Une nuit d’amour sans lendemain
Épisode 3
Lorsque j’ai mis mon enfant au monde, après un long travail de vingt-trois heures, une seule personne m’avait réconfortée : angi. Les autres mères avaient été soutenues par leurs maris rayonnant de bonheur, et par leurs proches qui patientaient dans la salle d’attente. Pour ma part, j’étais restée seule. Il n’y avait eu que Angela pour me tenir la main pendant l’accouchement.
Lorsque Erwan est né et qu’on l’avait placé dans mes bras, j’ai eu l’impression que le bébé en pleurs était un être venu d’une autre planète. Mais, aussitôt après, j’ai éprouvé pour lui un amour infini. J’ai reconnu dans les traits menus de l’enfant ceux de son père, et avait ressenti du désespoir à l’idée que André n’avait chassée avec tant de dureté, et qu’il avait obstinément refusé, par la suite, de prendre mes appels. Il s’était privé d’un événement merveilleux dont il ne saurait jamais rien.
A présent, en le voyant avec cette femme, si hautain et sûr de lui, je n’éprouvais que colère et indignation. Mon cœur battait plus fort, les pulsations de mon sang se précipitèrent. Je contourne la table et m’approche de l’homme assis à la droite de André
— Désirez-vous une boisson, monsieur ? .
J’ai parlé d’une voix plus aiguë que d’habitude, tout en observant André . La compagne de ce dernier, sensible à la perturbation de l’ambiance, lève les yeux et croise mon regard.
Je sens la fragrance trop capiteuse qui émanait de cette femme, évocatrice d’ébats sensuels, et un élan de jalousie me traverse à l’idée que cette inconnue avait partagé le lit de André .
Allons donc ! Comme si je me souciais de ce genre de chose ! Non, ce n’était pas de la jalousie. Je me sentais irritée, en fait. Exaspérée par la mine hautaine de cette femme, par la présence scandaleuse de André qui ne prêtait pas la moindre attention aux ondes négatives qui circulaient dans l’air.
L’inconnue me regarde en promenant sur moi ses yeux noirs. Puis elle réagit comme à la fois espéré et redouté : elle murmure quelque chose à l’oreille d’André . Celui-ci leva les yeux et mon cœur fait un bond bond sous l’intensité de son regard. Une haine féroce m’envahit, et j’ai eu toutes les peines du monde à ne pas lui expédier mon plateau à la figure, à ne pas le maudire en lui disant mes quatre vérités…
— Un martini, demanda un client tout proche.
— Bien, monsieur, dit-je en prenant note sur mon calepin.
Lorsque je lève de nouveau les yeux, je vois que André m’examinait en fronçant les sourcils, comme s’il sondait sa mémoire. Il ne me reconnaissait donc pas ? Ce n’était pas du tout la réaction que j’ avais anticipée !
J’ai eu un enfant de lui, et il n’était même pas capable de se souvenir de moi ?
Alors là, c’est le comble ! Je suis blessée, en tournant les talons. Je me sens tellement furieuse, tellement agitée par la peur qui m’a saisie à la vue de André , que j’ai du mal à respirer. Je gagne le bar pour passer les commandes, en m’efforçant de retrouver mon calme.
Soit, il ne m’a pas identifiée. Et alors ? J’avais cru qu’il me reconnaîtrais ?
En fait, oui. Je secoue la tête, hors de moi. André n’était qu’un méprisable individu, un Crésus prétentieux ! Il m’avait emmenée dîner, il avait entrepris de me séduire… Et je me suis laissé entraîner jusqu’au bout, comme une sotte que j’étais . J’avais ma part de responsabilité dans ce qui m’étais arrivé.
Mais André avait assuré qu’il prenait les précautions nécessaires, et je m’étais fiée à lui. Il avait forcément failli à sa promesse, puisque je m’etais retrouvée enceinte. Il s’était si peu soucié des conséquences éventuelles de notres ébats qu’il n’avait même pas consenti à prendre mes appels lorsque j’ai tenté de le joindre. Quel monstrueux égoïste !
Je reprend mon plateau, une fois que les verres y furent disposés, résolue à servir les clients comme d’habitude. Non, je ne déverserais pas les boissons sur les genoux de l’arrogant personnage, même si c’est tentant !
— Merci( au barman ).
Je me retourne pour revenir sur mes pas, et j’ai faillis heurter André Néves .
* * ***********
André
Mes narines se dilatèrent instinctivement quand je regarde la femme qui se trouvait face à moi, elle rétablit l’équilibre du plateau pour ne pas renverser de boisson sur son costume. Ses yeux lançaient des éclairs.
— Veuillez m’excuser, monsieur, j’ai des clients à servir…
Sa voix était plus sèche que dans mon souvenir. Son visage et son corps, eux, étaient plus pleins, d’une rondeur agréable. Elle s’était un peu « remplumée », même je l’ai trouvé avec des formes parfaites lors de notre première rencontre. Les quelques kilos qu’elle avait pris en avaient fait une femme sensuelle, très belle, et gommaient un peu son côté jeune ingénue.
Une « ingénue » qui avait voulu me duper, cela dit ! Je ne l’avais pas oublié. Je serre les mâchoires en me rappelant sa supercherie. Elle était arrivée à Abidjan munie des échantillons de parfums qu’elle allait me vendre et comédie qu’elle avait jouée m’a fait perdre à la fois mon temps et mon argent.
Ce n’était pas la première fois qu’une femme essayait de se servir de moi à des fins intéressées, mais en l’occurrence, je m’étais royalement trompé ! Ce fiasco m’avait amené à faire une croix sur les photos réalisées et à tout recommencer avec un autre top model. Ce que j’ai beaucoup regretté, à la vue des clichés : Liya était le mannequin parfait.
Les jours suivants, je me suis demandé si je n’étais pas allé trop loin. Mais cette femme avait touché en moi des endroits sensibles , et je ne m’étais pas encore remis. J’ai bien fais de la chasser.
Il m’a avait fallu des semaines pour parvenir enfin à trouver l’égérie de ma nouvelle ligne.
Dans mon découragement, je ne m’en était pas chargé personnellement. J’avais confié cette tâche à mon directeur du marketing. Ce n’était pas mon genre de me mettre ainsi en retrait. Mais, chaque fois que j’avais envisagé une autre candidate, je me souvenais de Liya . De la façon dont elle avait presque réussi à me ridiculiser.
Elle m’a fait revivre la part la plus solitaire et la plus sombre de mon existence. Celle où je n’étais qu’un pion sur un échiquier, entraîné dans une partie menée par quelqu’un autre. La jeune femme que nous avions engagée était belle, et mon parfum se vendait bien. Mais je n’étais pas satisfait. J’aurais dû l’être, pourtant…
Il y avait, chez Liya , quelque chose d’indéfinissable. Un je-ne-sais-quoi que je n’avais pas oublié, même un an après. En ce moment même, mon corps réagissait, s’enflammait des sensations que Inès , que j’ai laissée, furieuse, à la table , ne me faisait pas éprouver lorsqu’elle s’allongeait sur moi...
Liya était toujours aussi belle, elle était toujours l’icône parfaite pour ma campagne publicitaire. Et cette idée m’agace prodigieusement.
— Si je devine bien, l’industrie du parfum ne t’a pas réussi
Les jolis yeux de Liya avaient une expression dure, dans leur écrin de maquillage brun et noir.
— Pas encore, répliqua-t-elle. Ta mémoire me surprend.
— Je n’oublie jamais un visage. Ni un corps.
Elle redresse le menton et me regarde . J’aurais éclaté de rire si je n’avais pas deviné le mépris qui suscitait ce regard. Sa petite comédie n’avait pas eu le succès escompté et, pour cette raison, elle me détestait. C’était presque drôle, en un sens.
— Quel incroyable talent ! ironisa-t-elle. Veuillez m’excuser, monsieur, mais j’ai du travail.
— Toujours en colère contre moi, ma belle ? Comme c’est bizarre…
— Bizarre ? lança-t-elle. Tu m’as séduite, puis jetée.
Décidément, elle avait du culot !
— Ta duperie m’a coûté beaucoup d’argent, bella fleur , J’ai dû sacrifier une journée de photos et tout recommencer .C’est plus regrettable que de t’avoir mise à la porte.
Elle semble accuser le coup, mais ne tarde pas à riposter
— Je suis serveuse, et tu viens me parler d’argent ?
— Un sou est un sou. Et je n’aime pas le gâchis.
— Laissez-moi vous dire une chose, monsieur Néves . J’ai commis une erreur, mais je l’ai payée bien plus cher que vous. Quand on a misé son argent et son avenir sur une seule rencontre avec quelqu’un d’important, qu’on échoue et qu’on perd sa maison au passage, puis qu’on doit élev…
Elle s’arrête, ferme les paupières, et soupire . Quand elle ouvre les yeux, ils étaient humides et brillants.
— Quand on touche le fond et qu’on doit travailler dans un bar pour joindre les deux bouts, on a le droit d’être scandalisé, non ?Alors, épargne-moi tes lamentations. Dit elle
Elle me dépasse en me bousculant un peu, son plateau en équilibre sur une main tandis qu’elle s’insinuait dans la foule. Je la suis du regard, le corps brûlant. Elle était sexy, belle et provocante.
En fait, elle m’excitait au dernier degré, et cette excitation n’avait rien de comparable à ce que me faisaient éprouver Inès ou les femmes avec lesquelles je suis sorti récemment. Et, bon sang, elle restait l’égérie idéale de ma campagne publicitaire ! Si elle avait perdu son ingénuité, elle avait gagné autre chose. Quelque chose d’indéfinissable, mais à quoi j’aspire farouchement?.
Et j’obtiens toujours ce que je veux . A n’importe quel prix. Je continue à la suivre du regard, la voyant qui servait les boissons avec un sourire artificiel. Oui, Liya avait quelque chose de singulièrement attirant.
J’ai bien l’intention de découvrir quoi. Et d’en tirer parti le plus tôt possible.
A suivre ......
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