Pas pour nous

Chapitre 2

Le couloir de Harrington Ridge High était toujours bondé avant la première sonnerie. Des élèves riaient, discutaient, s'adossaient aux casiers en attendant le début des cours. Comme d'habitude, Alicia avançait aux côtés d'Aubrey et Leah, évitant la foule du mieux qu'elle pouvait.

Mais ce matin-là, quelque chose clochait.

— C'est moi ou... il manque quelqu'un ? murmura Aubrey en plissant les yeux.

Alicia haussa un sourcil, mais c'est Leah qui réagit en premier.

— Ouais, carrément. Où sont Hadrian et ses potes ?

D'habitude, Hadrian Wellington et ses amis étaient toujours là. Un groupe bruyant et sûr de lui, impossible à ignorer. Carson, Oliver et Tristan traînaient généralement près des casiers du fond, attirant les regards admiratifs ou agacés des autres élèves. Mais aujourd'hui... Rien.

— Peut-être qu'ils sont en retard ? hasarda Alicia, sans trop y croire.

— Ou alors, ils sèchent, ajouta Leah.

Le doute s'installa entre elles, mais avant qu'elles ne puissent en parler davantage, la sonnerie retentit, couvrant le brouhaha du couloir.

— Bon, on verra plus tard, dit Aubrey en attrapant le bras d'Alicia. Faut qu'on aille en cours.

Elles se dirigèrent vers leur salle de littérature, s'installant à leurs places habituelles. Alicia ouvrit son livre, prête à suivre, mais Leah et Aubrey étaient ailleurs. Leur curiosité était piquée, et ça se voyait. Elles échangeaient des regards, pianotaient nerveusement sur leurs stylos.

Les minutes passèrent. Toujours aucun signe d'Hadrian ou de ses amis.

Leah, incapable de se concentrer plus longtemps, tourna la tête vers une fille assise quelques rangées plus loin : Cassidy Ellis.

La plus belle fille du lycée. Et la plus arrogante. Toujours impeccable, avec son uniforme parfaitement ajusté, ses longs cheveux blonds brillants et son regard assuré. Et surtout, la copine d'Hadrian.

Leah hésita une seconde, puis se pencha vers elle et chuchota :

— Dis, ton mec est venu aujourd'hui ?

Cassidy releva lentement la tête de son livre, ses yeux bleu glacier fixant Leah comme si elle venait de dire la chose la plus stupide du monde.

— Pourquoi ça t'intéresse ? répliqua-t-elle d'une voix sèche.

Leah haussa les épaules, jouant l'innocence.

— Juste une question. On l'a pas vu dans les couloirs, c'est bizarre.

Cassidy plissa les yeux, visiblement agacée.

— T'as d'autres questions stupides ou t'as fini ?

Puis, sans un mot de plus, elle reporta son attention sur son livre, ignorant royalement Leah.

Aubrey donna un léger coup de coude à son amie, l'air de dire laisse tomber. Mais Alicia voyait bien que Leah n'avait pas fini de se poser des questions. Et elle non plus, d'ailleurs.

Hadrian et ses potes n'étaient jamais absents sans raison.

Les heures de cours s'étaient enchaînées, mais aucune d'elles n'avait vraiment été concentrée. Alicia griffonnait sur son cahier sans écouter, Leah vérifiait son téléphone sous la table, et Aubrey somnolait presque sur sa main.

Quand la sonnerie annonça enfin la pause déjeuner, elles n'avaient qu'une hâte : se retrouver à la cafétéria.

Comme d'habitude, elles s'installèrent à leur table habituelle. Aubrey attaqua son repas sans attendre, tandis qu'Alicia, elle, fixait son plateau sans grande envie de manger. Mais Leah, elle, ne tenait pas en place.

Elle scrutait l'entrée de la cafétéria, visiblement impatiente.

— Leah, souffle Alicia en soupirant. Tu peux arrêter de chercher Hadrian et ses potes ?

Leah ouvrit la bouche pour répliquer, mais elle n'eut pas besoin de le faire. Parce que c'est à ce moment-là qu'ils entrèrent.

D'abord, Tristan, suivi de Carson et Oliver. Puis, Hadrian. Et comme d'habitude, toutes les têtes se tournèrent vers eux. Les filles dans la salle les fixaient avec admiration, surtout Hadrian. Il marchait avec cette assurance naturelle, les mains dans les poches, le regard détendu, totalement indifférent à l'effet qu'il provoquait.

Leah se redressa immédiatement et fit signe à Aubrey et Alicia.

— Ils sont là ! murmura-t-elle comme si c'était une info capitale.

Mais ce qu'elle ne savait pas, c'est qu'elle était observée.

Cassidy Ellis, assise avec son groupe d'amies à quelques tables de là, avait vu toute la scène.

Et son regard s'arrêta sur Alicia. Les deux filles se toisèrent en silence.

Puis, comme pour rétablir son autorité, Cassidy se leva et se dirigea directement vers Hadrian. Sans hésitation, elle se colla à lui et l'embrassa. Devant tout le monde.

Alicia détourna le regard, impassible. Elle s'y attendait. Leah, en revanche, ne se gêna pas pour exprimer son mécontentement.

— C'est bon, on a compris ! lâcha-t-elle en attrapant violemment sa fourchette.

Aubrey haussa un sourcil.

— Chill, Leah. On dirait que c'est toi qu'elle vient de gifler.

Leah grogna.

— Elle fait exprès ! Juste pour nous montrer que ce gars est intouchable.

Alicia haussa les épaules.

— Il est intouchable, Leah. Tous ces mecs le sont.

Leah croisa les bras, frustrée, tandis qu'Alicia, elle, restait silencieuse.

Parce qu'aussi vrai que ce soit...

Elle n'aimait pas cette sensation au creux de son ventre.

...

L'après-midi passa à une lenteur exaspérante.

Les cours s'enchaînaient, mais Alicia n'était pas dedans. Elle prenait des notes machinalement, sans vraiment écouter. À vrai dire, son esprit était encore coincé dans cette cafétéria.

Et plus elle y repensait, plus elle s'agaçait contre elle-même. Pourquoi est-ce que ça l'atteignait autant ? Ça n'avait aucun sens. Elle secoua la tête et se força à se concentrer sur le tableau.

Mais Hadrian n'aidait pas.

Parce qu'à chaque fois qu'il passait dans le couloir, qu'il riait avec ses potes, elle sentait son regard glisser vers lui.

Et ça... c'était problématique.

...

La sonnerie de fin de journée retentit enfin, et Alicia poussa un soupir de soulagement.

Elle referma son cahier, glissa ses affaires dans son sac et rejoignit Leah et Aubrey à leurs casiers.

— Enfin ! s'exclama Leah en attrapant son sac. J'ai cru que cette journée n'allait jamais finir.

Aubrey referma son casier et lança, un sourire en coin :

— Bon, vous venez chez moi ? Ma mère a préparé des cookies.

Leah ne se fit pas prier.

— Toujours partante pour de la bouffe gratuite.

Alicia hésita, jouant avec la lanière de son sac.

— Je peux pas, les filles...

Leah arqua un sourcil.

— Quoi ? Pourquoi ?

Alicia soupira, déjà agacée rien qu'à l'idée d'en parler.

— J'ai ce fichu dîner avec ma mère... et son fiancé.

Leah grimaça.

— Ah ouais... Le grand moment.

Alicia leva les yeux au ciel.

— Le grand moment dont je me serais bien passée.

Aubrey haussa un sourcil.

— T'exagères pas un peu ?

Alicia croisa les bras, agacée.

— Peut-être. Mais ça reste une soirée où je vais devoir sourire poliment et faire semblant d'être ravie.

Leah secoua la tête, faussement dramatique.

— Courage, babe. Si jamais c'est un fiasco, t'appelles et je viens te kidnapper.

Un sourire en coin apparut sur le visage d'Alicia.

— Deal.

Elle leur fit un dernier signe avant de tourner les talons, direction la maison. Elle ne savait pas encore que ce dîner allait tout changer.

Alicia, Aubrey et Leah quittèrent le lycée et traversèrent le parking en direction de la voiture d'Aubrey. L'endroit était bondé, des élèves traînaient encore, discutant par petits groupes avant de rentrer chez eux.

Un peu plus loin, appuyés contre leurs voitures, Hadrian et sa b***e parlaient fort. Impossible de ne pas les entendre.

— Vous venez à la soirée de ce soir ? lança Cassidy d'une voix forte, s'adressant à un groupe d'élèves à quelques mètres d'elles.

Leah et Aubrey tournèrent la tête vers elle, mais Cassidy les ignora volontairement, un sourire satisfait aux lèvres.

— On sera tous là, affirma Carson avec assurance.

Tristan, lui, haussa les épaules.

— Sauf Hadrian.

Un silence s'abattit aussitôt sur le groupe. Tous les regards se posèrent sur Hadrian, et des murmures s'élevèrent. Pourquoi ne viendrait-il pas ?

Cassidy se tourna vers lui, une moue faussement boudeuse sur les lèvres.

— Bébé, pourquoi tu ne seras pas là ?

Hadrian passa un bras autour de sa taille et l'attira contre lui avant de l'embrasser sous les yeux de tout le monde.

— Bien sûr que je serai là, n'écoute pas ce c*n, répondit-il avec un sourire narquois.

Mais Tristan ne se laissa pas démonter.

— Ah non, rectifia-t-il, tu dînes en famille ce soir.

Hadrian lui donna une tape sur la poitrine, mi-amusé, mi-agacé.

— Arrête tes bêtises. Hey, les gars, ce soir, je serai là et on va faire le show !

Des cris de joie fusèrent dans le parking. Tout le monde semblait surexcité par la soirée à venir... sauf Alicia et ses amies, qui n'avaient, bien évidemment, pas été invitées.

Sans un mot de plus, elles montèrent dans la voiture d'Aubrey et quittèrent le parking.

A suivre...