Corps-sang

Chapitre 8

Il était tard. L'heure à laquelle les démons ressortent le plus facilement. Katrina était assise près d'un livre le regard perdu dans les ténèbres. Elle se tenait le ventre mélancolique. Elle les entendait en fond ce qui lui serrait le cœur. Or elle n'avait pas la force de fuir les voix. Elles lui apportaient même un certain réconfort. Elle ne voulait pas être seule.

Katrina baissa les yeux vers son ventre. Elle ne l'était pas. Elle eut un léger sourire ampli de tendresse et de tristesse à la fois. Elle tenait tout ce qu'il lui restait. Cet être qui n'était encore guère plus grand qu'une clémentine et qui pourtant la retenait en vie. Cette petite chose l'avait sauvée. Tout le monde l'aurait adorée...

« Je prendrai soin de toi. Tu n'as pas à avoir peur. »

Les voix se turent pour écouter la jeune maman.

« Je t'aimerai de tout mon cœur. »

Katrina caressait son ventre avec douceur. Une larme solitaire coula.

« Je ne promets pas que tu ne pleureras jamais. Je souhaite juste que ce ne soit pour rien de vraiment grave. »

Notre mère leva la tête vers les étoiles.

« Je souhaite que ta définition du mot grave me fasse sourire. »

Katrina ferma les yeux après avoir formulé son rêve. Elle ne vit donc pas passer l'étoile filante envoyée pour elle. La jeune femme avait pris goût au fait de parler à son ventre. Elle rouvrit les yeux et continua à faire taire les voix dans sa tête.

« Ils t'auraient adorée. Tu aurais été la plus gâtée des petites filles. »

Une autre larme coula alors que Katrina se mit à sourire.

« Nous en avions beaucoup parlé. Ils s'imaginaient déjà t'emmener dans des musées ou au bord de la plage. Une autre personne en aurait eu marre de voir sa famille si souvent. Mais pas toi. Pas eux. Tu les aurais accueillis au paradis. Tu aurais continué à parler d'eux même une fois qu'ils seraient partis. »

Katrina se recroquevilla autour de sa raison.

« Je suis tellement désolée que tu ne puisse pas les découvrir toi même. Mais je te le raconterai. Ce ne sera jamais assez. Peut-être que je ferai mal je ne le saurai jamais. Mais je refuse de leur creuser une seconde tombe. J'espère que tu ne m'en voudras pas de choisir ce chemin. »

Elle marqua un silence.

« Je sais que non. Tu comprendras. Tu seras heureuse que j'ai choisis de faire comme cela. Tu leur ressembleras beaucoup après tout. Noah aussi aimait qu'on lui parle de ses grands-parents. Tu ne seras pas comme moi tout comme je n'ai pas été exactement comme ma mère. Quoi qu'il arrive tu seras parfaite à mes yeux. »

Elle se tut de nouveau pour avaler sa salive avec douleur.

« Tu seras peut-être comme ton père. Il a toujours aimé s'imposer. Ses allèles feront sûrement pareil. »

Nous rîmes en cœur. Katrina se redressa et se lança dans un récit. Elle avait moins de mal pour parler des vivants. Elle conta son histoire avec Paul. Durant tout le long elle arborait un magnifique sourire. J'en vins à me demander l'espace de quelques secondes pourquoi ils s'étaient séparés mais j'eus la réponse avant de poser la question.

Je suis persuadée que vous êtes curieux. Vous voulez toujours plus d'informations. Qu'est-ce que cela vous fait ? Ce n'est pas votre vie après tout. Je plaisante évidemment. Je comprends votre curiosité. Le sors de cette jeune femme me touche aussi. C'est pour cela que j'ai choisis de conter son histoire.

Nous aimons tous les histoires d'amour au fond car tant que nous ne vivons pas notre propre vie, nous pouvons toujours vivre à travers celle des autres. Je vais assouvir votre soif. Du moins une partie. Vous aurez bien de nouveau soif très vite.

Katrina et Paul se sont connus le premier jour au lycée. Ils étaient dans la même classe. Paul était un très beau garçon. Des dizaines de filles étaient amoureuses de lui. Katrina quant à elle était aussi très appréciée pour sa gentillesse et sa bonne humeur communicative. Elle avait été intriguée par Paul dès le départ sans pouvoir expliquer pourquoi. Ils n'avaient pas beaucoup parlé cette année. Ils s'appréciaient mutuellement mais Katrina était toujours occupée quand il venait lui parler. Et quand elle n'était pas occupée elle était gênée mais parvenait à le cacher. Ce qu'elle ne savait pas était que c'était la distance qu'elle mettait entre eux qui attirait Paul encore plus.

La deuxième année ils furent de nouveau ensemble. Katrina avait été surprise quand Paul avait fait le premier pas vers elle pour discuter en dehors des cours. Le garçon était très observateur et remarquait toujours les petits détails à propos de Katrina qui échappaient aux autres. Ils devinrent amis cette année. Tout comme les autres Paul avait été charmé par la gentillesse et la douceur de la jeune fille.

La troisième année quelque chose changea de nouveau. Paul était tombé amoureux d'une fille de leur classe mais la relation n'avait pas marché. La seule personne qui était restée à ses côtés sans arrières pensées était Katrina. Cette année elle avait complètement perdu sa timidité. A leurs conversations sérieuses et profondes s'ajoutèrent de plus en plus de plaisanteries. Personne n'était dupe. Tout le monde voyait bien que quelque chose se passait entre les deux élèves. La possibilité qu'ils iraient bien ensemble avait pour la première fois était formulée en seconde et cette troisième année Paul fut le premier à faire des sous entendus pour rire sur le fait qu'il y avait peut être possibilité. Petit à petit ils devinrent aussi proches physiquement. Katrina s'était mise à chercher tous les matins Paul devant la salle. Quant à ce dernier, il avait développé l'habitude de toujours observer les réactions de Katrina.

La quatrième année ils s'étaient perdus de vue quelques semaines avant de reprendre contact et de se remettre à parler régulièrement. Cela faisait depuis la première année que la mère de Katrina avait parié sur les deux jeunes. Elle savait depuis la première fois qu'elle avait entendu le prénom du jeune homme que sa fille allait tomber amoureuse. Elle sut la première fois qu'elle vit une photo du jeune homme qu'elle allait le détester parce qu'il allait lui prendre sa princesse. La première fois qu'elle le vit en vrai ce fut la deuxième année. Katrina était restée bouche bée quand sa mère avait parfaitement deviné le caractère égocentrique de Paul.

Ce fut donc la quatrième année que la prédiction de la mère de Katrina se réalisa. Katrina n'y avait pas cru. Elle même ne s'était pas rendue compte de ce qu'il se passait. Paul était très diffèrent avec la jeune fille ce qui avait rassuré sa mère et cela avait aussi fini par mettre la puce à l'oreille de notre jeune héroïne. Personne n'est entièrement noir ou blanc. Katrina avait été la partie blanche de Paul.