive. Peut-être que je devrais disparaître de cette vie qui n'est pas pour moi. Peut-être, après tout, que ma mère aurait dû avorter comme elle l'avais désiré. Nul ne veut de moi dans ce monde de toute façon.
Avec un soupire, j'arrive devant l'école. Il n'y a personne, c'est bizarre. Je me dirige vers ma classe. Personne. Je fronce les sourcils et m'assieds.
Ce n'est qu'alors que je me rends compte que c'est le weekend ! Comment ai-je fait pour ne pas m'en rendre compte ? Et mes parents n'ont même pas jugés bon de m'avertir. Au moins, ils auraient pu le faire, non ? Même s'ils me détestent, ils auraient au moins pu me demander si j'étais folle. Ça aurait éveillé mes soupçons.
Je me lève et prend mon sac, mais quand je me redresse, ma tête cogne contre quelqu'un.
− Salle chienne, regarde où tu mets les pieds.
Je recule vivement. Lui ? Que fait-il ici ?
− Je ne t'avais pas vue, pas besoin de me traiter de chienne, ça va pas ? dis-je en fronçant les sourcils.
Il se rapproche de moi en plongeant ses yeux sombres dans les miens. J'ai envie de baisser mon regard, mais je ne veux pas lui faire ce plaisir, même si mon cœur bat à cent à l'heure. Alors je recule, pendant que lui avance. Lorsque je suis calée contre le mur, je regarde encore derrière dans l'espoir d'y trouver une échappatoire, comme si, par magie le mur pouvait me laisser passer. Ou peut-être était-ce ce moment que mes pouvoirs se déclencheront, et je me retrouverai dans un monde parallèle.
Quand je me retourne pour lui faire face, il est tout près de moi. Tellement près que je sens son eau de toilette. Jamais personne n'a été aussi près de moi, encore moins un garçon. Mon cœur bat rapidement dans ma poitrine. Seigneur, c'est tellement gênant.
David me dépasse d'une tête, et tout son corps couvre le mien. Il n'y a aucune échappatoire pour moi. Je détourne le regard, embarrassée.
− Embrasse-moi.
Un silence suis cette requête ridicule, au coup du quel je papillonne des yeux. Soit j'ai mal entendu, soit il est fou, ou encore, c'est le jumeau de celui qui a aboyé sur moi avant hier.
Je relève la tête vers lui en fronçant les sourcils. Il a la tête baissée, donc nos regards entrent aussitôt en contact. Mes sourcils se joignent encore plus, je le regarde, perplexe. Il semble différent. Ses yeux sont toujours sombres, mais aujourd'hui, ils brillent d'une lueur étrange.
Il lève la main et je pose d'emblée la main sur ma tête pour me couvrir le visage et mes cheveux. Surprise, je frémis en sentant son pousse glisser sur mon bras à découvert. C'est quoi cette m***e ? Que lui arrive-t-il à ce malade ?
Lentement et prudemment, je redresse la tête. Il me regarde toujours, et déplace sa mais pour caresser ma joue. Ça me donne la chair de poule. Il m'a poussé ! Il m'a poussé et aujourd'hui, il me caresse ?
Ses doigts glissent le long de ma joue pour venir caresser ma lèvre inférieure, qui s'entrouvre légèrement.
− Embrasse-moi, Portia, répète-t-il.
Je tressaille et dégage sa main. Comment il a connu mon prénom ?
− Jamais de la vie. Tu es malade ou quoi ?
Son regard change du car au tour. Il frappe le mur derrière moi, me faisant sursauter.
− Tu devrais t'estimé heureuse que je te demande ça.
− Jure que tu es sérieux, je hurle presque, tellement je suis choquée. Tu parles que je devrais être contente de t'embrasser, alors que tu m'as mal traité la première fois qu'on s'est vue ? Même un petit bisou sur la joue, tu n'auras pas !
Il m'attrape soudainement par le col de ma chemise et me relève à sa hauteur. Je mets ma main sur la tienne, mais il me dégage.
− Repose-moi ! Sale brute.
Il veut me tuer le gars. J'étouffe et il n'en a cure.
− Je t'ai demandé de m'embrasser, donc tu le fais tout de suite. Est-ce que tu m'as compris ?
Je hoche vivement la tête.
− Répond moi quand je te parle !
− Ou... oui, p****n !
Il me repose, et je tousse bruyamment en mettant la main sur ma gorge.
− Tu te dépêche, oui ?
− J'arrive.
Pourquoi il me demande de faire un truc pareil ? Il me frappe la première fois qu'on se voit et maintenant, il me demande de l'embrasser. Il est bipolaire ou quoi, le mec ? Je ne veux pas que ce soit ce c*****d mon premier. Je relève la tête, et le regarde fermement. Je ne vais pas le laisser gâcher un truc aussi précieux.
− Je n'ai jamais embrassé de ma vie, je lui avoue.
Il entrouvre la bouche, mais ne dit rien. Il se contente de me regarder. Bêtement en plus.
Je ne sais pas d'où ça me vient, je ne bois pas de café. Mais une poussée d'adrénaline se propulse en moi, et je lui donne un coup sur la poitrine pour le repousser.
− Tu m'énerves ! Je m'écris. Comment peux-tu me demander de t'embrasser ? On ne se connaît pas. Arrête d'être c*n et fous-moi la paix !
Je le repousse et passe, mais il m'attrape par le poignet et me colle brutalement contre le mur. Je sens une douleur dans mon dos, mais je n'ai pas le temps de m'en plaindre, que déjà, il plaque ses lèvres contre les miennes.
Je le regarde, dégoûter. Il me regarde aussi, et se met à mouvoir ses lèvres. Je proteste en grognant et le frappe, mais il met sa main sur ma nuque, ce qui nous rapproche. Je suis diablement tentée de passer mes mains sur son cou pour l'étrangler, mais je ne veux pas prendre le risque de le tué pour croupir en prison.
Lorsqu'il essaye de m'embrasser avec la langue, je sens la nausée monter en moi, et mon ventre se nouer. J'ai l'impression que je vais vomir mon repas de la veille. Il est hors de question qu'il mélange sa langue à la mienne !
Au moment où je le repoussais pour l'en empêcher, un bruit derrière nous nous fais sursauter et je recule vivement en m'essuyant les lèvres du revers de la main. David me lance un regard assassin sans se préoccuper du proviseur qui a les yeux hagard en nous regardant à tour de rôle.
− Qu'est-ce que vous faites ici tout deux ? demande-t-il en fronçant les sourcils.
− Rien du tout, répond David sur un ton dégagé.
Je le regarde en fronçant les sourcils puis je me retourne vers le proviseur.
− Je vous en prie ne convoquer pas mes parents...
− On est samedi. Vos parents savent-ils que vous vous donner rendez ici ?
Je commence à paniquer.
− C'était un hasard, je vous jure.
− Donc vous deux, vous-êtes retrouvés ici au hasard, et la première chose à laquelle vous pensez, c'est vous embrasser ?
Il avait croisé les bras sur sa poitrine, et nous toisait avec curiosité.
− C'est elle qui a tenu à m'embrasser.
J'avale ma salive de travers et fusille David du regard. S'il m'avait poussé dans un fossé, qu'est-ce que cela aurait changé ?
− Bon maintenant, vous rentrez chez vous. Je vous pardonne cette fois-ci, mais que je ne vous y reprenne plus.
David n'attend pas plus et sort de la salle. Je m'excuse encore auprès du proviseur avant de prendre mon sac.
Il est là, adossé à une caisse noire, les bras croisés et me regarde approcher.
Je serre les poings et me dirige vers lui. Arrivé à sa hauteur, je lève la main. Je la voyais déjà atterris sur sa joue et me délectais de ma victoire, mais il intercéda ma tirade, et posa la main sur ma joue pour me pousser. Je fus obligé de tourner sur moi-même. Pour une fois que je prenais l'initiative de frapper quelqu'un. Quelle injustice !
Il me rattrape par le col de ma chemise et me rapproche de son visage.
− Tu pensais pouvoir lever la main sur moi ?
− Lâche-moi!
Ce qu'il fait en me poussant. Je tombe par terre, mais me relève rapidement. Je me retourne vers lui, énerver.
− Pourquoi tu fais ça ! Pourquoi tu es comme ça ? Je hurle en faisant des gestes théâtralement.
Il fronce les sourcils.
− C'est de cette manière que je me comporte avec les chiennes.
Sa réponse me fait mal. Il n'a pas le droit de m'insulter de la sorte. Il ne me connaît pas.
Je ne demande plus mon reste et me retourne. Ça ne sert à rien de lui parler. Il est c*n. Mais il me tire soudainement en arrière par les cheveux.
− Tu ne me tourne pas le dos quand je te parle, O.K. ?
Je tire sur mes cheveux pour les libérer, mais il les a enroulés autour de ses doigts.
− Tu m'as déjà répondu, je ne veux plus rien savoir !
Il approche ma tête de la tienne et plaque durement ma bouche contre la tienne avant de me repouser et me regardé un long moment avant de me relâcher.
Je crache par terre en le regardant avec véhémence.
− Je t'ai dit que je n'avais jamais embrassé personnes, mais tu te permets de m'embrasser de force brutalement, et ceux à deux reprises. Je te déteste !
J'essuie mes lèvres, alors que les larmes coulent involontairement. Je suis dégoûtée. C'est lui le chien, pas moi. J'ai mal de savoir que j'ai embrassé un c*n, un idiot.
Il me regarde, mais ne dit rien. Quand je comprends qu'il ne va pas s'excuser, je mets un terme à mes larmes.
− Si tu veux rentrer chez toi, vas-y, que je prenne mon chemin. Ou si tu as fini de parler, de me frapper ou encore m'embrasser, préviens-moi que je parte.
− Tu n'aurais jamais dû croiser ma route. Jamais.
− Parce-que tu es qui ? Hein ? Je t'ai cognée et puis quoi ? Je me suis excusée ! Alors pourquoi tu m'en veux ?
Il me toise et fait le tour pour rentrer dans sa voiture. Au moment où il ouvre la portière, je recule d'un pas puis reste debout là en attendant qu'il démarre. Ce qu'il fait sans oublier de mettre la fumer dans mon visage. Je porte la main à mon nez pour me protéger de toute cette fumée, dont je suis quasi sûr qu'il a fait exprès. Puis quand la voiture s'élance sur la voie, je cours les rues.
Lorsque je rentre, il n'y a personne à la maison. Heureusement. Je cours dans ma chambre et me jette sur le lit. Je ne sais pas combien de temps j'ai passé là, mais je me réveille et me rends compte que la nuit est déjà tombée. Je n'ai pas faim donc je ne descends pas. Je reste assise sur mon lit pendant de longues minutes à regarder le vide. Le baisé me reviens à l'esprit et je rougis de colère. C'était ma première fois p****n. Il m'a gâché ce moment. Je pensais que ma première fois, ce serait comme dans les romans. J'en aurai envie, et lui aussi. Ce ne serait pas un inconnu, ou un stupide garçon. Ce serait celui qui m'aime et que j'aimerais. C'est vrai, dans les romans, ça arrive que la fille n'ait pas envie de se faire embrasser et qu'elle finisse par aimer. Cependant, cela ne s'est pas terminé comme ça avec moi. Je me serais sûrement pendu si j'avais aimé le baisé de ce taré.
Il m'a volé ma première fois. Je saisis rageusement un livre sur la commode que j'ouvre à n'importe quelle page. Je n'ai même pas envie de lire, tellement je suis dégoûtée.
Chaque écriture que je lis laisse place au visage de c*n. Malgré tous mes efforts, je ne réussis pas à le chasser de mon esprit. Alors je décide de me coucher, mais là, ce fut bien pire.
Finalement, je me lève vers l'aube, descends à la cuisine où je me sers un plat que je dévore devant un film. Le genre de film qui vous fait pleurer et dont vous emmerdez le producteur parce qu'il a mis fin aux jours de l'héroïne.
J'abandonne le reste de mon plat. C'est nul, ma vie est nul, et ce film avec.
Je me lève, lave mon assiette et me surprend à errer dans chaque pièce de notre petite maison, comme un fantôme en peine.
Petite, j'avais souvent cette habitude. Chaque fois que je me sentais seule, j'errais dans les pièces de la maison comme pour m'imprégner de quelque chose. Pourtant, rien dans cette maison ne se rattache à moi. Chaque pièce ne me rappelle que de mauvais souvenir, à part ma chambre où mes parents ne sont pas souvent rentrés. Cette pièce est devenue comme sacrée pour moi. Parce que là, même si j'ai beaucoup pleuré, personne ne m'y a jamais fait de mal.