- Commencez par prier pour lui, même si c’est difficile. Demandez au Seigneur de vous donner la force de le voir avec un regard d’amour, malgré sa faute.
- Je vais essayer… Je veux que ce Carême soit un temps de purification, et je crois que c’est ce que Dieu me demande aujourd’hui.
Merci, mon Père. Dis-je Que le Seigneur me donne la force d’être plus humble et plus présente à Lui.
-Il le fera, ma sœur. Recevez l’absolution et allez en paix
-amen
Après la bénédiction, je me levai un grand sourire aux lèvres, je me sentais légère. Je ne dis pas que ma rancœur était partie, mais j’étais rassuré de savoir que je ne méritais pas l’enfer pour cette part de noirceur dont je n’arrivais pas à m’en défaire. Et j’étais confiante qu’avec le temps, j'arriverais à me défaire.
- J’espère que tu as grand appétit, car notre cuisinière s’est lâché pour mon dernier repas ici.
- Je compte bien manger pour toute la semaine mon père, car c’est mon groupe qui est en cuisine cette semaine donc je n’aurais pas beaucoup d'appétit.
- Ah oui, pourquoi ? Demanda-t-il alors qu’on marchait vers le long couloir en direction de leurs salles à manger, dont l’odeur alléchante qui s’en dégageait m’attirait automatiquement.
- Je n’ai pas grand appétit quand c’est moi qui cuisine, c'est comme si ma panse se remplis d’odeur.
- Ah d’accord, je comprends. Rigola-t-il, surtout ne te retient pas et mange tout ce que tu peux.
- Merci mon père. Bon appétit à vous. Dis-je en me jetant littéralement sur les délicieux mets présent sur la table.
Le repas s'est passé dans un silence plutôt apaisant, car il n’était pas de bonne manière de manger la bouche pleine. Après avoir bien mangé, on se dirigea vers les jardins où on se faisait une petite balade, je me sentais si bien que ma langue ne pu se retenir de lâcher.
- Mon père il y a une rumeur qui court sur vous dans les couloirs
- Ah oui ? Demanda-t-il en me regardant l’air intéressé.
- Oui, je me suis attelé à la démentir, mais malgré ça les gens parlent.
- Et que disent t’elles ?
- La sœur lorette qui a été renvoyée dernièrement, c’est à son sujet, il se dit qu’elle vous a accusé d’avoir abusé d’elle et d’être l’auteur de sa grossesse. Il s’arrêta tout d’un coup de marcher avant de reprendre calmement.
- Et qui est cette lorette ?
- La sœur indonésienne qui a été renvoyée dernièrement, elle a dit ses vœux l’année dernière
- Ca ne me dit rien. Tu sais appart toi, je ne connais pas les jeunes sœurs de votre couvant, et les rumeurs peuvent bien circuler, on ne peut empêcher les gens de penser. Après tout nous sommes humain et l’erreur est humaine. Je ne leur en veux pas. Elles sont jeune. Je suis proche de toi, car je ne te connais depuis toute petite
- Je sais que vous êtes bon mon père. Je n’en ai pas cru une seule seconde.
- Bien, asseyons-nous un peu, et parlons de ce que tu m’as dit tout à l’heure lors de la confession. Dit-il en s’arrêtant sous le grand arbre et prenant place sur le banc qui y était. Tu as partagé une grande souffrance aujourd’hui. Je voudrais t’aider à alléger ton cœur. Je le regarda hésitante, mais touchée par son attention
-Oh… Merci, mon Père. Je m’assis prudemment sur un banc près de lui. Il se tourna légèrement vers moi, son regard empreint d’une douceur presque paternelle
- Tu portes en toi une douleur depuis trop longtemps. La rancune est un fardeau qui pèse sur l’âme… et sur le corps aussi.
- Sur le corps ? Demandais-je. Inclinant légèrement la tête. Je le faisais toujours pour mieux comprendre surtout quand quelque chose m’intriguait. Il hoche la tête, posant doucement une main sur son épaule -Oui. Quand nous retenons des émotions négatives, notre corps se tend, se ferme.
- Vous sentez cette tension ici ? Demanda t’ Il en pressant légèrement mon épaule. Me faisant cligner des yeux, troublée par ce geste dans un moment pareil, je n’avais jamais été touché comme ça avant donc je ne savais comment le prendre, la gêne devait sans doute être dite à la nouveauté.
- Je… Je n’y ai jamais fait attention.
- C’est normal. Beaucoup de religieuses vivent avec cette tension sans s’en rendre compte. Mais il faut apprendre à la relâcher… à lâcher prise. Dit-il alors que sa main glisse légèrement de mon épaule vers mon bras, dans un geste qui semble naturel, mais qui s’attarde un peu trop
- Je suppose que la prière aide à cela, non ? Demandais-je en fronçant légèrement les sourcils, il hochait la tête lentement
- Oui, bien sûr… mais le corps a aussi besoin d’un réconfort plus tangible. Jésus lui-même a lavé les pieds de ses disciples, il leur a donné des gestes de paix, d’amour…
- Je… Je n’avais jamais pensé à cela ainsi… dis-je en baissant légèrement les yeux. Je ne me sentais pas très à l’aise
- Vous pouvez me faire confiance, ma sœur. Vous savez que je ne veux que votre bien, n’est-ce pas ? Demanda-t-il la voix plus basse, plus douce, glissant lentement sa main vers la mienne qui était posée sur ma cuisse qu’il serre légèrement. Je sentis un frisson me parcourir l’échine, mais je ne comprenais pas pourquoi. Ce n’est pas la première fois que quelqu’un me tient la main… alors pourquoi ce malaise ?
- Oui… Je sais… dis-je la voix faible, il penchait légèrement la tête, son regard ancré dans le mien
- Alors, laissez-vous aller. Vous êtes trop rigide, trop enfermée dans votre esprit. Acceptez le réconfort que l’on vous offre.
Sa main glisse légèrement sur mon poignet et effleure ma cuisse par-dessus ma robe. Le contact est à peine perceptible, mais quelque chose dans la manière dont il me touche n’a rien à voir avec ce que je connais.
- Père Ambroise intervint une voix d’homme au loin et aussitôt, il se recula de moi rompant brusquement le contact et marcha vers la voix, c’était le père Florindo que je connaissais aussi un peu. Ah tu es la. Dit-il en arrivant à notre niveau. Je suis venue avec les autres prêtres de la congrégation des pères piaristes qui veulent te dire au revoir. Ils attendent dans le salon.
- Ça tombe bien, dit-il j’avais justement fini avec la sœur Kiria, elle est venue me voir pour se libérer d’un fardeau qui lui pèse sur le cœur. Répondit le père Ambroise l’air de rien. Et je ne m’attardai pas sur cette réponse qui n’était pas très vraie.
- Oh sœur Kiria je ne vous ai pas vue comment vous allez ?
- Je vais bien mon père et vous ?
- Oh moi, Dieu fait grâce.
- Je vous rejoins dans le salon, je vais demander au frère Théophile de la raccompagner. Dit de nouveau le père Ambroise alors que le père Florindo se retourna comme il était venu.
On marcha en silence jusqu’à leurs parkings où le frère Théophile était assis sur une chaise. Il lui demanda de me raccompagner et quand celui-ci alla démarrer la voiture, il dit
- Réfléchissez à ce que je vous ai dit. L’amour divin passe aussi par les autres. Il ne faut pas toujours voir le mal où il n’y en a pas…
Je me fige un instant. Cette phrase me troublait un peu. Mais je dis comme il a dit et ne chercha pas le mal là où il n’y était pas. Alors, je m’inclinai respectueusement et entre dans le véhicule, Un étrange sentiment s’installa en moi, mais je n’arrivais pas à lui donner un nom. Durant le trajet retour, j'avais fait le vide, mais pendant la nui noir mon sommeil se coupa et je repassai les événements de la journée dans ma tête en boucle.
Pourquoi ai-je ce drôle de sentiment ? Je devrais me sentir apaisée après ma confession… mais ce n’est plus le cas. Mon cœur bat encore trop vite. Pas comme quand je prie, pas comme quand je ressens la paix de Dieu. C’est différent. Troublant. Inconfortable.
Je regarde mes mains, celles qu’il a touchées. Je les frotte doucement l’une contre l’autre, sans trop savoir pourquoi.
Le Père Ambroise est un homme bon. Un guide. Il m’a toujours accueillie avec patience. Alors pourquoi… pourquoi cette gêne ? Je me sens ingrate de douter. Il ne voulait sûrement que me rassurer…
Je ferme les yeux, revoyant la scène. Son regard. Sa voix, plus douce qu’à l’ordinaire. Ses gestes, trop lents, trop appuyés. La chaleur de sa main sur son poignet et l’effleurement de ma cuisse. Un frisson me parcouru. Je n’ai jamais été proche de quelqu’un. Je ne sais pas ce qui est normal ou non. Peut-être que je me fais des idées. Peut-être que je suis trop… fermée, comme il l’a dit.
Mais alors pourquoi, maintenant encore, je sens ce poids étrange dans mon estomac ? Cette impression de malaise, comme si quelque chose clochait sans que je puisse mettre le doigt dessus ?
Je me souviens de mes prières, à la paix que je trouve habituellement en elles. Et je décidai que je devrais prier. Que cela dissipera mes doutes. J’irai faire le corsaire demain auprès de la vierge Marie et ça ira À cette pensée Le silence de la chambre sembla peser plus lourd qu’avant. Je m’allonge, fermant les yeux, espérant qu’en dormant le jour arrivera plus vite et que je pourrais me ressourcer.