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2015 Words
Remis de ses émotions, Gabriel entre chez ses parents. Christine et Jean. Un couple vieux de quarante ans. Dix ans après leur rencontre, Christine mettait au monde Gabriel et cinq ans plus tard, une jolie jeune fille rejoignait la tribu. Appelée Léa, elle a vingt-cinq ans et étudie la médecine. Gab est très proche de sa sœur, il l’a toujours été. Il est vrai que ces derniers temps ils n’ont pas pu se voir souvent mais, ils essaient dès qu’ils le peuvent. La jeune étudiante vit toujours sous le toit familial. Elle est bien ici et les parents n’en sont pas dérangés, bien au contraire. Ils redoutent presque le jour où, ils se retrouveront seuls. Christine, a soixante ans. Elle n’est pas si vieille que ça. Elle a toujours la forme. Elle est toujours aussi énergique et jolie. Peut-être qu’un peu de chirurgie l’y a aidée… Avant de prendre sa retraite, la mère de Gabriel exerçait dans le domaine de la justice. Elle était avocate réputée dans la capitale. Jean a quant à lui, soixante-cinq ans. Architecte, on lui doit beaucoup de choses dans la Capitale et même un peu partout dans le monde. Sa réputation fait souvent défaut à son fils qui a suivi le même chemin. On reproche généralement à Gabriel d’avoir des idées proches de celles de son père, ou alors, peu d’ambitions par rapport à lui. Malgré ça, ils sont une famille soudée même si, Jean vit avec des idées moyenâgeuses. Il est Roi dans le domaine. Il a un avis sur tout et est très fermé quant à l’avancement du monde et ses changements. Pour lui, tout devient un beau n’importe quoi. Le réchauffement climatique ? Il n’y croit pas ! Le mariage gay ? Il s’en passerait bien et d’ailleurs, il est peut-être un peu homophobe ! Les femmes égales aux hommes ? Et puis quoi encore ! Autant dire que quand il parle politique, on est servi ! Ceux qui connaissent Jean, savent qu’il faut éviter d’aborder ce genre de sujet. Tout est très sensible avec lui et tout part souvent en dispute. Autant avec sa femme et ses enfants qu’avec les gens qu’il retrouve autour d’un verre, un dîner ou un événement familial… – Alors avec Energie ? Demande Jean à son fils. – Fade et sans ambitions, répond Gab. Énergie est une nouvelle entreprise qui cherche à s’installer ici, dans la Capitale. Gabriel est sur le coup depuis des mois entiers. Il bossait nuit et jour sur ses plans, ses dessins, sa maquette… tout ça pour que finalement, on lui mette le couteau sous la gorge. Soit il revient avec quelque chose de plus potable, soit il sera exclu du projet et verra la tour d’un autre prendre place dans la ville. Il soupire à y repenser. – Et Marie ? Questionne Christine. Elle travaille ? S'étonne-t-elle à peine. – J’imagine oui, sinon elle serait là, répond Gabriel sans trop de convictions. Christine n’est pas dupe. Elle voit que son fils n’est plus heureux dans sa relation. Elle voit aussi que depuis quelques mois, il est distant avec tout le monde. Il s’est renfermé. Il l’était déjà avant mais encore plus maintenant qu’il est sur un projet important pour sa carrière d’Architecte. Elle n’ose pas trop s’immiscer dans la vie de son fils, ni même dans sa vie amoureuse. Elle ne voit pas le problème avec Marie, elle, elle l’adore ! C’est une belle-fille parfaite ! Entrepreneuse, dynamique, professionnelle, sûre d’elle, féminine et surtout, SURTOUT, prête à lui faire des petits enfants un jour ou l’autre ! – Tu veux rester manger ? propose Christine à son fils. – Non, ça va merci, refuse Gabriel. Je venais juste dire bonjour et, je voulais voir Léa mais… mais elle n’est pas encore rentrée si ? Demande-t-il. – Non, elle est en stage, elle ne rentre jamais à la même heure, tu sais… répond sa mère. Et puis, elle est fatiguée, elle n’a le temps de rien, ses études l’épuisent, son stage encore plus… Gab s’en doutait. Bon bah… il peut partir maintenant. Il fait une bise à ses parents et sort de chez eux. Il grimpe dans sa voiture puis démarre en trombe. Il veut rentrer chez lui et en même temps, si Marie est chez eux, il souhaiterait éviter. Il n’a pas envie de la voir, pas maintenant, pas ce soir… pas… ouais, il ne veut pas la voir. Il avait fait l’effort. Il s’était levé en pensant à leur rencontre toute la journée. Toute la journée il s’est demandé si elle s’en souvenait ou si, elle le mettait à l’épreuve. Dans le doute, il avait acheté ce bouquet de fleurs, il voulait lui faire plaisir, être attentionné, comme avant. Il voulait voir le visage de Marie qu’il a connu autrefois. Il voulait la voir sourire, le remercier, le… il ne sait pas trop, la voir juste heureuse du fait qu’il ait pensé à leur rencontre et tout ce qu’il a eu, c'est « Les gens croient que j’ai besoin de fleurs comme si, je n'avais que ça à penser d’acheter des vases ! » non mais ? Il la tuerait bien à y repenser. C’est cette même femme qui lui fait parfois des crises parce qu’il n’est plus « comme avant ». Parce qu’il ne lui porte plus la même attention qu’autrefois ! Parce qu’il ne lui fait plus de cadeaux aussi pourrit soient-ils ! C’est elle ! C’est elle qui beugle quand il oublie quelque chose comme une date importante dans sa carrière ou encore, le jour où son chien est mort… p****n il s’en fout de ces conneries ! La date la plus importante, celle dont elle aurait dû pleurer de ne pas le voir y pensé, elle n’y a pas pensé ! Il pleut. Manquait plus que ça. Gabriel actionne les essuie-glaces qui lui donnent l’impression de ne servir à rien. Il serre son volant dans ses poignes. Il est énervé. Il irait bien boire un verre mais, ce n’est jamais une très bonne idée. Quand il veut boire, il faut qu’il évite de le faire. Ça part généralement en cacahuète. Il soupire. Rentrer chez lui semble la meilleure option, malgré lui. Le jeune homme regarde l’écran sur son tableau de bord, il demande à sa voiture d’appeler Marie. La radio se coupe et raisonne alors, la sonnerie d’attente. Il tombe sur la messagerie. Pied au plancher, il roule toujours. Il ne fait attention à rien et ne prend pas en compte les routes humides, glissantes et plus dangereuses du coup. Quand il arrive à leur appartement, il gare la voiture et sort pour rentrer dans l’immeuble. Il monte les marches de l’escalier, il est tellement énervé qu’il n’a pas pensé à prendre l’ascenseur. Il rentre chez lui. Il retire son manteau, ses chaussures et marche dans l’appartement. Il voit sa fiancée, là, penchée sur la table à manger à signer des papiers. En sa compagnie, le jeune mannequin qu’elle a embauché pour représenter sa marque. Gab soupire. Depuis quand elle reçoit son travail à la maison, elle ? Il fronce les sourcils. Pendant trente secondes, il se demande même si Marie ne le tromperait pas avec cet individu. Ça serait possible et ça expliquerait pas mal de choses, mais au fond, il n’y croit pas longtemps. Marie est une femme trop loyale pour se rabaisser à ça. Elle préférerait se séparer de Gabriel avant de fréquenter un autre homme ça, c’est une certitude ! – Tu es là ! Lance Marie. J’fais deux trois trucs et… Gabriel place sa main sur la nuque de sa fiancée et, il l’embrasse. Il le fait non pas parce que l’envie lui prenait, mais plus pour rappeler au jeune homme assis à côté, que c’est surtout sa femme à lui et à personne d’autre. Romain peut bien la reluquer s’il veut, ça ne changera rien ! Marie sera toujours la fiancée de Gabriel. – D’accord… dit la blonde en riant nerveusement. Est-ce que ça va ? S'inquiète-t-elle. Elle pose la question en empilant un tas de feuilles correctement. Tas qu’elle agrafe et qu’elle donne à son nouvel employé. Il la remercie. Gabriel regarde Romain, il le fait tout en glissant sa main sur le creux de la taille de Marie. Il tient toujours à montrer au jeune mannequin que Marie, c’est sa fiancée cependant, ses yeux détaillent le garçon. Il est blond, il a les yeux bleus. Son corps semble sculpté, tels les mannequins d’aujourd’hui, il est plutôt un bon choix pour représenter la marque de Marie, ça il ne peut le nier. Là n’est pas le problème, le problème, c'est qu’il l’a trop vu avec elle en si peu de temps. – Bon bah voilà… souffle Marie. Demain, tu te rends à l’adresse que je t’ai donnée et je t’y rejoindrai, je serai là, je suis toujours là pour les shootings ! Se vante presque la blonde. Je tiens à ce que tout soit parfait, je suis un peu difficile à vivre et exigeante mais… Madame s’éloigne pour raccompagner Romain. Gabriel la laisse partir sans plus écouter ce qu’elle raconte, et ce qu’il a entendu dire à tous ceux avec qui elle commence à travailler. Il regarde sa maquette posée là, livide, moche, fade et sans ambitions comme ils lui ont dit. Il soupire. Il a besoin d’une bouteille de Jack Daniel, vraiment. – Il est homosexuel hein ? S'amène Marie. Romain… précise-t-elle. Il est homo. – Ok ! Dit Gab. C’est un critère maintenant ? Demande-t-il. Genre, on a besoin de le dire dans son CV ? Comment tu le sais ? Questionne le garçon. – Je le sais parce que je regarde ce que font les gens que je vais entretenir pour la marque ! Répond simplement la blonde. Je le sais parce qu’il l’assume et qu’il en fait une force. Je le sais parce que dehors, il y a des gens qui utilisent Twitter et **, Gab. « Twitter et ** » ouais… Gabriel a essayé de s’y mettre, mais tous ses comptes sont à l’abandon. Il ne parvient pas à trouver une utilité à ces choses. Au départ, il l’avait fait pour partager ses ambitions, ses maquettes, ses dessins, ses plans, ses photos… ses bâtiments qui ont vu le jour parfois… il a vraiment essayé, mais il s’est lassé avant d’avoir réussi quoique ce soit. Il entretient un site web. Pour lui, ça vaut mieux que les réseaux sociaux. – On est quel jour ? Fait semblant de demander Gabriel. – Mardi, répond Marie. – La date ? – Le vingt-quatre ! Elle marche vers la cuisine ouverte. Tu ne le sais pas alors que tu me répètes depuis trois mois que le vingt-quatre, c’est le jour où, tu dois présenter ton projet ? Demande-t-elle en riant doucement. Non au contraire, il le sait et ce n’est pas pour ces raisons. – Comment ça s’est passé ? Questionne Marie après s’être servie un verre d’eau. Si mal que ça ? L’architecte hausse les épaules. – Ils disent que tout ce que je présente ressemble à ce que j’ai déjà fait construire. Enfin…, à ce que j’ai déjà donné à d’autres ! Précise Gab. Que c’est sans prise de risques, sans ambitions, que c’est fade, rappelle-t-il pour la millième fois. J’m'y suis fait. Ils n’ont pas tort, tu as vu le truc ? Demande-t-il en pointant du doigt sa maquette. Ça ressemble à tout ce qu’on a déjà ici. C’est… nul à chier ! – Tu es dur avec toi-même… lui dit Marie. Il s’en fout. Il hausse les épaules. Il regarde le courrier sur la table puis, il regarde sa fiancée qui s’amène pour jeter un œil à la maquette. Elle étouffe son souffle. Elle doit convenir du fait que ce n’est pas la meilleure qu’il ait faite… Peut- que la prochaine aura son succès ? Elle espère pour Gabriel. Elle le voit sombrer depuis quelques mois mais, elle ne sait pas exactement pourquoi. Ils n’en discutent pas forcément, ils n’en ont pas le temps, mais elle voit tout.
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