bc

La Voilette bleue

book_age12+
detail_authorizedAUTHORIZED
0
FOLLOW
1K
READ
like
intro-logo
Blurb

Extrait : "Le vieux Paris s'en va. On a démoli l'ancien Hôtel-Dieu, mais il attristait encore, il y a dix ans, le parvis Notre-Dame, et sa façade délabrée barrait la vue de la rivière à ceux qui venaient admirer la cathédrale immortalisée par Victor Hugo ; des provinciaux ou des étrangers, ceux-là, car les vrais Parisiens visitent peu les monuments et ne s'avisent guère d'aller flâner dans la Cité."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.

• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

chap-preview
Free preview
I-1
ILe vieux Paris s’en va. On a démoli l’ancien Hôtel-Dieu, mais il attristait encore, il y a dix ans, le parvis Notre-Dame, et sa façade délabrée barrait la vue de la rivière à ceux qui venaient admirer la cathédrale immortalisée par Victor Hugo ; – des provinciaux ou des étrangers, ceux-là, car les vrais Parisiens visitent peu les monuments et ne s’avisent guère d’aller flâner dans la Cité. C’est un quartier pauvre, habité par de tout petits rentiers qui sortent rarement et qui n’apprécient pas les beautés architecturales de l’église bâtie sous Philippe-Auguste. En ce temps-là, pourtant, la place déserte et silencieuse s’animait le jeudi et le dimanche, les jours où les parents des malades de l’hôpital étaient admis à les voir ; mais ces réceptions, autorisées par l’Assistance publique, contrastaient avec celles qui attirent de luxueux équipages à la porte des grands hôtels du faubourg Saint-Germain. C’était un va-et-vient de pauvres diables qui arrivaient à pied et qui s’en allaient de même ; cependant, ces jours-là l’aspect du parvis devenait presque gai, et le tableau valait qu’on l’observât. Par un beau jeudi de printemps de l’an de grâce 1874, deux messieurs s’en régalaient, d’une des plus hautes fenêtres du long bâtiment de l’Hôtel-Dieu. Le plus jeune, en bras de chemise, fumait sa pipe, accoudé sur l’appui de la croisée, et il était là chez lui, car il y avait dans l’hôpital des logements réservés aux internes, et il en occupait un depuis six mois qu’il avait été reçu à l’internat, après un très brillant examen. C’était un garçon de bonne mine, et sa tenue débraillée ne l’empêchait pas d’avoir ce que l’on appelle l’air distingué. Il avait de grands yeux noirs et ce teint pâle qui plaît tant aux femmes romanesques. L’autre, qui se tenait debout près de lui et qui ne fumait pas, était un homme d’une quarantaine d’années, grand, maigre et sec, porteur d’une figure osseuse et longue, coupée en deux par une formidable paire de moustaches hérissées, des moustaches à la Victor-Emmanuel ; serré avec cela dans une redingote noire, taillée militairement, et coiffé d’un chapeau à larges bords, évasé par le haut. N’eût été sa physionomie loyale et franche, on aurait pu le prendre pour un de ces agents bonapartistes d’autrefois, un Ratapoil, comme on disait entre la révolution de 1818 et le coup d’État de 1851. Mais il ressemblait surtout à don Quichotte, et il fallait qu’il eût la bravoure et le caractère aventureux du héros de Cervantès, car ses amis l’appelaient familièrement don Mériadec, alors qu’il se nommait, de ses vrais noms, Médéric-Yves-Conan de Mériadec. Il était Breton bretonnant, et quelque peu baron, mais baron sans terres, et il ne tenait pas du ton à son titre. L’interne, Albert Daubrac, natif d’Agen, était, comme tous les Gascons, avisé, ambitieux, et médiocrement porté à la rêverie. Mais l’amitié naît des contrastes, et, en dépit de la différence d’âge, ces deux hommes se tutoyaient. – Tiens, dit tout à coup l’interne, voici l’ange du bourdon qui traverse la place. D’où vient-elle avec son petit panier ? Ah ! j’y suis… du marché aux fleurs. Elle rapporte des bottes de giroflées. – Cette jeune fille qui se dirige vers l’église ? demanda Mériadec. – Oui, celle qui a un tartan écossais sur les épaules et un fichu sur ses cheveux blond cendré. En as-tu vu d’aussi jolies dans ton pays de Bretagne ? Ça ne pousse pas dans les landes, ces beaux brins de filles-là ; ça pousse à Paris, dans les loges de portier. Mériadec tira de son étui une grosse lorgnette qu’il portait en bandoulière, à la façon des Anglais en voyage, la braqua sur la personne que lui désignait Daubrac, et dit avec conviction : – Elle est ravissante. Elle a l’air d’une madone. Pourquoi l’appelles-tu l’ange du bourdon ? – Parce que son père est sonneur de cloches à Notre-Dame et gardien des tours. Dans le quartier on l’appelle aussi la fée du parvis. J’aime mieux le surnom que je lui ai donné. C’est moins poétique, mais c’est plus drôle. – Est-ce que tu es son préféré ? – Elle n’a pas de préféré. Elle est sage, mon cher. À dix-neuf ans, avec une tête comme la sienne, c’est méritoire, hein ? – D’autant plus méritoire que sans doute elle n’est pas riche. – Elle n’a que ce qu’elle gagne en faisant des fleurs artificielles. Le papa Verdière est un ancien troupier, qui boit consciencieusement ses appointements et qui ne donne pas à sa fille Rose un sou pour s’habiller. Je crois même qu’elle subvient un peu aux besoins du ménage. – Elle demeure donc avec lui ? – Parfaitement. Dans la tour du Nord, à je ne sais combien de marches au-dessus du pavé. Elle habite une boîte en pierres où je ne passerais pas vingt-quatre heures sans attraper le spleen, et elle chante toute la journée… elle est gaie comme un pinson. En ce moment elle rentre au logis En effet, la jeune fille venait de disparaître dans la rue du Cloître-Notre-Dame. – C’est dommage, murmura don Mériadec. J’étais ravi de la regarder. – Parions, s’écria Daubrac, que tu rêves déjà de la protéger contre les gens qui se permettraient de s’attaquer à sa vertu. Mais elle n’a pas besoin de toi. Elle se protège très bien toute seule. Comprime donc tes instincts de chevalier errant et conviens que de la fenêtre de ma chambre on a parfois des visions agréables. – On s’amuse assurément mieux qu’à la mienne qui donne sur la rue Cassette, où il ne passe jamais personne. – Aussi pourquoi es-tu allé te loger là ? Ici, le spectacle change à chaque instant. Tiens ! vois-tu ce couple qui passe devant le portail de l’église. Deux amoureux, j’en suis sûr, et pas des amoureux pour le bon motif. La femme porte une voilette épaisse comme un masque et se serre peureusement contre son cavalier qui baisse le nez pour qu’on ne voie pas son visage. Ces tourtereaux sont en train de chercher une place sûre pour tromper un mari. Et tous les deux sont certainement du meilleur monde. L’homme est d’une élégance parfaite, et la toilette de la dame vient de chez la bonne faiseuse. – C’est possible, mais ils m’intéressent beaucoup moins que cette blonde enfant. – Moi, ça me divertit toujours d’observer les allures des amants qui se cachent. Ceux-ci, évidemment, en sont réduits à se donner des rendez-vous dans des quartiers perdus. Ah ! ils tournent par la rue du Cloître… comme Rose Verdière. Ils vont peut-être faire l’ascension des tours. – Voilà, par exemple, une idée ridicule. – Pas si ridicule. Là-haut, on doit être à merveille pour se dire des douceurs. On a le ciel pour plafond et pas d’autres témoins que les hirondelles. C’est même une idée à creuser et je compte la mettre en pratique la première fois que j’aurai une bonne fortune dans le grand monde. Mériadec leva vers le faîte de la tour les deux tubes de sa jumelle et dit : – En ce moment, on ne voit pas de tête dépasser la balustrade qui couronne la tour où sont les cloches. – La seule sur laquelle on permet de monter, interrompit l’interne. Je gage que nos amoureux y vont. Ce serait gai de les y suivre. – Je ne tiens pas à troubler leur tête-à-tête. – Nous verrions, en passant, la fée du parvis. Le logement qu’elle habite donne sur l’escalier de la tour. Cet escalier est fermé par une grille à laquelle sonnent les visiteurs, et, assez souvent, c’est elle qui vient ouvrir, car le vieux Verdière n’aime pas à se déranger. – Je serais charmé de voir de près lange du bourdon, dit Mériadec ; mais grimper là-haut !… – Avec tes longues jambes, ce n’est rien… et, d’ailleurs, nous ne serons pas forcés de monter jusqu’à la calotte de plomb qui sert de chapeau à la tour du sud. Nous nous arrêterons à la galerie qui traverse la façade, et nous y attendrons la femme voilée. Je tiens à la regarder sous le nez. – Rien ne prouve que nous la rencontrerons. Elle et son cavalier ont bien pu continuer leur promenade sentimentale à travers les rues de la Cité. – Eh bien ! nous en serons quittes pour une ascension qui nous donnera de l’appétit. Le ciel est sans nuages, l’air est doux ; nous verrons Paris à vol d’oiseau, et avec ta bonne lorgnette, tu reconnaîtras ta maison de la rue Cassette. Je ne prends qu’à trois heures le service dans ma salle de chirurgie. J’ai donc tout le temps de me dégourdir les jambes. – Et moi, je n’ai rien à faire. – Alors, viens avec moi. Tu trouveras peut-être l’occasion de te montrer chevaleresque… une femme persécutée à défendre… un enfant abandonné à recueillir. – Cet espoir me décide, dit en riant Mériadec. – Allons donc ! je savais bien que tu y viendrais, murmura Daubrac. Les deux amis quittèrent la fenêtre. L’interne endossa une jaquette fort bien coupée, se coiffa d’un chapeau bas qui allait parfaitement à l’air de son visage, et poussa don Mériadec dans l’escalier. Ils descendirent quatre-vingts marches, et, après avoir traversé le péristyle de l’hôpital encombré de visiteurs, ils débouchèrent sur la place. – Là ! j’en étais sûr ! s’écria Daubrac, en levant les yeux vers la façade. Ils sont déjà sur la galerie du milieu. La femme a levé sa voilette, qui flotte au vent. Braque ton télescope, cher ami, et dis-moi si elle est jolie. Don Mériadec tira sa lorgnette de son étui, mais, avant qu’il pût s’en servir, la femme qui s’était accoudée un instant sur la balustrade avait déjà disparu avec le monsieur qui l’escortait. – Éclipse totale ! Rengaine ton instrument et tâchons de rattraper le temps perdu. L’escalier des tours est à l’entrée de la rue du Cloître. Allons-y, au pas accéléré. – Laisse-moi contempler un peu cette merveilleuse façade, dit Mériadec, qui n’était jamais pressé. – Tu l’as assez contemplée de ma fenêtre. – Je ne me lasse pas de l’admirer. Il y a surtout la rosace du milieu. Le soleil l’éclaire en ce moment, et les vitraux flamboient comme un incendie. – Que le diable t’emporte avec tes admirations ! J’aime mieux voir une jolie figure qu’une rosace. – Oh ! toi, tu ne comprends pas la poésie… Mais tu m’accorderas bien cinq minutes pour graver dans ma mémoire ce magnifique tableau. Quel dommage que je ne sois pas peintre ! – Malheureusement, tu n’es que fou. A-t-on jamais vu s’enflammer de la sorte pour un monument ! C’est la manie admirative. Il faut soigner ça, mon garçon, sans quoi tu finiras à l’asile Sainte-Anne… En attendant que je t’y donne des douches, je vais te lâcher, pour peu que tu continues à bayer aux corneilles de la cathédrale. Je ne veux pas manquer mon inconnue au voile bleu. Tout en parlant, Daubrac avait pris son ami par le bras, et il essayait de l’entraîner. Rien n’y fit. Mériadec était entêté comme une mule, et il fallut attendre qu’il eût fini de s’extasier. – Tu ne la manqueras pas, dit-il ; je l’aperçois maintenant sur le faîte de la tour. – C’est, ma foi, vrai ! s’écria Daubrac ; elle n’a pas mis longtemps à y monter, et je commence à soupçonner qu’elle est Anglaise… Il n’y a que les Anglaises pour enjamber les marches quatre à quatre… Ah ! on ne la voit plus… elle est à regarder un autre aspect du panorama, à moins qu’elle et son doux ami ne se soient assis au centre de la plate-forme pour se dire des choses tendres… nous ne les dérangerons pas, mais, lorsqu’ils descendront, ils passeront forcément tout près de nous, car le chemin n’est pas large… et j’espère pour toi que c’est la petite fée du parvis qui va nous ouvrir la grille de l’escalier tournant. Cette fois, don Mériadec ne se fit plus prier pour suivre son jeune camarade qui se dirigeait vers la rue du Cloître. Ils n’avaient pas fait dix pas, qu’ils entendirent des cris et qu’ils virent courir les visiteurs qui sortaient de l’Hôtel-Dieu. Cette foule se précipitait du côté de Notre-Dame, et bientôt un gros rassemblement se forma entre le pied de la tour du sud et la Seine. Quand le peuple s’assemble ainsi,C’est toujours sur quelque ruinemurmura Mériadec, qui savait par cœur beaucoup de vers de Musset. – Un accident ! dit l’interne. Ça rentre dans ma spécialité. – Quelqu’un qui se sera jeté du haut de la tour… – Ça m’en a tout l’air… Pourvu que ce ne soit pas la femme à la voilette bleue ! – Oh ! quelle idée ! s’écria Mériadec ; une femme qui va se suicider n’emmène pas son amant avec elle. – Allons toujours voir, dit philosophiquement Daubrac. La personne qui vient d’exécuter ce saut périlleux n’a plus besoin de mes soins ; mais c’est mon métier de constater les décès. En arrivant près de l’attroupement, les deux amis surent tout de suite à quoi s’en tenir sur l’évènement, car les curieux le commentaient à haute voix. On entendait des propos comme ceux-ci : – Elle est encore jeune et elle devait être jolie avant de s’écraser la figure sur le pavé. – Ce n’est toujours pas la misère qui l’a poussée à se tuer, car elle est rudement bien mise. – Et elle a une chaîne de montre, des pendants d’oreilles en diamants, un bracelet en or… – À moins que tout ça ne soit en toc. Daubrac cria qu’il était médecin ; on s’écarta pour lui faire place, et Mériadec passa avec lui. Le cercle s’était formé autour d’un cadavre, et ce cadavre était celui d’une femme. Elle était tombée sur la tête ; le crâne s’était brisé en éclats comme un simple pot de fleurs, et le visage, broyé par la violence du choc, était absolument méconnaissable. Personne n’osait toucher à ce corps ensanglanté. L’interne mit un genou en terre pour l’examiner de près et se releva presque aussitôt en disant aux badauds : – Vous voyez bien qu’elle est morte sur le coup. Allez donc chercher un brancard à l’Hôtel-Dieu et envoyez ici des gardiens de la paix. Quelques hommes de bonne volonté se détachèrent du groupe, et l’interne dit à l’oreille de son ami : – Ma parole ! je crois que c’est elle. – La femme qui a traversé le parvis au bras d’un monsieur et que nous avons cru apercevoir là-haut ? demanda Mériadec. – Eh ! oui, pardieu ! c’est le même costume. Le manteau, le chapeau à la mode… tout y est… excepté la voilette bleue, qui s’est sans doute détachée pendant la chute. – Mais… le monsieur qui l’accompagnait ? objecta Mériadec. – Ils auront eu une scène violente sur la plate-forme… Il lui aura peut-être signifié qu’il allait rompre avec elle, et, dans un accès de désespoir, elle aura sauté par-dessus le parapet. C’est vite fait, ces sauts-là, et l’amant n’aura pas eu le temps de la retenir. S’il n’est pas encore ici, c’est que le chemin est long par l’escalier… la malheureuse a pris le plus court… mais, d’ici à quelques minutes, nous allons voir accourir l’homme tout éploré… et nous assisterons à une scène de désespoir. – Je n’y tiens pas, grommela Mériadec. C’est bien assez du vilain spectacle que nous avons sous les yeux en ce moment. – Tu vas en être délivré. J’aperçois les sergents de ville, et le brancard ne tardera guère… nous sommes à deux pas de l’Hôtel-Dieu… j’escorterai le corps, je le ferai déposer à la salle des morts, je reviendrai te rejoindre, et alors, si le cœur t’en dit, nous irons annoncer l’évènement à Rose Verdière. Elle n’a pas pu voir la chute, mais elle a peut-être ouvert la grille au couple que nous avons remarqué au moment où il passait sur le parvis. Nous avons donc un excellent prétexte pour faire connaissance avec l’ange du bourdon. Deux gardiens de la paix et un brigadier qui se trouvaient de service dans ces parages arrivaient sans trop se presser, et deux infirmiers, attelés à un lit portatif, sortaient de l’hôpital. – Tu avais deviné, dit Mériadec. Voici l’amant qui accourt à toutes jambes. – Ce garçon qui gesticule là-bas ? Jamais de la vie ! D’abord l’amant ne peut pas venir de ce côté, et puis l’amant a un chapeau haute forme, et l’individu que tu signales est coiffé d’un béret rouge. C’est tout simplement un curieux qui va se mêler aux autres badauds. L’homme qui débouchait du pont jeté sur le petit bras de la Seine avait tout l’air d’apporter une nouvelle, car il agitait ses bras en l’air, et il criait des paroles qui n’arrivaient pas jusqu’aux deux amis. Il atteignit le rassemblement au même moment que les sergents de ville et les brancardiers. Il se poussa au premier rang, en bousculant tout le monde, et s’adressant au brigadier : – Qu’est-ce que vous faites ici ? dit-il d’une voix essoufflée. La femme est morte ; vous ne la ressusciterez pas, et si vous restez à la regarder, l’assassin va se sauver. – Comment, l’assassin ? s’écrièrent en chœur Mériadec et Daubrac. – Eh ! oui, le scélérat qui l’a jetée du haut de la tour. – Qu’est-ce que vous me chantez là, vous ? dit le brigadier. – Je vous dis que j’ai vu le coup. Je pêchais à la ligne sur la berge, de l’autre côté de la rivière, et, comme ça ne mordait pas, je m’amusais à regarder Notre-Dame… j’avais le nez en l’air et je distinguais très bien sur la plate-forme un homme et une femme… tout à coup, l’homme s’est baissé, il a pris la femme par les jambes, il l’a soulevée et lui a fait faire la culbute. – Mâtin ! vous avez de bons yeux, grommela le brigadier. – Excellents ; et, si vous ne voulez pas me croire, venez avec moi… il n’a pas eu le temps de descendre… nous le rencontrerons dans l’escalier des tours. – Monsieur a raison, appuya Daubrac. Quand même il n’y aurait eu qu’un suicide, il importe d’interroger celui qui y a assisté. – Si vous refusez de venir, reprit l’homme au béret rouge, j’irai sans vous et je l’empoignerai à moi tout seul. – Mêlez-vous de ce qui vous regarde. Je sais ce que j’ai à faire, et je ne sais pas qui vous êtes. – Jean Fabreguette, artiste peintre, domicilié rue de la Huchette, au numéro 19. – Et moi, ajouta Daubrac, je suis interne à l’Hôtel-Dieu. Mon ami, que voici, est le baron de Mériadec, et nous reconnaîtrons parfaitement l’homme, car nous l’avons vu traverser la place avec cette femme au bras. Le brigadier hésitait encore, mais il comprit que les gens assemblés autour du cadavre allaient se porter en masse vers l’entrée des tours, et il jugea qu’il valait mieux prendre la direction du mouvement. – Faites enlever le corps et venez avec moi, dit-il à ses agents. Les infirmiers placèrent la morte sur le brancard et se mirent en devoir de la porter à l’Hôtel-Dieu. Sur quoi, les badauds se dispersèrent : les uns suivirent le brancard ; les autres firent escorte au brigadier, qui marchait entre Mériadec et Daubrac. Fabreguette précédait le cortège. La foule aurait certainement envahi la tour, si le brigadier n’eût mis de planton à l’entrée ses deux subordonnés, après leur avoir donné la consigne de ne laisser passer que les deux amis et le peintre, qui s’engagèrent après lui dans l’escalier en colimaçon, où deux personnes n’auraient pas pu passer de front. Ils arrivèrent bientôt devant une grille près de laquelle s’ouvrait dans l’épaisseur du mur un corridor très court qui aboutissait au logement du gardien. Le brigadier sonna, et mademoiselle Rose parut sur le seuil. – Ces messieurs désirent visiter les tours ? demanda-t-elle d’une voix douce, une voix qui alla droit au cœur de Mériadec. – Il ne s’agit pas de cela, répliqua rudement le brigadier. Il faut que je parle à votre père. – Mon père ? Il est malade. – Allons donc ! je la connais, celle-là. Il aura bu un coup de trop. Ça n’y fait rien. Je veux le voir. Ouvrez ! La jeune fille obéit, et le brigadier entra chez le père Verdière. Les autres se contentèrent de franchir la grille, et Daubrac dit en souriant : – Ça va bien, mademoiselle ? Rose, qui le rencontrait souvent sur le parvis, le reconnut, et répondit, en rougissant un peu : – Très bien, monsieur, je vous remercie… Expliquez-moi donc… – Ce que nous venons faire dans votre tour ? C’est bien simple : nous cherchons un monsieur qui est passé par ici avec une dame, il y a vingt minutes. – Je venais de rentrer quand ils sont arrivés… J’étais allée reporter de l’ouvrage.

editor-pick
Dreame-Editor's pick

bc

Douce sois la vengeance

read
4.6K
bc

Mon mec ce mafieux... Nouvelle génération ( tome 5 et 6 )

read
5.8K
bc

Dans L'antre du Mafieux : La Saga des frères Pelizzari :( Le Mystérieux Lorenzo Pellizarri) Tome 1

read
15.2K
bc

Saga du Loup Mort

read
1K
bc

Mon retour à San Diego

read
1K
bc

enfermé

read
5.5K
bc

Parce que tu es ma dame

read
2.3K

Scan code to download app

download_iosApp Store
google icon
Google Play
Facebook