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Madame Arthur

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Le récit de la vie de Bambi

Le récit de vie de Bambi, sa première année chez Madame Arthur commence en janvier 1960 et s'étale sur une période de un an. Il est la suite immédiate du tome un de J'inventais ma vie. On y retrouve le personnage d'Edouard, comme à Alger, mais on découvre aussi une certaine exubérance qui s'épanouit parmi les artistes du cabaret, avec rivalités, querelles, dérision, et surtout l'apprentissage du métier de la scène. On découvre les petits restaurants de nuit, chaleureux mais dangereux, les amours... enfin la préparation d'une tournée, la recherche d'un nom qui fasse Carrousel. Découverte du spectacle itinérant qui se termine à Alger sur une interdiction de police pour des raisons morales et politiques (putsch de 1961).

Découvrez la suite de J'inventais ma vie, et retrouvez l'exubérance des artistes du cabaret, leurs querelles et leur dérision.

EXTRAIT

Je n’en mettais pas moins un zèle appliqué à me faire jolie. Je fignolais tout ce que j’imaginais pour moi de flatteur dans le but de prouver à cette peste d’Édouard qu’il avait toujours eu tort de vouloir me détourner de ma voie. Et je m’adonnais devant mon miroir au narcissisme, à la gloriole, à la légèreté, qui ont toujours fait le fond de mon être et m’ont toujours portée à l’intérêt égoïste au détriment du bien commun… Le complaisant miroir de l'armoire à glace de ma chambre m'envoya une image gratifiante.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Marie-Pierre Pruvot est née le 11 novembre 1935 en Algérie. Elle s’installe à Paris à l’âge de 18 ans et devient une figure emblématique des nuits parisiennes sous le nom de scène de « Bambi ». Encouragée par son amie Coccinelle ainsi que par la troupe des cabarets Chez Madame Arthur et Le Carrousel, Marie-Pierre parcourt le monde et se produit dans divers spectacles. Dans les années 60, Marie-Pierre reprend ses études, passe le bac en 1969 et devient professeur de Lettres modernes en 1974.

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Aperçu gratuit
Chapitre 1-1
Chapitre 1 « Hourra pour la France ! » Voilà le cri qui me bouleversait tout à coup. Pendant dix jours, j’avais tout oublié de ma vie passée. J’avais consacré ce temps à me créer un présent. Prenant pied chez Mme Arthur, j’avais fixé ma vie sur ce cabaret et je l’avais circonscrite à Pigalle et la rue des Martyrs. Je m’y étais plongée, j’en avais été absorbée. Et maintenant — Hourra pour la France ! —, j’étais subitement ramenée aux miens, Alger, Bordj-Ménaïel, tout le volcan en éruption qu’une douche glacée semblait avoir éteint. Les larmes me montèrent aux yeux avant que j’aie éprouvé le chagrin. Je dus interrompre mon maquillage. « Hourra pour la France ! » C’était le cri d’allégresse du général de Gaulle : notre première bombe atomique avait explosé à Reggane, là-bas, dans le Sud saharien, et donnait à notre armée une force nouvelle. La radio publiait toutes sortes de commentaires, et ceux qui retenaient le plus mon attention étaient d’ordre physique. D’Alger, de Bordj-Ménaïel, n’avait-on pas pu apercevoir la prodigieuse luminosité de l’explosion et le champignon somptueux qui succédait ? Les miens, peut-être, avaient vu le spectacle, et, tout en les jalousant, je me demandais s’ils en tiraient un juste orgueil ou si plutôt, encore flétris de leur coup d’état manqué, ils ne se lamentaient pas de voir maintenant de Gaulle plus puissant et eux plus asservis. Par bouffées, des bribes des événements récents de l’Algérie en rébellion m'assaillaient. L’affaire des barricades venait de prendre fin. Grande humiliation des miens. Les exaltés, les naïfs, ils s’étaient avancés face à l'armée, démunis, hurlant « Vive la France ! » La poudre avait répondu. Sur place, j’avais vécu le drame, indifférente à ces morts-là, ne pensant qu’à sauver ma propre vie, à me terrer dans ma chambre d’hôtel, et à fuir Serge, mon virtuel assassin… À Paris, maintenant, plus de crainte pour moi… Seul le souvenir amer de nos héros des barricades, désormais en terre ou en prison… Et puis, le souvenir d’Albe… Mon Dieu, Albe aussi était incarcéré, et je l’avais oublié. Albe qui aurait donné sa vie pour défendre son rêve, Albe croupissait dans sa cellule, Albe serait jugé pour trahison. Je repris mon maquillage, debout devant le miroir du lavabo de ma chambre. Albe ! Savait-il seulement que la bombe atomique avait explosé ? Il devait être au secret. Non pas gardé par des âmes sensibles, des esprits fraternels qui respectaient en lui la Voix de notre idéal, mais par des geôliers sûrs, ennemis. L’abominable inconfort supposé de sa cellule me rappela tous les détails de ses raffinements, de ses coquetteries, pour mieux accuser le contraste avec sa misère présente. J’étais solidaire de son humiliation. J’aurais voulu faire quelque chose pour lui : une vaine agitation s’empara de moi, qu’un souvenir accablant vint aussitôt glacer. Le souvenir d’une phrase d’Albe : « Tu écoutes les défaitistes qui t’apprennent à te mettre à l’ombre pendant les chaleurs ! » Il y avait presque deux ans de cela. Les défaitistes, c’étaient Édouard et ses semblables. Albe, lui, avait alors la certitude de vaincre. Il était maintenant accablé. Le temps avait passé. Par moments, j’avais l’impression étouffante que si j’avais participé au grand combat j’aurais fait autrement pencher la balance… Dérisoire… Ma pitié maintenant incluait tous les perdants, tous les miens, morts et vivants, toutes les victimes, Albe et même Serge. Tous. Tous les miens. N’avaient-ils pas eu raison ? Qui le savait ? Et s’ils avaient eu raison ? Des objections se présentaient en foule, car les mots du Général me convainquaient toujours et je n’arrivais pas à concilier sa politique avec la rébellion qu’elle avait suscitée parmi nous, les Pieds-noirs. Tout s’embrouillait dans mon esprit, je ne savais plus quoi penser… Le maquillage des cils est un art lent, méticuleux, et, ce que j'avais ignoré, qui se fait par étapes… Depuis dix jours, j’avais oublié Alger, oublié Serge. Serge ? Je l’avais cru mort… Qui me disait qu’il l’était ? Je le revoyais en train de mentir à ses « frères », à son « maître »… peut-être les avait-il trahis… et peut-être l’avaient-ils abattu… Je revoyais la trace de sang… Et aussi l’image de Serge manipulant son revolver de ses puissantes mains aux veines bombées… des scènes avec Serge en furie, sa chambre saccagée… ma terreur… ma souffrance… la souffrance de toute l’Algérie… Armand et toute sa b***e rudoyant monsieur Régal pour le convaincre, tant et tant d’exactions... mille, dix mille brutalités, qui se justifiaient peut-être, puisqu’il s’agissait de défendre la bonne cause… Et puis me revenait le dernier appel du Général, qui avait balayé, plus vite que les pluies glacées, les barricades d’Alger… Mais j’avais beau chercher, je ne discernais plus l’antagonisme existant entre les Français de France et nous, puisque de Gaulle nous avait dit : « Français d’Algérie, comment pouvez-vous écouter les menteurs et les conspirateurs qui vous disent qu’en accordant le choix aux Algériens, la France et de Gaulle veulent vous abandonner, se retirer d’Algérie, et la livrer à la rébellion ? » Non, non, cet homme-là ne pouvait mentir, il fallait le croire ! Qui plus que lui, sur toute la terre, était un chef d’État responsable ? Je me souvenais des sentences d’Albe : « Il laissera l’Algérie moins française qu’il l’a trouvée ! » Ou encore : « On n’a jamais vu de plus grand traître depuis Isabeau de Bavière. » Mais Albe avait dû se tromper. La réconciliation s’annonçait déjà ! Non, vraiment, je ne voyais plus les motifs de la querelle… J’aspirais seulement à une synthèse magique qui satisferait des exigences contradictoires. De Gaulle pourrait… Le gouffre qui séparait les mentalités de France et d’Algérie m’était apparu dès mon arrivée à Paris. Dans la grande loge de chez Mme Arthur, où naissait ma vie d’artiste, l’habilleuse m’avait demandé : — Tu es Algérienne ou Algéroise ? Grande Berthe avait dû lui préciser le sens des mots, et qu’il ne fallait pas s’étonner que je n’aie pas « l’air d’être de là-bas ». — C’est ce qu’on appelle les Français d’Algérie, avait dit un travesti déguisé en Édith Piaf, en train de jeter devant le grand miroir un dernier coup d’œil satisfait avant d’entrer en scène, c’est eux qui ont foutu le bordel ces derniers jours avec leurs barricades. — Vous commencez à nous faire chier avec vos histoires, m’avait dit un autre qui avait un de ces maquillages extravagants et, nu, se tenait sagement assis à sa place, tirait sur sa cigarette, en attendant son tour de passer, foutez-vous sur la gueule là-bas tant que vous voudrez, nous on s’en fout, mais venez pas nous emmerder ici ! Non, mais ! J’ai passé vingt-six mois d’armée en Algérie, ces salauds-là, ils me faisaient payer même un verre d’eau, ces enculés ! — Olé ! avait dit Maslowa pour rimer, et toute la loge avait ri. Je devrais m’y faire. Chez Mme Arthur, on était des Français moyens, et tout ce qui rappelait le drame algérien était haï. On voulait l’ignorer. On ne m’aurait pas pardonné d’essayer de donner des explications. On détournait les conversations, comme Maslowa le cours des insultes, et on aimait bien le ton de la dérision. Grande Berthe, que j’étais allée saluer et qui avait bien voulu me reconnaître, m’avait dit, parlant à la cantonade, et fort, pour vaincre le bruit du spectacle et capter l’attention dans la loge volière pépiante et folle : — Alors, la Albe est en prison ? (Grande Berthe ricanait.) Je l’imagine, la pauvre vieille, seule dans sa cellule, en train de reluquer les matons, au cas où il y aurait quelque chose à s***r ! Parce qu’elle est goulue, la gamine ! et comme en plus elle est coquette… Il avait lancé des regards soit directs, soit par le biais du miroir vers toutes les têtes outrageusement maquillées qui se tournaient vers lui, et s’assurait qu’il avait un public. Lui était grimé d’une manière presque clownesque : ses immenses faux-cils aggravaient sa dureté naturelle et faisaient un peu peur. Je l'avais regardé sans rien manifester, étonnée d'un jugement si cruel porté sur Albe qui l'avait tant choyé à Alger… Grande Berthe s'était lancé dans un de ses numéros de loge où on sacrifie tout pour faire l'important : — Albe, c’est la Canson. Tout le monde la connaît. Elle tenait le haut du pavé ! C’est pas vrai ? (Il me demandait mon approbation)… Elle en a trop fait, elle s’est fait foutre en taule… Fallait la voir ! Elle se prenait pour la reine d’Alger ; les arts, les spectacles, la politique, tout lui passait par les mains. Moi-même, elle a voulu me donner des conseils pour mon spectacle. Quelle audace ! C’est vrai ou c’est pas vrai ? Et puis avec ça, du henné sur les cheveux, un masque de maquillage, les ongles peinturlurés, une affiche ! Une folle à enfermer ! Et des manières assorties, et des comme ci et des comme ça. Dis-moi si je mens, si c’est vrai ou pas… Deux, trois fois peut-être, j’avais dit que c’était vrai. C’est à cause de ces reniements accumulés que le cri d’amour « Hourra pour la France ! » m’avait brutalement ramenée à moi-même et serré le cœur. J’en voulais à Édouard d’avoir ironisé sur le « soi-disant amour de la France au nom duquel on fait des sottises ». Aussi, l’idée que j’allais le voir — car j’étais en train de me maquiller, de me préparer, de me faire belle dans ma chambre d'hôtel pour le rencontrer, le revoir pour la première fois depuis un an et demi, cette idée me déplaisait. Lorsqu’il avait quitté l’Algérie, j’étais encore sans autonomie, et même sous sa coupe. Il avait trop combattu ma manière d’être personnelle, notre exubérance collective de Pieds-noirs et notre inaccessible idéal, pour que je trouve encore un pont entre nous deux. C’était une concession faite à ma mère, que je le revoie. Elle m'avait écrit de le faire. Je le faisais par politesse et pour la rassurer. Mais j’espérais que cette scène de retrouvailles serait notre dernière rencontre. Je reniais volontiers mes origines dans la loge du cabaret, parmi ceux avec qui il fallait vivre, et auxquels je devais m'intégrer, mais je ne voulais plus supporter, au nom de l’amitié, un Édouard qui se répandrait en railleries sur moi, sur les miens, sur les malheurs d’Albe, et même sur le Général, le Général qui nous préparait « la solution la plus française »… Je n’en mettais pas moins un zèle appliqué à me faire jolie. Je fignolais tout ce que j’imaginais pour moi de flatteur dans le but de prouver à cette peste d’Édouard qu’il avait toujours eu tort de vouloir me détourner de ma voie. Et je m’adonnais devant mon miroir au narcissisme, à la gloriole, à la légèreté, qui ont toujours fait le fond de mon être et m’ont toujours portée à l’intérêt égoïste au détriment du bien commun… Le complaisant miroir de l'armoire à glace de ma chambre m'envoya une image gratifiante. J’arrivais à Paris. Je me faisais tout un monde du métro. Je ne l’avais jamais pris, il n’était pas question que je le prenne ce jour-là. Marine m’avait recommandé d’arriver en taxi devant le Wepler pour ne pas avoir l’air d’une malheureuse. M’engouffrant dans le taxi place Pigalle, j’avais donné l’adresse, place Clichy. Le chauffeur m’avait répondu, comme prévu, qu’il ne ferait pas un si petit parcours. Alors, gardant mon air pressé, je lui avais glissé une petite pièce qui l’avait amadoué. Je n’étais pourtant pas riche, le prix de ma chambre d’hôtel absorbait presque entièrement mon cachet. Ce n’était pas un réel souci, même si j’avais en dix jours épuisé mes réserves. *** J’avais le cœur battant. J’allais me trouver sous le regard de celui qui m’avait toujours jugée et combattue. Il me semblait soudain, en entrant au Wepler, que cette entrevue avait autant d’importance que celle que j’avais faite à ma grand-mère avant sa mort. Elle m’avait dit : « Tu as l’air d’un ange ! » Et ces mots dans sa bouche avaient été signe d’acceptation et de reconnaissance. Je m’étais agenouillée, elle m’avait donné sa bénédiction. Ce que j’attendais d’Édouard, c’était, sinon la même chose, du moins son équivalent : le silence total sur ses anciens jugements. Ce que j’appréhendais, c’est qu’après dix-huit mois de séparation, il me voie toujours des mêmes yeux, garde son ton d’éducateur, peut-être même ses formules, violentes, tranchantes, surtout quand elles étaient doucereuses, et qu’il porte sur moi ce regard négateur qui m’avait tant fait souffrir que j’avais fini par m’y endurcir et m’en moquer. Je m’exagérais l’importance de cette rencontre. Si je n’avais pas revu Édouard, ma vie n’aurait guère été différente. Ma mère seulement aurait été plus inquiète. Toute l’influence qu’Édouard pouvait avoir sur moi, il l’avait déjà eue à Bordj-Ménaïel et à Alger. Je m’étais voulue pimpante, je devais être voyante. Marine m’y avait poussée. Je l’avais fait. L’accueil d’Édouard dépassait mes espérances : nous étions tous deux attablés pour le thé, à quoi il m'avait initiée, et il se montrait chaleureux et gai. Nous riions sans raison, heureux de nous revoir. Je ne ressentais rien de cette gêne qu’il m’avait inspirée. J’étais libérée. Il me demanda bientôt si je me remettais de mes émotions et ce que je pensais de « tout cela ». Je crus d’abord qu’il me parlait de la bombe atomique, mais c’était impossible. Je me repris aussitôt. J’ignorais ce que lui avait écrit ma mère sur les barricades d’Alger, sur ma fuite soudaine vers Paris, événements si proches dans le temps, déjà si lointains pour moi. Craignant ses jugements sur l’armée, sur les Français d’Algérie, je me fis réservée dans ma réponse. Il fut plein de tact : pouvait-on avoir connu l’Algérie autant que lui et ne pas y être attaché ? Il parlait, il ne jetait aucun anathème. Les colonels en rébellion, il ne les jugeait pas… et j’avais beau essayer de saisir un trait d’ironie, je n’entendais que de la compassion. Édouard avait l’air sincère, et même bouleversé du drame que nous venions de vivre — dont j’avais usé pour mon évasion — et qu’il avait vécu, disait-il, heure par heure avec nous. C'en était assez pour me rassurer. Je savais que je n'aurais pas à supporter ses brocards contre les Pieds-noirs révoltés. Mais ce soulagement libérait un désir : j'avais soif de compliments, de reconnaissance, voilà ce qui me tenait en suspens.

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