Destinée à Porter l'Héritier de l'Alpha

Louane “Je suis désolée, Louane”, m’annonce la gynécologue d’une voix douce, mais ferme. “Vos résultats ne sont pas bons. Il vous reste très peu d’ovules viables… des chiffres que je rencontre généralement chez des femmes bien plus âgées de dix ou quinze ans au moins.” “Quoi ?” Le mot s’échappe de mes lèvres sans que j’en aie conscience. Depuis des années, je me bats pour devenir mère. J’ai trente ans à peine, je devrais avoir encore du temps. “Si vous voulez concevoir, c’est maintenant ou jamais.” Elle poursuit. “Vous devez agir avant le début de votre prochain cycle.” Mon cœur s’emballe. “Avant mon prochain cycle ?” C’est une course contre-la-montre. Moi qui n’ai jamais eu d’autre rêve que de donner la vie. Je quitte le cabinet en trombe et fonce chez moi. J’ai besoin d’en parler à mon copain, immédiatement. Chaque minute compte. Mais dès que je franchis le seuil, ouvrant la bouche pour appeler Michael, je m’arrête net. Une paire de talons aiguilles et un sac à main reposent près de l’entrée — des affaires qui ne sont pas les miennes. Un mauvais pressentiment me serre la gorge. Je tends l’oreille vers la chambre à coucher. Des gémissements étouffés résonnent, ponctués par un bruit sourd, régulier. Le choc d’un lit contre le mur. Le monde s’écroule quand je comprends. Michael n’est pas seul. Et en plus avec une femme. Et ce qui me transperce le cœur, plus encore que l’évidence de l’adultère, c’est l’identité de celle qui se trouve avec lui. Je reconnais ce sac, ces chaussures… ils appartiennent à Stéphanie, ma meilleure amie. “Nom de Dieu, Louane est tellement naïve”, ricane Michael. “Elle croit vraiment que je vais faire un enfant avec elle, tu t’imagines ?” Stéphanie éclate de rire. “Elle se fait des films. Je me demande encore comment tu as fait pour rester avec elle si longtemps.” “Si elle n’était pas si séduisante, jamais, je ne lui aurais accordé une seconde”, rigole Michael avec mépris. “Heureusement que la dose journalière de mon plan B la garde de jamais tomber enceinte.” “La pilule du lendemain ?” demande Stéphanie avec curiosité. “Comment as-tu réussi à lui donner sans qu’elle s’en rende compte ?” Michael éclate de rire, satisfait de sa propre cruauté. “Je la glisse dans son café du matin. Elle n’y voit que du feu.” Le sang me monte à la tête, mes pensées deviennent rouges, aveuglantes. D’un coup, tout s’éclaire. Voilà pourquoi je n’ai jamais réussi à tomber enceinte, malgré toutes ces années de rapports non protégés. Voilà pourquoi mes ovaires sont aujourd’hui dans l’état de ceux d’une femme de quarante-cinq ans. Mon partenaire, l’homme à qui j’ai fait confiance, m’empoisonnait chaque jour en me donnant en cachette des contraceptifs d’urgence. Qui sait quels dégâts irréversibles il a infligés à mon corps ? Je suis prise d’une rage incontrôlable. Sans réfléchir, je déclenche l’alarme incendie au mur. Je veux les effrayer et les attaquer dès qu’ils sortiront. Une pluie glacée jaillit aussitôt du plafond, accompagnée d’une sirène stridente. Dans la chambre, j’entends Michael et Stéphanie pousser des cris de surprise. Quelques secondes plus tard, ils déboulent dans le couloir, et leurs visages se figent quand ils m’aperçoivent dans l’encadrement de la porte. Les yeux de Michael s’écarquillent. “Qu’est-ce que tu fais là si tôt ?” Demande-t-il, comme si j’étais l’intruse. Puis, voyant à quel point leur situation est indéfendable, il improvise “Stéphanie était venue préparer une surprise pour ton anniversaire… mais on a renversé du café, alors on a dû enlever nos vêtements pour les changer.” Ses mots sont un crachat en pleine figure. Comment ose-t-il ? Comment peut-il imaginer une seule seconde que je croirais à une excuse aussi pathétique ? Je me tais, et cette comédie silencieuse les rassure. Ils pensent que je gobe leur histoire, preuve de l’immense mépris qu’ils nourrissent pour moi. Mais en réalité, je fais serment, à cet instant précis : je prendrai ma revanche. Je ne leur laisserai pas le dernier mot. J’ai déjà trop perdu de temps et de jeunesse auprès de cet homme abject, et il est hors de question qu’il détruise aussi mon avenir. Je m’excuse et je quitte l’appartement en hâte, le cœur en flammes, et file à travers la ville jusqu’au cabinet de Nelly, ma sœur de cœur. Nous avons grandi ensemble à l’orphelinat, et elle est devenue gynécologue-obstétricienne dans la clinique la plus prestigieuse de la ville, spécialisée dans la fertilité et les dons de sperme. Je ne m’étais jamais tournée vers elle avant, persuadée que Michael et moi concevrions un jour naturellement. Quelle naïveté. Aujourd’hui, plus question d’attendre ou de faire confiance à un autre homme. Je n’ai ni le temps, ni l’envie de risquer une nouvelle trahison. Si je veux un enfant, ce sera seule — et je sais que Nelly m’aidera. Mes économies sont modestes, mais suffisantes pour une insémination. Une tentative unique. Mon unique chance. Quand j’entre dans son bureau, mes résolutions s’effondrent. Au lieu d’exposer mon plan avec clarté, je me jette dans ses bras et éclate en sanglots. Elle me berce, m’embrasse, me laisse le temps de reprendre mon souffle. Puis, mot après mot, je finis par tout lui raconter. Quand elle apprend ce que Michael et Stéphanie m’ont fait, elle hurle de rage. Mais sa colère atteint un autre sommet lorsque je lui avoue le verdict de la médecin. “Ce sal*ud ! Je vais le t*er” gronde-t-elle, les yeux étincelants de fureur. Elle m’analyse avec beaucoup de peine. “Louane, si ton docteur dit vrai, ça veut dire que tu n’as qu’une seule chance de concevoir. Une seule.” “Je sais.” Je renifle. “Et si c’est ma seule chance d’avoir un enfant, je ne veux courir aucun risque. Je veux le meilleur donneur possible.” “Ne t’inquiète pas pour ça.” Nelly pose sa main sur la mienne, “Ici, nous ne travaillons qu’avec l’élite. Acteurs, mannequins, scientifiques… tu n’auras que l’embarras du choix.” Elle jette un regard discret vers la porte, puis baisse la voix comme si elle allait livrer un secret d’État. “Tu ne l’as pas appris de moi, mais… même Fabian Solberg a confié ses échantillons à notre banque pour des tests.” “Fabian Solberg ?” Je repète, “Le milliardaire ?” Je l’ai aperçu plusieurs fois en ville. Pas que nous fréquentions les mêmes cercles — loin de là. Il habite dans le quartier huppé où je travaille comme nourrice, et il lui arrive de saluer les enfants dont je m’occupe. Mais toujours escorté de ses gardes du corps, auréolé d’une aura si imposante que j’en ai des frissons rien qu’en pensant à lui. “Mon Dieu !” s’exclame Nelly, plaquant une main sur sa bouche. “Je n'aurais jamais dû te dire ça ! Il paraît qu’il a lui-même ses problèmes de fertilité et qu’il a choisi notre laboratoire plutôt qu’un autre. Ses échantillons sont ici, juste dans la pièce d’à côté. Mais Louane, tu dois me jurer de n’en parler à personne.” “Bien sûr !” je m’empresse de promettre. “Je sais à quel point la confidentialité est cruciale.” Nelly pousse un soupir de soulagement. “Merci. Voilà ce que je vais faire. Je vais te donner un dossier de nos meilleurs donneurs. Tu en choisis un, et avant même que tu n’aies le temps de réaliser, tu seras enceinte.” Je feuillette les portraits avec un mélange de nervosité et d’espoir. Le choix est difficile, mais mon regard s’arrête sur un chirurgien d’une beauté saisissante, au sourire rassurant. Je le choisis. Nelly disparaît quelques minutes pour préparer l’échantillon. Lorsqu’elle revient, un peu essoufflée, le visage légèrement troublé, elle se dépêche et finit l’insémination de manière professionnelle. Elle serre ma main quand tout est terminé. “Voilà, ma belle. C’est fait. Dans dix jours, tu peux revenir pour savoir si ça a marché.” Dix jours. Le compte à rebours de mon avenir. Dix jours suspendus entre espoir et angoisse. Si seulement j’avais su… Qu’au bout de ces dix jours, mon destin n’appartiendrait plus à moi seule, mais à Fabian Solberg lui-même.