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Pendant la guerre

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Extrait : "La jeune fille, que l'auto de la station venait de déposer devant la porte de M. van Laouten, paraissait fort émue sous les premières blancheurs d'un matin brumeux de Hollande. Cela ne l'empêchait pas d'être très jolie ; le mouvement qu'elle fit en descendant de voiture décelait une grâce alerte et fine, son chapeau qu'une nuit de chemin de fer n'avait pas épargné laissait voir une lueur de cheveux de ce châtain doré..."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.

• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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Page de titre-1
Aux chères Compagnes de ma pensée et de mon cœur À MA FEMME À MES FILLES qui, pendant les heures d’angoisses où ces pages furent écrites, ont été par leur énergique confiance, leur tendresse attentive et leur héroïque constance, le meilleur réconfort et l’aide la plus sûre. Ce livre est dédié. PREMIÈRE ΡΑRTIΕLa Française La jeune fille, que l’auto de la station venait de déposer devant la porte de M. van Laouten, paraissait fort émue sous les premières blancheurs d’un brumeux matin de Hollande. Cela ne l’empêchait pas d’être très jolie ; le mouvement qu’elle fit en descendant de voiture décelait une grâce alerte et fine, son chapeau qu’une nuit de chemin de fer n’avait pas épargné laissait voir une lueur de cheveux de ce châtain doré qui est particulier à notre race de femme et qui participe à toutes les nuances, en prenant à chacune une douceur et une signification. La jeune fille sonna à une porte où le nom du propriétaire de l’immeuble s’inscrivait en lettres noires sur une ovale plaque de cuivre et tout de suite vit s’ouvrir devant elle un raide escalier qui montait aux étages supérieurs. Une belle et large Frisonne à coiffe blanche, aux bras roses, nus jusqu’au-dessus du coude, se tenait sur la première marche, assez effarée d’avoir à répondre à la phrase française de la visiteuse. Celle-ci vit que même en parlant très mal allemand, elle n’arriverait pas à se faire comprendre et finit par prononcer avec toute la rudesse possible le nom de M. Joris-Théodore van Laouten. Il fallut plusieurs tentatives pour que ce nom, mal modulé pour les oreilles puristes de Suzy, parvînt à pénétrer dans l’épaisse masse cervicale de la servante qui cependant, à la fin, parut subitement illuminée : – Ah ! M. van Laouten, s’écria-t-elle, en restituant à son maître certaines syllabes gutturales que l’étrangère avait négligées, ya, ya, mynherr van Laouten, hir, hir. Et sa bonne figure s’éclairait, joyeuse d’avoir compris. Elle monta précipitamment l’escalier aux marches rouges en faisant signe à la jeune fille de la suivie et, arrivée au bout, lui montra une porte protégée par un épais capitonnage : – Hir, hir, persuadait-elle, en faisant signe d’entrer à la matinale visiteuse, qui se décida à tourner le bouton qu’on lui indiquait. Elle se trouva au seuil d’une vaste pièce, ennoblie de lourds meubles flamands, tendue de tapisseries assez belles. Les doubles fenêtres qui donnaient sur le Woorhout laissaient passer un jour assez morne ; pourtant, çà et là, des glaces, des objets frisons d’un éclat mat, semblaient attirer, pour la retenir, toute la clarté éparse dans la pièce. Tout était propre, chaud et cossu ; la tristesse hautaine qui régnait dans cette pénombre était, on le sentait, voulue par tradition et par goût ; mais elle pouvait contenir du bonheur. M. van Laouten était assis à sa table, dans l’angle de la croisée ; il rappelait ainsi ces tableaux d’intérieur de l’École hollandaise où toute l’ombre s’épaissit autour d’un personnage lumineux qui l’éclaire et la détaille. Il s’était levé, tout de suite un peu inquiété par la beauté de celle qui venait d’apparaître. C’était un homme d’une cinquantaine d’années qu’animait une âme de fonctionnaire ; on sentait que ses yeux bleus s’étaient fanés sur de graves paperasses inutiles et d’importantes futilités administratives ; mais ils révélaient de la bienveillance et cette fugitive trace de désenchantement qu’imprime à certains caractères le sentiment d’une vie terminée sans avoir été remplie. Comme il demeurait immobile, un sourire interrogateur aux lèvres, la nouvelle venue prit dans son sac une carte de visite et la lui tendit. Il lut : Valentine de Clare, et s’inclina poliment. – Veuillez-vous asseoir, mademoiselle. Vous êtes Française, je crois. – Française, oui, monsieur. Il se taisait encore, elle ajouta : – Permettez-moi de vous rappeler, monsieur, que vous avez dû déjà recevoir une lettre de moi. Je vous suis adressée par l’Agence Badin à qui vous avez demandé une… une institutrice pour mesdemoiselles vos filles. – En effet, je me souviens ; on m’a même envoyé une photographie. Il s’était rassis, ouvrit un tiroir, en sortit une image qu’il examina sous son lorgnon. – Je dois avouer que cette épreuve n’est pas flattée, l’original la fait mentir. Eh bien, mais, en effet, j’ai montré cette carte à mes filles et votre physionomie ne leur a pas déplu. Mais, dans votre lettre, vous donniez peu de renseignements sur vous-même et ne faisiez pas mention de vos prétentions comme gages. Ce mot malheureux fit à la jeune fille l’effet d’une brutale lanière cinglant les flancs d’un pur-sang ; elle se leva toute droite. – Je m’imaginais que l’Agence Badin avait traité de tout cela et fourni les références nécessaires ; je m’aperçois que j’ai commis une étourderie en me hâtant trop de venir à La Haye, je croyais que nous étions d’accord…, mais si je suis importune je vais me retirer. – – Mais non, mademoiselle, mais non ; pardonnez-moi les questions que je suis forcé de vous adresser et croyez à toute ma sympathie. L’institutrice s’aperçut que M. Joris van Laouten était beaucoup plus intimidé qu’elle-même et consultait vainement ses notes. Le double lorgnon joua encore son rôle. – Voyons… vous êtes mademoiselle Valentine de Clare ? Mais, attendez donc, je connais ce nom… Ah ! oui, vous êtes la fille de Valentin de Clare, écrivain distingué dont j’ai lu les écrits ; la Rosée de Mai, par exemple. De nouveau l’interrogée se regimbait, indignée : – Non, monsieur, mon père n’a jamais écrit la Rosée de Mai. – Ah ! excusez…, je suis étranger. Enfin, je connais très bien le nom de monsieur votre père, j’ai vu sa photographie dans des journaux illustrés. C’est un homme célèbre. – Mon père n’existe plus, monsieur. – Ah ! pardon, mademoiselle, pardon encore. Monsieur votre père est mort et… vous a laissée sans fortune ? – Complètement sans fortune. Papa gagnait pas mal d’argent, mais la maison était lourde ; il avait aussi de gros arriérés à combler… Enfin, nous ne faisions pas d’économies. M. van Laouten sourit d’un air entendu. – Je comprends… les artistes… – Oh non, monsieur, les artistes dépensiers, c’est une vieille légende du temps de Dumas père. Les artistes prodigues et imprévoyants… ils ne sont plus comme cela maintenant, ils administrent leur talent et achètent de la Rente. – Ils font bien. – Mais mon père était peut-être le dernier des romantiques… et puis, c’est peut-être ridicule ce que je vais dire… dans ma position. – Mademoiselle, dans votre position, tout est respectable et rien n’est ridicule. – Eh bien, mon père était beaucoup moins fier d’être l’auteur de Soirs vainqueurs ou du Tumulte que d’être le comte de Clare, d’une famille qui se rattache à la maison royale des Stuarts. Alors, ce n’était pas d’être poète qui lui coûtait si cher, c’était d’être M. de Clare. D’ailleurs, voyez-vous, monsieur, les écrivains qui ont du talent, mais ne savent pas faire le boniment, ne gagnent jamais beaucoup. Papa disait qu’il faut de la grosse caisse pour en remplir une petite. – Monsieur votre père était un grand artiste et il avait le respect de ce qu’il était. Je me souviens, maintenant, j’ai assisté à une représentation du Tumulte. C’est une pièce superbe. – Et ce fut un demi-four. Mais il ne s’agit pas de cela et je vous demande pardon, monsieur, de vous parler de moi si longtemps ; vous me l’avez demandé. Eh bien, après la mort de mon pauvre papa, les amis sont accourus, très gentils… et les créanciers aussi… très pressés. J’ai pu liquider sans qu’on en vienne à une saisie, en prenant des engagements et en faisant moi-même une vente volontaire qui a été bonne. Bref, il m’est resté, avec quelques dettes à plus longue échéance, un petit capital de quelques mille francs. Alors j’ai pensé qu’il fallait vivre, puisque c’est une habitude qu’on a prise et que, pour vivre, il fallait travailler. On m’a proposé un tas de choses : d’être vendeuse chez un grand couturier, de faire des chapeaux chez une modiste de la rue de la Paix ; il y en a qui voulaient absolument que je devienne féministe ; il paraît que c’est une profession maintenant. M. Joris dit gaiement : – Oui, mais c’est une profession pour femmes laides et… – Merci. Après cela, je l’avoue, j’ai songé au théâtre. – Au théâtre ? – Pourquoi pas ? C’est une carrière comme une autre. – Comme une autre… – Que voulez-vous… il n’y a pas encore d’études de notairesse à vendre et d’ailleurs j’aurais été bien embarrassée pour en acheter une… Pour être avocat ou docteur, il faut des diplômes que je n’ai pas. Non, le théâtre me souriait assez, j’ai joué autrefois de petits actes chez mon père et tout le monde criait alors que j’avais beaucoup de talent. Quand j’ai eu besoin de ce talent pour vivre, tout le monde m’a conseillé de ne pas compter dessus. Malgré cela j’ai été trouvé un directeur… – Eh bien ?… Valentine de Clare rougit un peu et détourna la question. – Je vous raconterai une autre fois notre entrevue. Enfin, cette entrevue m’a décidée à choisir l’enseignement. Je suis bonne musicienne, je connais mes auteurs, j’ai passé mon brevet supérieur, presque en cachette de mon père qui avait horreur de tout ce qui est examen ou concours ; mais parce que je me doutais de ce qui arriverait un jour. Seulement bien que j’aie eu pendant toute mon enfance des Miss et des Fräulein, je sais très mal l’anglais et pas très bien l’allemand. – C’est dommage pour les deux. – Alors, comme chaque fois que je me présentais pour entrer dans une famille, on me demandait avant tout si je possédais une langue étrangère, je me suis dit que si je passais la frontière, si j’étais en Hollande, par exemple, eh bien, je saurais au moins une langue étrangère : le français. – Vous le parlez même à merveille. Le binocle détendu entre les doigts courts et blancs se balançait comme un bâton de chef d’orchestre pour marquer les temps, souligner les effets, indiquer l’improbation ou la faveur. M. van Laouten à son tour parla : – Mes filles aussi, dit-il, savent très bien le français ; mais elles doivent surtout étudier votre littérature parce que je désire qu’elles épousent des diplomates. – Alors ?… – Vous savez que, dans cette carrière, on dîne beaucoup en ville. Alors, quand on n’a rien à dire avec son voisin de table, on peut toujours parler de la littérature française, n’est-ce pas ? – Vous voudrez bien m’indiquer de quel côté je dois diriger les lectures de ces demoiselles ? – De tous les côtés. Il se leva, il voulait abréger l’entretien pour épargner la timidité de la jeune fille ; c’était à la sienne à lui qu’il faisait grâce. Pourtant il dut la surmonter pour demander encore : – Maintenant que nous sommes d’accord, voulez-vous me dire si les conditions, les honoraires stipulés par l’Agence Badin vous conviennent ? – Parfaitement, monsieur. M. van Laouten parut soulagé d’un gros poids et vint appuyer son front à la vitre sur laquelle commençait à peser un lourd soleil. En face de lui le Vyverberg encadrait dans son rectangle de vieilles pierres l’eau morne qui se plissait en ronds épais sous l’avance des cygnes gagnant leur petite cabine de planches ; il médita un moment, puis revint vers Valentine. – Je dois donc vous mettre en quelques mots au courant de ma famille. J’ai eu le malheur de perdre Mme van Laouten, ma femme, il y a cinq ans. Je vis avec mes filles, Kiline, Flory et Wilhelmine. Bien que je n’appartienne pas à une famille d’antique noblesse, je suis du monde de la Cour, qui chez nous constitue une société très fermée, parce que j’ai eu l’honneur d’être à Rome ministre de Sa Majesté la Reine, et que j’ai conservé à La Haye le poste de secrétaire général des Affaires étrangères. Nous recevons tous les huit jours le soir, et des jeunes secrétaires des différentes légations viennent souvent prendre le thé ici vers cinq heures, lorsque leur service est fini. Ces petites réunions sont absolument intimes et, malgré votre deuil, vous pourrez y prendre part. Valentine dit doucement : – Vous le voyez, Monsieur, je suis en noir, mais je ne suis pas en deuil. – Je dois aussi vous donner quelques renseignements sur les caractères des trois jeunes filles que vous allez être appelée à diriger. Elles sont très intelligentes, très au courant du monde, il ne leur manque qu’un peu de culture française. Je sais bien que cette culture est un peu frivole et artificielle, mais on la considère comme obligatoire. Kiline, l’aînée de mes filles, a vingt-deux ans, c’est une nature d’une grande sensibilité et d’une bonté extrême ; quant aux deux autres, Flory et Wilhelmine, elles sont encore des enfants, surtout la dernière à qui je ne reproche que d’être un peu égoïste. Enfin, vous les jugerez vous-même. Je vais les faire appeler. Et M. Van Laouten, heureux de voir finir cette entrevue, sonna pour demander ses filles qu’il connaissait si bien. Elles entrèrent en trombe et s’arrêtèrent glacées par l’aspect de Mlle de Clare, debout, dans l’ombre, sous le toucher blanc de la fenêtre. – Qu’y a-t-il, papa ? – Mes chéries, je vous présente Mlle Valentine de Clare qui veut bien se consacrer à parfaire votre éducation en français. Je sais d’avance que vous ferez de votre mieux pour lui rendre agréable le séjour de la Hollande. – Certainement, papa, quelle chambre donnerons-nous à Mademoiselle ? Wilhelmine, la petite, dit vite : – Celle à côté des nôtres, au second.

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