chapitre1

850 Words
La chaleur écrasante de ce mois béni du Ramadan n’arrangeait en rien ma situation. Depuis des jours, je vivais ce calvaire, un quotidien si éreintant qu’il m’arrivait d’avoir envie de tout lâcher. Céder, piétiner ma fierté, et quémander auprès de ces vautours riches, insensibles à la pitié. Il était si difficile de suivre le rythme, de se faire une place dans cette société qui ne pardonne rien, où gagner dignement sa vie relevait de l’exploit. Hélas, me voilà encore une fois à arpenter le centre-ville, cherchant désespérément un emploi. Même un poste de ménagère serait une bénédiction. Je n’ai pas le luxe de choisir. Tout ce que je veux, c’est trouver quelque chose pour soulager cette urgence, cette pression qui ne cesse de croître. Et pourtant, à quoi me sert mon diplôme d’ingénieure en informatique si je ne peux même pas obtenir un poste de serveuse ? Ni celui de technicienne de surface ? Rien, nada. Quand on est pauvre et sans réseau, nos chances sont quasi nulles. Je suis la preuve vivante de cette injustice. ****** Je me retrouve assise dans les locaux de l’entreprise IC&S Compagnie, jouant nerveusement avec mes doigts, incapable de cacher mon anxiété. Mon dernier espoir repose ici. Je ne peux pas rentrer les mains vides, pas cette fois. Le temps presse, l’urgence est réelle. Soudain, la secrétaire s’adresse à moi d’un ton sec, interrompant mes pensées. – Vous pouvez entrer, M. Sy vous attend, dit-elle avant d’ajouter un long "tchip" en se levant pour regagner son bureau. Je l’ignore. Pas question de gaspiller mon énergie à me crêper le chignon avec quelqu’un d’aussi désagréable. Inspirant profondément, je me lève et me dirige vers la porte du bureau, tentant d’adopter une démarche assurée. Je toque doucement. Une voix grave, mais chaleureuse m’autorise à entrer. À l’intérieur, je découvre un homme jeune et charmant, assis dans un bureau décoré avec un goût exquis. Les meubles modernes, les murs ornés de tableaux élégants… Tout respire le luxe et la réussite. Je m’avance, tâchant de cacher ma nervosité derrière un sourire radieux. – Bonjour, M. Sy, dis-je en tendant la main. – Bonjour, Mlle Diop. Asseyez-vous, répond-il avec un sourire qui mêle politesse et une pointe de charme. Il feuillette mon CV avec une attention particulière avant de lever les yeux vers moi. – Je vois que vous avez un parcours impressionnant. Vous êtes parmi les meilleurs dans votre domaine. Félicitations ! Son compliment me fait chaud au cœur. Pour la première fois depuis longtemps, j’ose espérer. Peut-être qu’enfin, cette galère prendra fin. – Merci beaucoup, monsieur, dis-je en souriant timidement. – Pas de "monsieur". Appelez-moi Djibril Tall, corrige-t-il avec une familiarité désarmante. – Très bien, Djibril. Vous êtes toujours aussi aimable avec vos employés ? lui demandai-je, intriguée. – Pas tous, non. Seulement avec certains, répond-il avec un sourire qui laisse entendre plus qu’il ne dit. Je décide de ne pas relever. Mon regard se porte sur mon dossier posé sur son bureau. – Alors, qu’en est-il ? demandai-je, impatiente. Il pousse un soupir avant de répondre, un sourire énigmatique aux lèvres : – Vous avez un excellent parcours, mais chez IC&S, nous ne recrutons que l’excellence, pas les débrouillards. Je ne pense pas pouvoir vous offrir ce poste. Ses mots tombent comme une douche froide. – Comment ça ? Je ne prétends pas être la meilleure, mais je suis certaine de pouvoir répondre à vos attentes. Je vous demande juste une chance, insisté-je, désespérée. Djibril se redresse dans son fauteuil, croisant les doigts devant lui. Son regard devient plus perçant, presque intimidant. – Vous voulez ce poste ? Très bien. Moi aussi, j’ai besoin de quelque chose, dit-il avec un sourire lourd de sous-entendus. – Qu’est-ce que vous voulez dire ?, demandai-je, méfiante. – Rien de compliqué. Juste… votre corps, lâche-t-il sans une once de gêne. Je le regarde, incrédule. – Vous êtes malade !, m' exclamai-je,révoltée. Comment un homme de votre rang, respecté et intellectuel, peut-il dire une chose pareille ? Je suis à peine capable de contenir ma colère, mais mon téléphone vibre, interrompant mon indignation. C’est un appel de mon père. Ce doit être important. – Oui, papa ? Tout va bien ?-je, inquiète. – ... – Comment ça, elle a rechuté ? Les médecins refusent de la prendre en charge ? – ... – Toujours l’argent… D’accord, papa, j’arrive tout de suite. Ne t’inquiète pas, maman va s’en sortir. Je raccroche, le cœur lourd. Djibril me fixe avec un sourire narquois, visiblement amusé par la situation. – Je vois que vous avez des problèmes d’argent, lance-t-il. Votre mère est malade, et vous ne pouvez rien faire pour elle. À part, bien sûr, rester à son chevet et la regarder s’éteindre lentement. Ses paroles, cruelles et calculées, transpercent mon cœur. – Mame Ndella Diop, il faut savoir faire des sacrifices parfois. Alors ? Que dites-vous de ma proposition ? Ma mère… Cette femme qui a tout sacrifié pour moi. Qui m’a nourrie, protégée, vendu ses bijoux pour financer mes études, dans l’espoir qu’un jour, je la sortirais de la misère. Que faire ?
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