La pluie battait contre les fenêtres, ses gouttes frappant le verre avec une insistance presque dérangeante. J'étais assise à la petite table en bois de la cuisine, une tasse de thé froid entre les mains, les pensées embrouillées. Mon esprit n'arrivait pas à se détacher de la rencontre avec Djibril Sy. Il m'avait rejetée comme une vieille chaussette, me laissant avec l'impression de ne rien valoir, malgré tous mes efforts.
Ma mère était dans la chambre à côté, inconsciente de tout, allongée sur son lit, son souffle irrégulier. Je savais que chaque jour comptait, chaque minute perdue pouvait être fatale pour elle. Mais je n'avais plus de solution, pas d'argent, pas d'aide, rien. J'étais piégée dans ce labyrinthe de la pauvreté, où tout semblait contre moi. Mais au fond de moi, une petite voix persistait. Ce n'était pas la fin. Pas encore.
Je me levai brusquement, renversant ma tasse de thé sur la table, et laissai les pensées envahir mon esprit. **Je ne pouvais pas abandonner.** Je devais trouver un moyen de sauver ma mère et de m'en sortir. Mais comment ?
Mes yeux se posèrent sur le téléphone qui reposait sur le comptoir. Il vibra soudainement, me tirant de mes réflexions. C'était un message de Pape, l'un de mes anciens camarades d'université. Nous n'avions pas parlé depuis un moment, mais je savais qu'il avait des contacts dans le monde des affaires. Peut-être qu'il avait une solution, un plan.
J'attrapai le téléphone, l'ouvrant précipitamment pour lire son message :
*« Salut Ndella, j'ai une opportunité qui pourrait t'intéresser. C'est risqué, mais ça pourrait changer ta situation. On en parle ce soir ? »*
Je n'hésitai pas. **Risqué**, cela signifiait probablement quelque chose d'inhabituel, quelque chose en dehors des sentiers battus, mais je n'avais plus le luxe de faire la fine bouche. Si je devais prendre des risques pour sauver ma mère et moi-même, alors je n'avais pas d'autre choix que de sauter dans l'inconnu.
Je tapai rapidement ma réponse.
*« Je suis partante. Où et quand ? »*
Une réponse immédiate arriva.
*« 20 h, au café du coin. Je t'attends. »*
Je n'avais pas de temps à perdre. L'horloge tournait, et chaque seconde qui passait me rapprochait de la fin de ce mois de ramadan. Un mois qui, au lieu de la sérénité, ne faisait que renforcer mon désespoir.
### **Le Café du Coin**
Le café était petit, presque clandestin. L'endroit avait un charme particulier, comme un lieu où les gens venaient pour oublier le monde extérieur. L'odeur du café fraîchement moulu et le doux murmure des conversations dissimulaient la tension dans l'air. Pape était déjà là, assis dans un coin sombre, son visage marqué par l’expérience. Il avait toujours eu ce regard mystérieux, comme quelqu’un qui en savait beaucoup mais n'en disait jamais trop.
Je m'assis en face de lui, et avant même que je puisse dire un mot, il m'observa longuement.
– Tu as l'air épuisée, Ndella. Mais tu m'as dit que c'était une question de vie ou de mort. Alors dis-moi, qu'est-ce que tu es prête à faire ?
Je ne répondais pas immédiatement. Ce genre de question était trop direct, trop brutal. Mais je savais que je ne pouvais plus me permettre d’être timide. Le temps n’était plus à l’hésitation.
– J’ai besoin d’argent, et vite. Ma mère a besoin de soins, et je suis prête à tout pour l’aider, même si cela veut dire sortir de ma zone de confort, dis-je, les yeux plongés dans les siens, avec une détermination farouche.
Pape hocha la tête et se pencha en avant, son ton devenu plus grave.
– Je suis dans une situation un peu particulière. J’ai un contact qui peut nous offrir une solution, mais c’est un peu… risqué. Il s’agit d’un projet un peu en dehors des sentiers battus. C’est l’opportunité d’entrer dans un cercle d’investisseurs privés, des gens qui recherchent des talents… ou des personnes comme toi. Des personnes prêtes à tout pour réussir.
Je le regardai, incrédule. Cette proposition semblait trop belle pour être vraie. D’un côté, il y avait l'espoir de sortir de la misère. De l’autre, la peur de m’engager dans quelque chose de dangereux, voire immoral.
– C’est quoi ce projet exactement ? demandai-je, ma voix teintée de méfiance.
Pape marqua une pause. Il savait que sa réponse serait décisive.
– Il s’agit d’un réseau d’investisseurs privés qui cherchent à investir dans des projets innovants… mais aussi dans des situations désespérées. Je connais un homme, un gros poisson, qui pourrait t’aider, mais il ne le fera que si tu acceptes de rentrer dans son système. Cela implique que tu sois prête à travailler en dehors des règles habituelles. Il te donnera ce que tu veux, mais tu devras jouer selon ses règles.
Je frissonnai en entendant ses mots. Chaque syllabe semblait lourde de promesses et de menaces à la fois. Je savais que cette offre était risquée. Mais je ne pouvais pas rester là à ne rien faire.
– Que dois-je faire exactement ? demandai-je, le cœur battant plus vite.
Pape se pencha encore plus près, comme pour m’en dire un peu plus, mais toujours d’une manière qui rendait l’ensemble encore plus mystérieux.
– Je te donnerai ses coordonnées. Mais c’est à toi de décider. Une fois que tu entres dans ce cercle, tu n’en sors pas facilement. Il te faudra être prête à tout, comprendre que ce ne sera pas un chemin facile. C’est une voie sans retour, Ndella.
Je n’avais plus le temps d’hésiter. Chaque minute comptait pour ma mère, et chaque seconde perdue était une chance de moins pour elle. Une seule chose était claire : si je voulais sortir de cette spirale infernale, il me faudrait prendre des risques.
Je pris une profonde inspiration.
– Je suis prête, dis-je d’une voix ferme. Que dois-je faire maintenant ?
Pape sourit, comme s’il attendait cette réponse. Il glissa une carte dans ma main, un nom inscrit dessus. Un nom qui marquerait le début de ce que je pressentais déjà être une descente dans un monde sombre et incertain.
– Appelle-le, et tu verras toi-même. C’est ton seul chemin, Ndella. C’est ton unique chance.
Je regardai la carte, mon esprit tourbillonnant. Il n'y avait pas de retour en arrière possible. Je devais avancer. Pour ma mère. Pour ma survie.