Louane
Mes mains tremblent, mon cœur tambourine contre ma poitrine tandis que je compose le numéro de Stéphanie. Ai-je déjà ressenti une colère pareille ? Si oui, je n’en garde aucun souvenir.
“Allô ?” répond Stéphanie presque aussitôt, sa voix sucrée sonnant étrangement fausse.
“Stéphanie ?” je lance sans détour. “Es-tu avec Michael en ce moment ?”
Un silence lourd tombe à l’autre bout du fil. Puis, d’une voix faible, elle murmure, “Quoi ? Non, bien sûr que non.”
“Arrête ton cinéma, Stéphanie. Tu crois vraiment que je ne sais pas ce que tu fais ?” je crie, la colère brûlant dans ma gorge. “Je ne suis pas une idiote complète.”
“Louane, écoute...” commence-t-elle, comme si elle cherchait déjà une excuse.
“Non. Je ne me préoccupe même plus de ta petite liaison, mais j’ai besoin de lui parler immédiatement.” je déclare, déterminée.
Une nouvelle pause. Puis sa voix perd toute innocence. “Tu ne t’en soucies pas ?” répète-t-elle, choquée. “Tu sais que je suis enceinte ?”
Je n’étais pas préparée à ça. Mes poings se serrent si fort que j’ai l’impression de pouvoir briser le téléphone. “Et quoi ? Tu crois que c’est une sorte de victoire ?” je réplique, la rage m’étouffant.
“Est-ce qu’il sait que tu es enceinte ?” je demande vivement, chaque mot frappant comme un coup de poing. “Parce qu’un homme qui m’a empoisonnée pendant des années pour fuir ses responsabilités ne va certainement pas se montrer fiable avec toi ou ton bébé.”
“Eh bien non… mais il m’aime, il ne ferait jamais ça...” tente-t-elle d’expliquer.
“Il m’aimait aussi, autrefois.” je l’interromps, mon ton dur comme une lame. “Du moins, c’est ce qu’il disait. Incroyable comme il peut être charmant pour un sal*ud pareil. Comment crois-tu qu’il pourra te soutenir, toi et ton enfant ? Il n’a même pas de boulot.”
“Bien sûr qu’il en a un !” s’exclame-t-elle. “Il ne t’a juste rien dit pour que tu ne lui prennes pas toutes ses économies. Il est courtier en bourse.”
“Oh Stéphanie…” je soupire, “Pauvre naïve, si crédule. Il est autant courtier en bourse que je suis sorcière.”
“Ne me parle pas sur ce ton !” insiste-t-elle, tentant de défendre son illusion.
“C’est ça… Je viens juste de découvrir qu’il m’a complètement détruite. Je vais porter plainte, et si j’étais toi, je vérifierais immédiatement ton niveau de crédibilité, tu es probablement la suivante sur sa liste.”
“Non…” souffle-t-elle faiblement. “Tu te trompes, c’est différent pour moi.”
Ma voix se noue, étranglée par l’émotion, malgré moi. “Et franchement, je me fiche de ce qui t’arrive, Stéphanie. Mais si tu es vraiment enceinte, ton bébé mérite mieux que de finir dans un refuge pour sans-abri, et c’est exactement là où Michael te mènera.”
Je raccroche avant qu’elle ait le temps de répondre, les larmes montant instantanément. Pourquoi ai-je cru à ses mensonges sur sa recherche d’emploi pendant tout ce temps ? Il m’a détruite, morceau par morceau, sous un masque de gentillesse. Et je l’ai laissé faire.
Plus jamais. Je le jure. Je ne me laisserai plus jamais manipuler ainsi.
La vengeance contre Michael brûle encore au fond de moi, mais pour l’instant, il me faut sauver ce qu’il reste de ma vie. Je dois aller à la police, tenter de résoudre ces problèmes financiers… impossible d’envisager un bébé si je sombre dans la faillite. Je n’ai plus qu’à prier pour que la justice m’aide à reprendre le contrôle.
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“Je suis vraiment désolée, Mademoiselle Ferrier, mais si votre ex-partenaire a quitté la région, il n’y a pas grand-chose que nous puissions faire.” L’agent de police me parle avec la délicatesse d’un dinosaure dans un magasin de porcelaine. “Je peux vous fournir un rapport à envoyer à la compagnie de cartes de crédit, mais c’est tout ce que nous pouvons faire pour vous.”
Une vague de colère me submerge. Je parie qu’il ne traiterait jamais mon cas avec autant de mépris si je n’étais pas une simple nourrice. Si j’avais été un homme riche comme Fabian Solberg, il se serait agenouillé à mes pieds pour résoudre mes problèmes à n’importe quel prix. Je sors de là avant de perdre totalement mon calme et j’appelle immédiatement les compagnies de cartes de crédit.
Une à une, elles écrasent mes espoirs. Elles me rappellent, de manière glaciale et sans appel, que sans arrestation du coupable, je serai tenue responsable des charges.
Quand je raccroche le dernier appel, j’ai l’impression que le sol se dérobe sous mes pieds. Comment ai-je pu en arriver là ? Je n’ai littéralement rien. Personne ne voudra m’embaucher sans recommandation de mon ancien employeur, ce qui signifie que je ne pourrai pas payer mon loyer ni même mettre de la nourriture sur la table. Normalement, j’aurais pu me tourner vers Nelly, mais elle est déjà en difficulté, je ne peux pas lui mettre dessus davantage.
Demain, je saurai enfin si je suis enceinte. Jusqu’ici, l’étrange sensation que je ressens depuis quelques jours m’a apporté un mince réconfort. Je ne sais pas comment l’expliquer : c’est comme si j’étais soudainement différente, même si rien ne change à l’extérieur. J’ai juste cette certitude brûlante que je ne suis plus la femme que j’étais il y a une semaine.
Je me persuade que c’est un signe que l’insémination a fonctionné, mais maintenant, je prie pour que ce ne soit pas qu’un leurre de mon imagination.
Pour me distraire, j’allume la télévision, et mon sang se glace en voyant Fabian Solberg à l’écran, parlant de ses initiatives philanthropiques dans la communauté.
“Lorsque notre travail sera terminé, la maison des enfants de Moon Valley sera un lieu d’amour et de soutien, motivé à trouver les meilleures familles pour chaque enfant dans le besoin. Notre initiative garantit non seulement que les résidents permanents aient les meilleures conditions possibles, mais qu’un suivi continu soit assuré pour les enfants placés en familles adoptives afin qu’ils s’épanouissent pleinement dans leur nouveau foyer.”
Voilà le soi-disant philanthrope, pensé-je, amer. Fermer les yeux sur les vies qu’il écrase égoïstement tout en prétendant défendre les opprimés. Il y a une semaine, j’aurais pu être touchée par une telle déclaration. J’ai grandi dans un orphelinat comme celui qu’il décrit, et je sais combien les conditions peuvent être difficiles. Mais maintenant, je ne vois que son hypocrisie.
Nelly était aussi orpheline, et elle n’a rien fait de mal. Où est sa compassion ? Clairement, ce n’est que pour les caméras. Dommage. Il est très convaincant… mais après tout, Michael l’était aussi.
Bien sûr, Michael n’a jamais eu la beauté de Fabian Solberg, ni son charisme ou sa présence imposante. Je ne sais pas si j’ai déjà rencontré quelqu’un comme lui. Même lorsqu’il me refusait son aide, me réprimandait ou me faisait jeter dehors, une partie de moi restait fascinée par ses traits parfaits et son magnétisme pur.
Je secoue la tête et éteins la télévision. Qu’est-ce qui ne va pas chez moi ? Cet homme est un milliardaire sans cœur, et je suis là à l’admirer comme une petite fille.
Je finis par me coucher tôt, tentant de ne pas penser à demain. Bien sûr, je reste éveillée tard dans la nuit. Je sais ce que signifie grandir orpheline, et je ne peux imaginer mettre un enfant au monde pour le condamner à une vie aussi morose. Plus ma vie se dénoue, plus mes options se réduisent drastiquement.
Si je suis enceinte… vais-je vraiment devoir avorter cet enfant ? Même si c’est ce que j’ai toujours voulu toute ma vie…