chapitre 2

982 Words
Comme je m’y attendais, la proposition de Djibril Sy ne m’a même pas surprise. J’avais espéré naïvement qu’il ferait preuve de bonté, qu’il serait l'exception, l'homme avec une conscience. Mais j’étais simplement en train de me bercer d'illusions. Il est comme tous les autres : égoïste et sans cœur. – Monsieur, s’il vous plaît, ne soyez pas un sans cœur, je vous en prie, suppliai-je, ma voix tremblante de désespoir. J’ai vraiment besoin de ce travail, c’est une question de vie ou de mort. Faites preuve de bonté, je vous en prie. Il s’appuya sur son bureau, me dévisageant comme si je n’étais qu’un objet à examiner. Son regard était froid, distant. – Regarde-toi bien, Ndella. Tu as des atouts que tu devrais savoir exploiter. Je parle de ta beauté… tu es d’une beauté dévastatrice, et ta silhouette… n’en parlons même pas, dit-il, un sourire perfide aux lèvres. Là, je te fais une offre plus qu’alléchante. N’importe quelle fille à ta place accepterait sans hésiter. Je serrai les poings, me forçant à garder mon calme, ma dignité. Il m’insultait, il me dévalorisait, mais je ne me laisserais pas faire. Ce que je croyais en moi, ce que j’avais à offrir ne se résumait pas à ce qu'il attendait. – Heureuse que vous ayez dit "n’importe quelle fille". Mais je ne suis pas n’importe quelle fille, monsieur. J’ai mes principes. Ce que vous me demandez va à l’encontre de tout ce que je suis, répliquai-je fermement. Il haussait un sourcil, visiblement amusé par ma réaction. – Quel principe ? Il n’y a plus de règle dans ce monde, Ndella. L’argent a tout corrompu. Ne viens pas me faire ton cinéma. C’est à toi de voir si tu veux vraiment ce boulot, continua-t-il, son ton moqueur s’intensifiant. Je pris une grande inspiration, essayant de rassembler tout ce que j'avais de courage et de force intérieure. – Monsieur, j’ai tellement besoin de ce travail, ma maman est souffrante. J’ai besoin de ce salaire pour lui assurer les frais de son hospitalisation. Mais pas en acceptant ce que vous me demandez de faire. Je sais que vous n’êtes pas un monstre, vous avez juste oublié ce qu’est l’humanité. Ayez au moins pitié de cette vieille femme mourante, qui ne réclame que des soins pour sortir de sa maladie. Vous avez une fortune, monsieur. Dieu vous a confié ce bien, pas seulement pour satisfaire vos désirs personnels, mais pour aussi prêter main-forte à ceux qui en ont besoin. Imaginez un instant si c’était votre mère sur ce lit d’hôpital. Quelle réaction auriez-vous ? Je m’étais laissée emporter par la situation, mais chaque mot que je prononçais venait du plus profond de mon âme. J’avais besoin qu’il comprenne. Il ne bougea pas, son regard se durcit encore plus, et il s’imposa d’un ton tranchant. – Trêve de bavardages ! Je ne vous permets pas de me faire des leçons de morale, siffla-t-il, irrité. J’ai du travail à faire, alors soit tu acceptes, soit tu quittes mon bureau, maintenant. Sa réponse fut un coup de poignard dans mon cœur. Le regard glacial qu’il me lança me fit comprendre qu’il n’avait aucun scrupule. Je savais que je n’étais plus qu’un pion dans un jeu cruel, un jeu dans lequel ma dignité n’avait pas sa place. Je me levai, les jambes tremblantes, mais mon esprit était plus clair que jamais. J’étais piégée. Ma mère était à l’hôpital, souffrante, et tout ce que je pouvais faire, c'était la regarder se battre pour sa vie sans pouvoir l’aider. Mais elle m’avait élevée seule, elle m’avait tout donné, sacrifié sa vie pour que je sois quelqu’un de meilleur. Elle m’avait montré que l’honneur et la dignité étaient les seules choses que personne ne pouvait me voler. Je ne pouvais pas faire marche arrière, je le savais. Accepter cette proposition aurait été trahir tous ses sacrifices. Mais rester sans rien faire n’était pas une option non plus. – Vous ne comprendrez jamais, Djibril. Vous ne savez pas ce que c’est d’être une fille unique, d’avoir une mère qui a tout sacrifié pour son enfant, répliquai-je d’un ton désespéré. Mais je ne peux pas accepter ce que vous me demandez. Je préfère mourir de faim que de perdre mon honneur pour un poste. Il me dévisagea un instant, comme s’il cherchait à percer mon âme. Puis il soupira, lassé. – Très bien, Mlle Diop, dit-il en se levant brusquement. Puisque vous refusez mon offre, vous pouvez quitter mon bureau. Vous n’aurez pas de place ici. Vous êtes trop naïve pour comprendre comment fonctionne ce monde. Vous serez toujours une simple victime, et je me fiche de ce qui vous arrive. Je partis sans dire un mot de plus. Les portes du bureau se fermèrent derrière moi avec un bruit sec. La réalité de la situation me frappa de plein fouet. J’avais échoué. Et pourtant, quelque part, je sentais que cette défaite était la plus grande victoire de ma vie. ****** Je quittai l’immeuble en traînant des pieds, le cœur lourd, le visage marqué par l’épuisement. Mais à mesure que je marchais dans les rues, une idée germa dans mon esprit. C'était peut-être le moment de changer de direction. Peut-être que je n'avais pas besoin de ce travail pour prouver ma valeur. Je rentrai chez moi et trouvai mon père, épuisé et affligé, à côté du lit de ma mère. – Papa, je suis désolée… je n’ai pas pu l’obtenir, dis-je en baissant les yeux. – Ce n’est pas grave, Ndella. Nous trouverons une solution, me répondit-il en prenant ma main. Nous avons une chance, il suffit de se battre. J'avais pris ma décision. Peut-être qu'il était temps de prendre mon destin en main, d’ouvrir une nouvelle voie. Si je ne pouvais pas dépendre de ce système, alors j’allais créer ma propre chance, pour ma mère, pour moi, pour mon honneur. Je n’allais pas me laisser faire.
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