Chapitre 5

1448 Words
Dans son dos, elle entendit Antonio se dégager sèchement : - Arrête ça. T'es ridicule, à faire ça en public... Elle referma la porte derrière elle, ramassa rapidement ses affaires. Elle n'avait rien laissé d'intime ici. Juste quelques vêtements, une trousse de maquillage, deux bouquins. C'était devenu un lieu de passage. Plus un refuge. Quand elle ressortit, valise à la main, Antonio l'attendait dans le couloir. Il se tenait seul cette fois, les bras croisés, visiblement troublé. - Où tu vas ? demanda-t-il d'un ton plus doux. - Dans mon nouvel appart, répondit Flavia en continuant d'avancer. Il la suivit de quelques pas. - Donne-moi ton numéro. S'il te plaît. Elle s'arrêta et le fixa. Il y avait dans son regard quelque chose de tendre mais lucide, presque triste. - Antonio... concentre-toi sur ta femme. Et sur ton fils. Il secoua la tête, presque désespéré. - Je suis tombé amoureux de toi, Flavia. Elle soupira, un sourire amer aux lèvres. - Non, Antonio. Ce n'est pas de l'amour. C'est du désir. C'est le frisson de l'interdit, le goût du manque. Tu es un homme bien. Et tu as une belle famille. Je ne veux pas que tu la détruises... comme moi j'ai détruit la mienne. Il voulut parler, mais elle posa doucement sa main sur son torse pour le stopper. - Prends soin d'eux. Et oublie-moi. Sans un mot de plus, Flavia s'éloigna, sa valise roulant derrière elle sur la moquette silencieuse. Elle n'avait pas le cœur léger. Mais elle savait qu'elle venait de faire le bon choix. Flavia monta dans le taxi sans un mot, son cœur battant à un rythme lent et régulier, comme si, enfin, elle se posait quelque part. Elle regardait la ville défiler derrière la vitre, les lumières du soir, les immeubles, les passants pressés. Ce soir, elle n’allait pas rentrer dans une chambre d’hôtel impersonnelle. Ce soir, elle allait découvrir son chez-elle. À son arrivée devant l’immeuble, un homme en costume et le concierge l’attendaient déjà. L’un tenait une tablette, l’autre lui souriait avec politesse. — Mademoiselle Valneri ? demanda l’homme en costume. — C’est moi. — Monsieur Alessandro m’a demandé de vous remettre ceci et de veiller à ce que tout se passe bien pour votre installation. Il lui tendit un dossier avec des papiers à signer et une clé brillante attachée à un porte-clé en cuir noir. Tout avait déjà été prévu, pensé, sécurisé. En moins d’un quart d’heure, tout était réglé. Flavia monta seule, clé en main. Quand elle ouvrit la porte de son nouvel appartement, un souffle lui échappa. Le salon était vaste, lumineux, ouvert sur une cuisine américaine aux finitions modernes. Le sol brillait, les meubles étaient de qualité, sobres mais élégants. Un grand canapé, une table en verre, des rideaux beiges qui laissaient filtrer la lumière douce de la ville. La chambre était spacieuse, le lit immaculé. Et la salle de bain… digne d’un palace. Une baignoire profonde, une douche italienne, des serviettes moelleuses. Elle n’en revenait pas. Flavia posa sa valise, fit quelques pas dans chaque pièce, toucha les meubles, ouvrit les placards. Ce luxe, elle ne l’avait jamais connu. Elle s’installa peu à peu, rangea ses vêtements dans le dressing, plaça ses affaires de toilette. Puis, le ventre creux, elle se commanda à manger le frigo était vide, il faudrait penser aux courses demain. Assise au bar de la cuisine, elle déballait sa commande quand son téléphone vibra. L’écran afficha : Léandra. Elle décrocha aussitôt. — Allô ? — Flavia ! souffla la voix de sa petite sœur. Je me suis cachée pour t’appeler. Ils m’ont confisqué mon téléphone, je devais te parler… La voix douce, fébrile, de Léandra brisa une barrière que Flavia gardait fermée depuis des jours. — Tu me manques trop, Flavia… — Toi aussi, ma chérie. Tellement. Elle avait les larmes aux yeux. — J’ai pensé… demain, on pourrait se voir, dit Léandra. À l’école. À la sortie. Juste quelques minutes. — C’est une bonne idée, répondit Flavia, le cœur serré. Et si on allait déjeuner ensemble après ? — Oui ! dit Léandra, toute excitée. Oui, je veux ! — On fera ça. Promis. Un silence chargé d’émotion s’installa un instant entre les deux sœurs. Flavia sentit, malgré la douleur, un peu de lumière revenir. L’amour, le vrai, ne l’abandonnait pas. Il restait là, même caché. Et c’était suffisant pour continuer. Le lendemain matin, Flavia se réveilla avec une étrange sérénité. La nuit avait été courte mais douce, et son appartement ce cocon inattendu lui offrait un sentiment de stabilité qu’elle n’avait plus connu depuis longtemps. Après une douche rapide, elle s’habilla avec soin, maquilla légèrement ses yeux fatigués, attacha ses cheveux et descendit prendre son petit-déjeuner dans un café à quelques rues de là. Un croissant chaud, un café noir, quelques regards volés elle ne cherchait pas à séduire ce matin, juste à exister. Une heure plus tard, elle consulta son téléphone. L'heure de la sortie approchait. Elle prit la direction de l’école, le cœur battant. Retrouver Léandra, entendre sa voix, la serrer contre elle… c’était tout ce qu’elle attendait. Elle resta à l’écart, de l’autre côté de la rue, et lorsque la sonnerie retentit et que les élèves commencèrent à sortir, Flavia sentit une vague d’émotion l’envahir. Et puis, elle la vit. Léandra descendit les marches du bâtiment, balayant la foule du regard. Lorsqu’elle aperçut Flavia, son visage s’illumina. Elle courut vers elle et se jeta dans ses bras. Flavia la serra contre elle avec force, les yeux mouillés. Les deux sœurs, enfin réunies. — Tu m’as trop manqué, murmura Léandra. — Toi aussi, mon trésor. Chaque jour. Autour d’elles, des élèves les observaient. Certains, intrigués. D’autres, moqueurs. Flavia s’en rendit compte en croisant plusieurs regards insistants, murmurant dans leur barbe des mots qu’elle ne saisissait pas encore. Elle fronça les sourcils. — Qu’est-ce qu’ils veulent, eux ? demanda-t-elle en regardant un groupe de garçons qui ricanait un peu plus loin. — Ignore-les, Flavia… viens, on s’en va, dit Léandra, mal à l’aise. Mais à peine avaient-elles tourné les talons qu’une voix se fit entendre dans le groupe. — Hé, Léa ! Ta sœur, c’est la p**e du ministre, pas vrai ? Un rire gras accompagna la remarque. Flavia s’arrêta net. Elle se retourna lentement, le visage dur. Elle s’approcha du garçon seize ans peut-être, une arrogance collée sur le front et sans un mot, lui asséna une gifle retentissante. Le rire s’étrangla immédiatement dans sa gorge. Un silence total s’abattit devant l’établissement. Tous les regards se braquèrent sur elles. Le garçon, choqué, porta sa main à sa joue. Il ne s’attendait pas à ça. Un professeur approcha aussitôt, visiblement outré. — Mademoiselle ! Vous n’avez pas le droit de lever la main sur un élève ! C’est inacceptable, peu importe ce qu’il a dit ! Flavia le fixa droit dans les yeux, glaciale. — Alors commencez par leur apprendre le respect. Ce garçon ne m’a pas insultée, il a insulté ma sœur. Il a manqué d’éducation, pas moi. — Ce n’est pas une excuse, vous êtes adulte… — Et vous êtes enseignant. Éduquez-les mieux. Le professeur resta figé, pris de court par le calme tranchant de Flavia. Léandra, la main tremblante, attrapa celle de sa sœur. — Viens… partons. Sans répondre, Flavia glissa ses doigts entre ceux de Léandra. Les deux sœurs s’éloignèrent sous les regards figés et choqués. Mais elles marchaient la tête haute. Ensemble. Une fois installées dans le taxi, Flavia prit la main de sa petite sœur et la serra tendrement. Léandra lui jetait des regards pleins de lumière, comme si le monde redevenait soudain un endroit habitable simplement parce qu’elles étaient ensemble. Flavia la contempla un instant, émue par cette affection intacte. — Alors, ma princesse, qu’est-ce que tu veux faire aujourd’hui ? demanda-t-elle en souriant. Léa haussa les épaules, les yeux pétillants. — Je veux juste passer du temps avec toi. Rien d’autre. Le cœur de Flavia se serra doucement. Ce lien entre elles, pur et indestructible, était la seule chose qui lui donnait encore l’impression d’être quelqu’un de bien. Elle posa un b****r sur la main de sa sœur. — D’accord… alors tu vas passer une journée de princesse, j’espère que t’es prête, parce que moi je suis pas venue pour faire semblant. Léandra éclata de rire. Elles commencèrent par le centre-ville, dans un grand centre commercial. Flavia l’avait décidé : aujourd’hui, elles oublieraient tout. Les insultes, les regards, les jugements. Rien n’existait que leur complicité. Flavia acheta plusieurs tenues pour elle-même des robes, des hauts, des talons mais surtout, elle choisit avec soin des vêtements pour Léandra. Elle voulait que sa sœur se sente belle, forte, invincible. A suivre
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