Virginie
J'étais montée dans le taxi en fulminant. Frédéric aura de mes nouvelles. Pour qui se prenait-il ? Je lui avais pourtant demandé d'ôter son alliance avant de venir nous rencontrer. J'éprouvais une rage sans nom.
J'avais été tentée de l'appeler dès que je m'étais assise dans le taxi, mais l'idée de me donner en spectacle m'avait empêchée de le faire. Nous étions en effet quatre dans ce taxi et je n'avais pas besoin qu'ils sachent que j'étais en couple avec un homme marié.
Je descendis du taxi à près de cinq cents mètres de la maison afin de pouvoir l'appeler loin des oreilles indiscrètes.
La sonnerie résonna pendant de longues secondes dans mes oreilles avant de s'interrompre. Je retentai l'expérience à plusieurs reprises, sans succès. Je me résignai à rentrer à la maison. Je lançai avec rage mon téléphone dans mon sac après, bien évidemment, l'avoir mis en mode vibration.
J'étais sur le point d'ouvrir la porte d'entrée de la maison lorsque je sentis mon téléphone vibrer dans mon sac. Je fis silencieusement quelques pas en arrière et décrochai.
- Allô chérie, lança Frédéric.
- Comment oses-tu m’appeler ainsi après le coup que tu m’as fait ? demandai-je d’une voix altérée.
- Virginie, je ne t’ai jamais caché que j’étais un homme marié, et tu n’y as jamais vu d’inconvénient. Je pense qu’il est inutile de faire semblant devant ta sœur. J’ai passé l’âge, répondit Frédéric d’une voix calme.
- Mais cela ne te donnait pas le droit de décider pour moi. J’aurais préféré le lui dire plus tard, et c’était mon plein droit, ripostai-je avec fougue. Du moins, j’aurais aimé savoir que tu comptais venir avec ton alliance. Je n’ai vraiment pas aimé être prise de court ainsi.
- Et cela aurait changé quoi, au juste ?
- Laissons tomber, tu ne veux pas comprendre, apparemment, répondis-je sèchement.
Un lourd silence s'installa sur la ligne.
- Virginie, si tu veux arrêter, tu n'as qu'à me le dire, lança sèchement Frédéric.
- Non chéri, absolument pas, répliquai-je tout à coup d'une voix mielleuse. Je voulais simplement...
- Que se passe-t-il ici ? entendis-je la voix glaciale de ma mère dans dos.
Mon cœur se mit à battre de manière désordonnée. Je raccrochai immédiatement et me tournai vers elle, le cœur en émoi.
- Qui est ce chéri ? Et surtout, depuis quand as-tu un téléphone ? en me regardant avec attention.
- Euh... euh... en fait, bégayai-je lamentablement.
Maman me tira brusquement par le bras et m'entraina sans ménagement vers la maison. Mon cœur reprit sa course effrénée dans ma poitrine.
Elle s'installa sur le canapé au salon et me fis signe du regard de prendre place près d'elle. C'était la première fois que je voyais cette lueur de sévérité dans le regard de ma mère. Même lorsque je séchais les cours, elle me réprimandait généralement avec mollesse. J'avoue être décontenancée par cette attitude.
- Depuis quand as-tu un téléphone ? répéta-t-elle sans me lâcher un seul instant du regard.
J'avais ce téléphone depuis près de six mois, et aucun membre de ma famille n'était au courant, à part Arnaud et Beverly. J'avais convaincu Arnaud de se taire simplement en lui filant quelques billets de banque. Beverly, elle, l'avait découvert par inadvertance… et maintenant, maman aussi. N’eût été ma colère envers Frédéric, je n'aurais jamais commis cette imprudence.
- J'attends, s'impatienta maman.
La voix sèche de maman me tira brusquement de mes pensées.
- Euh... euh... maman... euh... c'est mon copain qui me l'a offert.
- Tu as un copain ? demanda maman en écarquillant les yeux. Quel âge-a-t-il ? Et que fait-il dans la vie pour t'offrir un téléphone ?
- Euh... Frédéric travaille comme cadre dans une banque. Il a trente ans.
Les yeux de maman s'agrandirent une fois de plus.
- Et c'est lui qui t'a offert ce téléphone, tu dis ?
- Eh, oui maman... répondis-je d'une voix craintive.
- Je vois.
Maman resta ensuite pensive un long moment.
- Que te donne-t-il d'autre ? demanda maman.
Où voulait-elle en venir ?
- Dans quel sens, maman ? demandai-je d'une petite voix.
- À part ce téléphone, t'a-t-il offert autre chose ?
- Euh... parfois, des chocolats, des vêtements et aussi de l'argent.
- De l'argent ? Combien exactement ?
- Ça dépend maman, parfois 70.000 francs, parfois un peu plus, parfois un peu moins.
- Je vois, répondit maman en secouant la tête de haut en bas d'un air pensif. Et pour les vêtements, pourquoi ne t'ai-je jamais vue avec des vêtements neufs ?
- Euh... euh... parce que je les porte rarement.
- Amène-les-moi, riposta simplement maman.
Je la fixai un instant, tentant de deviner ses pensées. Puis, après un léger soupir, je me levai et me dirigeai vers ma chambre. Quelques instants plus tard, je revins au salon tenant à la main un sac contenant tous les présents offerts par Frédéric.
Maman se mit à les passer en revue, les examinant sous toutes les coutures.
Puis, elle leva le regard vers moi et déclara simplement :
- Dis-lui que je veux le rencontrer.
- Euh... maman, il est marié, lâchai-je d'une voix craintive.
Avec le coup de l'alliance qu'il m'avait fait avec Beverly, je préférais éviter des surprises désagréables. En plus, Beverly étant déjà au courant, aurait pu en parler à maman.
- Dis-lui que je veux le rencontrer, répéta tout simplement maman.