Chapitre 12

1476 Words
— Merci, répondit Flaviana d’un ton doux. Mais à sa surprise, Silvano se tourna vers elle et dit froidement : — Tu sais, t’avais pas besoin de te faire b****r pour avoir ce poste. Le cœur de Flaviana se serra. — Qu’est-ce que tu racontes ? demanda-t-elle, choquée. Il la regarda avec une dureté calme. — Le bureau du patron... l’odeur, le désordre, ton rouge à lèvres effacé... Je suis pas idiot. Et t’es pas la première. Tu crois avoir gagné quelque chose ? Tu t’es juste vendue comme les autres. Elle déglutit, piquée au vif, mais au lieu de répondre tout de suite, son regard tomba sur la petite croix en bois posée discrètement sur le bureau de Silvano. Elle le pointa du menton. — T’es chrétien, non ? Et tu te permets de juger ? — C’est pas un jugement, dit-il sans hausser le ton. C’est une constatation. Ce que tu fais, c’est ton choix. Mais tu pourrais avoir mieux. Tu vaux mieux que ça, si seulement tu t’en rendais compte. Flaviana le fixa, un instant interdite. Il n’avait pas levé la voix, ne l’avait pas insultée. Il semblait juste... déçu. Et ça, c’était pire. Sans répondre, elle prit le dossier, le posa sur son bureau et s’installa. Il lui donna quelques instructions supplémentaires, claires, efficaces. Aucune remarque de plus, aucun ton condescendant. Et peu à peu, elle comprit : cet homme n’était pas comme les autres. Il disait ce qu’il pensait, mais il agissait avec droiture. Et, au fond d’elle, malgré la colère, Flaviana sentit qu’elle avait envie de lui prouver qu’il se trompait. Ainsi, à la sortie du travail, Flaviana alla manger quelque chose dans un petit resto du coin. Elle avait enfin un job, et même si les débuts étaient compliqués, elle avait le sentiment d’avoir franchi une étape. Ce soir-là, elle décida de fêter ça. Pas une grosse fête. Juste un verre. Juste elle. Elle rentra chez elle, se changea, enfila une robe simple mais qui la mettait en valeur, lâcha ses cheveux et se parfuma légèrement. Elle voulait se sentir bien. Belle, pour elle. Puis elle se rendit au bar. Et là, derrière le comptoir, comme une évidence, Paolo. Le même barman. Celui avec qui elle avait couché, une nuit de vertige et de douleur. Lorsqu’elle lui demanda un verre, leurs regards se croisèrent, et un instant suspendu les figea tous les deux. Ils se regardèrent en silence, un peu gênés, un peu curieux aussi. Flaviana, elle, se souvenait parfaitement de cette nuit. Et elle savait qu’elle l’avait aimée. Elle allait lui dire quelque chose, mais quand elle tourna la tête, son cœur fit un bond. Silvano. Assis à une table, un verre devant lui. Seul. Il semblait tendu, distant. Pourtant, elle prit une inspiration et alla vers lui. — Silvano... Il se leva immédiatement, sans même lui laisser le temps de s’asseoir. — On est collègues, Flaviana. Restons-en là. Puis il quitta la table sans un mot de plus, la laissant figée, le cœur un peu heurté. Elle retourna au bar, perdue dans ses pensées, et remercia Paolo d’un ton plus doux. Il lui offrit un sourire timide. Elle termina son verre et rentra chez elle. Les jours suivants marquèrent le début d’une nouvelle vie pour elle. Chaque matin, elle se levait pour aller travailler, ponctuelle, concentrée. Elle évitait les écarts. Elle s’appliquait. Et le soir, elle appelait souvent Léandra, ou la retrouvait pour un repas. Léandra, elle, rayonnait. Elle était fière de sa sœur. Elle le disait. Et un jour, elle le dit même à leurs parents : Flaviana a un vrai travail maintenant. Cela avait ému leur mère, même si l’orgueil l’avait empêchée de le montrer. Touchée, Flaviana décida d’envoyer chaque mois une partie de son salaire à ses parents. Pas pour s’acheter leur pardon. Mais pour montrer qu’elle pensait encore à eux. Ils lui proposèrent de revenir vivre à la maison. Mais elle déclina. — J’ai besoin de cet espace, avait-elle dit calmement. C’est mon équilibre. Et cette fois, personne ne la força. Flaviana, désormais libre et indépendante, s’offrait tout ce dont elle avait toujours rêvé. Elle s’habillait comme elle le voulait, se faisait plaisir sans demander de permission à personne, et sortait souvent, seule ou avec Léandra. Ce jour-là, elle avait emmené sa sœur dans un restaurant chic, un de ces lieux où les lustres pendent comme des diamants et où les serveurs parlent à voix basse. Installées à une table près de la baie vitrée, elles riaient en partageant un dessert. Flaviana savourait ces instants où Léandra redevenait une enfant insouciante. Mais elle le remarqua très vite : un homme, seul à une table plus loin, les observait. Il était élégant, bien habillé, la montre coûteuse, le regard assuré. Flaviana savait reconnaître un homme riche. Et elle adorait ça. Elle échangea un regard entendu avec lui, puis se pencha vers Léa avec un sourire : — Je vais aux toilettes. Je reviens. À peine avait-elle franchi le couloir qu’elle entendit des pas derrière elle. L’homme. Il s’approcha avec une désinvolture calculée. — Vous êtes magnifique. Rarement vu autant d’élégance dans un seul regard. Elle sourit, charmeuse. — Et vous êtes doué pour flatter. Il glissa une carte dans sa main. Un numéro. Un prénom : Massimo. — J’aimerais vous revoir. Très bientôt. Elle hocha la tête, reprenant la direction de sa table. De retour près de Léandra, elle reprit la conversation comme si de rien n’était. Elles discutèrent encore, puis l’heure tournant, elle accompagna sa sœur jusqu’à la maison. Devant la grille, leurs parents étaient là. Ils lui proposèrent de rester dîner. — Non, j’ai encore du travail, répondit-elle, polie mais pressée. Une fois dans le taxi, elle soupira. Son téléphone vibra : Ruggerio. Un message bref. « Viens au club. C’est important. » Elle ne répondit pas. Elle n’en avait pas envie. Mais très vite, elle sentit que le taxi n’était plus seul sur la route. Une voiture noire derrière eux. Discrète, mais trop lente pour être innocente. Elle soupira, agacée. — Change pas de direction. Continue vers le club. Elle savait comment ces choses-là se passaient. On ne disait pas non à Ruggerio. Pas comme ça. Du côté de la maison familiale, la soirée avait à peine commencé qu’un coup sec résonna contre la porte. Angnella, en tablier, s’essuya les mains et alla ouvrir. En face d’elle, droite et hautaine, se tenait Donata Bellini. — Tu n’as pas honte ? lança Donata sans même un salut. Encourager ta fille à se p********r comme ça, c’est une abomination ! Angnella la fixa, choquée. — Ma fille ne se prostitue pas. Elle travaille dans un cabinet, c’est un vrai travail ! — Arrête de mentir, Angnella. Tu te dis chrétienne et tu couvres ça ? Tout le quartier sait ce qu’elle fait. Le ton monta d’un cran. Angnella serra les dents. — Et toi, tu te dis chrétienne mais tu passes ta vie à juger les autres. Occupe-toi de ta propre famille ! Puis, sans lui laisser le temps de répliquer, elle referma violemment la porte. Cesare, à table, haussa les yeux sans rien dire. Léandra, elle, avait tout entendu depuis les escaliers, le cœur serré. Au même moment, Flaviana entrait dans le club. Rien n’avait changé : les mêmes lumières tamisées, la même odeur de luxe mêlée à l’alcool cher, et les mêmes hommes aux regards trop lourds. Un garde du corps l’attendait à l’entrée et la mena directement au bureau de Ruggerio. Elle entra, les bras croisés. — T’avais dit qu’on ne me suivrait plus. Alors pourquoi je suis là ? Ruggerio, assis derrière son bureau, leva les yeux de ses papiers avec un sourire calculé. — J’ai reçu un appel. Un de mes anciens clients. Un gros bonnet venu de Dubaï. Il veut te voir. Il a demandé la reine. L’ancienne reine du club. — Je travaille maintenant. Je danse plus. Je vends pas mon corps. Ruggerio se leva lentement, l'air calme. — Ce n’est pas pour danser. Il veut juste de la compagnie. Et il est prêt à payer une somme énorme. De quoi vivre deux ans sans lever le petit doigt. Flaviana resta immobile. — Et toi, tu gagnes combien là-dessus ? demanda-t-elle. Il eut un sourire fin. — Moins que toi, cette fois. Il t’enverra l’argent directement. On est tous gagnants. Flaviana secoua la tête. — J’ai jamais été une p**e. J’ai jamais fait ça pour de l’argent. Les hommes, je les choisis. Et s’ils me donnent quelque chose, tant mieux. Mais jamais je me suis vendue. — Ce n’est pas de la p**********n, répondit Ruggerio, adossé à son bureau. Il a besoin de compagnie, c’est tout. Et toi, t’auras l’argent. Sans rien faire. Juste être belle. Elle resta silencieuse. Un mélange d’indignation et de tentation la traversait. C’était peut-être facile. Trop facile. Et pourtant… A suivre
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