Chapitre 1

1490 Words
__________________ — Flavi, d’où vient tout cet argent ? demanda sa mère, les sourcils froncés en rangeant les billets qu’elle venait de découvrir dans le tiroir. — Je t’ai déjà dit, Mamma… Je travaille pour une famille riche. Ils me paient bien, c’est tout. — Une famille riche ? Tu dis ça depuis des semaines. Mais quel travail fait une fille de vingt-deux ans pour ramener autant d’argent, hein ? Tu fais quoi exactement, Flaviana ? — Du ménage, un peu de présence, rien de plus. Ils ont besoin de compagnie, tu sais ce que c’est chez les riches… Ils se sentent seuls. Elle avait dit ça avec ce sourire doux, celui qu’elle utilisait toujours pour calmer les tempêtes. Sa mère avait serré les lèvres, pas convaincue, mais lasse de se battre encore ce soir-là. Flaviana monta dans sa chambre, enfila un jean moulant, un t-shirt sobre, et glissa sa robe pailletée dans un sac. Elle descendit l’escalier à pas feutrés, ses talons en main. — Je rentrerai tard, dit-elle simplement en passant devant sa mère sans croiser son regard. — Tard comment ? — Je ne sais pas. Ne m’attendez pas. Elle claqua la porte derrière elle. Le club vibrait comme un cœur vivant, luxueux et fermé au monde extérieur. Les murs tapissés de velours, les banquettes en cuir, les visages flous derrière les verres fumés. Elle adorait cette ambiance, cette chaleur interdite, ce frisson qui s’allumait sous sa peau à peine la musique enclenchée. Ruggerio Caravelli était déjà là, accoudé au comptoir, sa chemise entrouverte sur sa chaîne en or. Il ne la regarda même pas quand elle entra, trop occupé à converser avec un homme au costume trois pièces d’une élégance rare. — Lui, dit-il en l’apercevant enfin, sans chaleur. Ce soir tu danses pour lui. C’est un gros poisson. Flaviana suivit son regard. L’homme en question, d’âge mûr, portait un sourire satisfait et une montre qui valait le loyer annuel de ses parents. Elle ne l’avait jamais vu auparavant. Et justement, c’était ce qui l’excitait. — C’est qui ? — Le ministre Rossi. Il est de passage à Naples. Sois sage. — Sage ? Tu veux dire obéissante ? demanda-t-elle avec une pointe de provocation. — Je veux dire : tu danses. Rien de plus. Tu sais ce que je pense de ces types. — Tu dis que je t’appartiens. Mais tu ne me touches même plus, Ruggerio. Il la fixa, un éclair de possessivité dans le regard. — Ne fais pas la conne. Mais elle avait déjà tourné les talons. Elle dansa pour le ministre comme elle savait le faire : avec grâce, avec défi, avec cette sensualité qui n’avait rien d’un rôle. Elle dansait pour elle. Pour le frisson. Pour le désir qu’elle lisait dans les yeux de ces hommes de pouvoir, ceux qu’on disait intouchables, incorruptibles, et qui devenaient tremblants quand elle les effleurait du regard. Quand le ministre s’approcha et lui murmura une proposition, elle n’eut pas besoin de réfléchir. Ruggerio la regardait depuis l’autre bout de la salle, le visage fermé. Mais il ne bougea pas. — Il t’a dit oui, souffla le ministre. — Je décide seule, répondit-elle, et elle lui prit la main. Ils quittèrent le club par une sortie secondaire, montèrent dans une voiture noire aux vitres teintées. Ce qu’ils ignoraient, c’est que de l’autre côté de la rue, un appareil photo venait de capturer leur départ. Un objectif braqué depuis une voiture banalisée, une silhouette tapie dans l’ombre. Quelqu’un les suivait. • La suite de l’hôtel était grande, luxueuse, mais impersonnelle, comme toutes celles que fréquentait le ministre. Moquette épaisse, rideaux de velours, un lit king size tendu de draps blancs impeccables. Flaviana entra la première, laissant tomber son sac à main sur le fauteuil près de l’entrée. Elle avait retiré ses talons dans l’ascenseur. Le ministre referma la porte derrière eux, verrouilla, puis posa sa veste sur le dossier d’une chaise. Il ne parlait pas. Il la regardait. Elle se savait belle dans cette robe noire qui découvrait juste ce qu’il fallait de ses cuisses, dans ses gestes lents, dans sa façon de se mouvoir comme si elle appartenait déjà au décor. — Tu veux boire quelque chose ? demanda-t-elle, en ouvrant le minibar. — Toi. C’est toi que je veux boire, répondit-il en s’approchant. Elle sourit, pas surprise. — Alors viens. Il la rejoignit, ses mains glissèrent sur ses hanches, remontaient le long de son dos. Elle laissa tomber sa robe, sans pudeur, sans hésitation. Il eut un léger souffle admiratif pas de mot, juste ce silence qui en disait long. Ils s’embrassèrent d’abord doucement, puis avec plus de faim. Flaviana s’abandonnait, mais gardait toujours ce léger contrôle, cette façon d’inverser les rôles. C’était elle qui menait, même quand elle se laissait faire. Il la déshabilla complètement, s’attarda sur chaque parcelle de peau, comme s’il voulait la consommer morceau par morceau. Elle ferma les yeux, s’enivra du pouvoir qu’elle avait sur lui. Ils firent l’amour debout contre la baie vitrée, puis sur le lit, dans une lente montée de plaisir. Il voulait la dominer, mais elle reprenait vite le dessus, guidant ses gestes, inversant les positions. Il la traita comme une femme, pas une fille. Une femme avec du feu, de la voix, du choix. Quand ce fut terminé, elle resta couchée nue sur le lit, les jambes croisées, une cigarette entre les doigts. — Tu fais ça souvent ? demanda-t-il, encore haletant. Elle souffla une volute de fumée, le regard perdu au plafond. — Je fais ce que j’ai envie de faire. C’est tout. Il rit doucement, un rire de ministre satisfait. Puis, sans un mot, il se leva, s’habilla à nouveau avec méthode. Avant de quitter la pièce, il déposa une enveloppe épaisse sur la table basse. Flaviana ne la regarda même pas. Elle ne bougea pas. Ce n’était pas l’argent qui l’avait émue ce soir. C’était le frisson d’avoir couché avec un homme puissant, d’avoir franchi la ligne que Ruggerio lui avait interdite. Quand la porte se referma derrière le ministre, elle resta seule, étendue, les draps froissés autour d’elle, le cœur battant encore doucement. Elle n’avait aucun regret. • À 5h12, elle glissa la clé dans la serrure de la maison familial, aussi discrètement qu'un souffle. Elle s'était déchaussée avant d'entrer, comme toujours. Ses parents dormaient dans leur chambre. Léa aussi. Le couloir grinçait mais elle connaissait chaque latte à éviter. En deux minutes, elle était dans sa chambre, porte fermée, souffle coupé. Elle ôta sa robe, se glissa sous la couverture sans prendre la peine de se laver, trop épuisée pour se détester encore. Son sommeil fut lourd, sans rêves, sans repos. Un trou noir. À 7h43, dans la cuisine, Angnella servait le café à Cesare. Léa mordait dans un croissant en lisant les gros titres sur son téléphone. La télé, en fond, murmurait les actualités du matin. Le genre de choses qu'on écoute sans vraiment écouter. Jusqu'au moment où la présentatrice lâcha une phrase qui tordit les poignets de silence autour de la table : - ...le ministre de l'économie vu hier soir dans un club privé de la via San Lorenzo, accompagné d'une jeune femme mystérieuse. Nos sources affirment qu'il aurait ensuite passé la nuit dans un hôtel de luxe du centre-ville. Et les images, capturées discrètement par un passant, circulent déjà sur les réseaux sociaux... Angnella haussa les sourcils. Cesare, curieux, tourna les yeux vers l'écran. Léa, elle, se figea d'un coup. Et là, sur l'écran plat, figée entre deux flashs volés, une image apparut. Flavia. Sa robe. Son visage maquillé. Sa main dans celle du ministre. Un court silence. Puis Angnella, blême, murmura : - Non... ce n'est pas... Cesare se leva d'un bond, renversant sa chaise. - Flavia...? C'est Flavia...?! Léa, muette, fixait l'écran, les yeux grands ouverts. La voix du présentateur continuait, indifférente au cataclysme familial qu'elle venait de déclencher : - ...la jeune femme n'a pas encore été identifiée officiellement, mais selon certaines sources, elle serait une proche du clan Caravelli... Un mug tomba, se brisa. Angnella plaqua une main sur sa bouche. Cesare, furieux, était déjà dans le couloir, prêt à faire exploser la porte de sa fille. Mais Flavia dormait encore. Elle ne savait pas encore que son monde venait de s'effondrer. Flaviana Valneri, que l'on appelait Flavia à la maison, ou Flavi ailleurs, avait la beauté d'un éclat interdit. Grande, élancée, la peau dorée par le soleil d'Italie, elle avait hérité des cheveux châtains profonds de sa mère, mais portait les siens déliés, toujours brillants, souvent défaits comme une promesse. Ses yeux verts, étonnamment perçants paraissaient souvent ailleurs, dans un monde de tentations où elle seule osait plonger. Elle était magnifique, indéniablement. Mais c'était cette forme de beauté qui dérange, qui attire et qui scandalise. Elle avait 22 ans et un corps de femme forgé dans la provocation, le désir, et la liberté trop grande qu'elle s'était accordée. A suivre
Free reading for new users
Scan code to download app
Facebookexpand_more
  • author-avatar
    Writer
  • chap_listContents
  • likeADD