Je m’étais juré de ne plus jamais remettre les pieds au Sénégal, encore moins dans cette satanée maison. Mais après le coup de fil que j’avais reçu plutôt ce matin, je n’avais nullement le choix. Je me sentais piégé…
*Flashback six heures avant :
J’étais en pleine réunion en train de faire une présentation que j’avais minutieusement préparée. En effet, cela faisait deux ans que j’avais des vues sur le poste de Directeur Clientèle. Je n’étais malheureusement pas le seul et cette présentation devait être l’arme secrète pour nous départager.
Dieu merci, j’eus le temps de la terminer avant l’annonce de la nouvelle qui va suivre. Mon téléphone ne cessait de vibrer. Le numéro n’était pas répertorié mais l’appel provenait du Sénégal. La personne ne cessait d’insister. Ma boss me regarda puis dit :
Ma boss : ça a l’air urgent, alors pourquoi ne pas décrocher ?
Moi : Très bien, je reviens dans ce cas.
Je sortis me mettre dans le couloir et m’isola afin que ma lourde voix ne perturbe pas le déroulement de la réunion. Je rappelai le numéro qui avait tenté de me joindre à trois reprises :
Moi : Allô ?
La personne au bout du fil: Allô Bouba ? Mane la sa Nidiaye Amadou. (c’est moi ton oncle Amadou).
Moi : Nidiaye ça va ? Ça fait longtemps.
Nidiaye Amadou : Oui. Mon fils, j’ai une mauvaise nouvelle.
Dès qu’il prononça ces mots, mon cœur se mit à battre la chamade. Cela faisait une éternité que je n’avais plus de nouvelles de ma famille. J’ai coupé les ponts avec pratiquement tout le monde, un peu à près m’être installé à Strasbourg.
Moi : Lou xew (que se passe-t-il ?)
Nidiaye Amadou : Ta mère nous a quitté très tôt ce matin.
Ma mère, venait-il de dire ? Ce n’était pas le moment de ressasser le passé alors je me contentai de répondre à ce qu’il venait de m’apprendre :
Moi : Tu m’en vois navré. Mes condoléances. Qu’Allah ait pitié de son âme.
Nidiaye Amadou : Mes condoléances à toi aussi. C’était ta mère…
Quand comptes-tu venir à Dakar ? Je ne veux pas l’enterrer sans ta présence. Après tout, tu es son seul et unique enfant.
Moi : Je ne sais pas si je pourrai me libérer. C’est compliqué…
Je te donne l’autorisation de l’enterrer !
Nidiaye Amadou : Mon fils, ta mère a beaucoup souffert de ton absence et elle m’a laissé quelque chose pour toi. Il faut que tu viennes. Mets ton orgueil de côté et viens stp.
Moi : Très bien! Je verrai comment m’arranger.
Nidiaye Amadou : Dieureudieuf sama doom (merci mon fils).
Je retournai dans la salle de réunion. Je n’avais apparemment rien manqué d’assez important. Ma boss était très curieuse, elle me regarda comme pour me demander si tout allait bien et comme je fuyais son regard, elle me posa directement la question :
Ma boss : Hum, Boubacar est -ce que tout va bien ? Tu sembles troublé.
Moi : Je viens de perdre ma mère… Et comme je suis son unique fils, mon oncle aimerait que je sois présent à l’enterrement.
On entendit des murmures de désolation dans la salle. C’était des « OH », « désolé », « navré » etc.
Ma boss : Permission accordée. Prends le temps qu’il faudra. Amandine assurera ton intérim. Toutes mes sincères condoléances. Tu peux partir maintenant. Je veillerai à ce que le compte rendu de la réunion te soit envoyé par email.
Moi : Merci Boss.
Je sortis de la salle muni de mon ordinateur. Je les entendis murmurer :
-C’est vraiment triste, perdre sa mère ! Le pauvre…
Mais la vraie question qui se pose et comment je me sens par rapport à l’annonce de cette nouvelle ?
Je ressens de la colère, de la haine et de l’amertume…
Je rangeai mes affaires puis rentrai chez moi. J’allumai mon ordinateur et me connectai pour acheter un billet en ligne. Vues les circonstances, il serait mieux pour moi de rester le minimum de temps possible à Dakar. La chance m’avait souri. Je trouvai un billet à un prix abordable pour une durée de trois semaines. Et la meilleure est que le vol était dans deux heures. Je pris une douche rapide, puis fis rapidement ma valise avant de demander à un de mes amis Gabonais, Aldrick de me conduire à l’aéroport…
*En ce moment à l’aéroport
J’enregistrai mes affaires puis alla patienter, le temps que ce soit l’heure d’embarquer.
Je devais être heureux de remettre les pieds au bled, mais ce n’était nullement le cas. J’angoissais plus qu’autre chose.
Cet appel, la mort de ma mère a réouvert toutes les plaies qui avaient déjà cicatrisées. Je suis donc dans l’obligation de vous raconter mon histoire. Nous les hommes n’aimant pas laisser transparaitre notre souffrance de peur d’être considéré comme une mauviette. A chaque fois que le mot « HOMME est prononcé, il renvoit immédiatement à la virilité, la force etc.
Bref, je m’appelle Boubacar Pierre Ndoye et je suis un jeune homme qui vient tout juste de fêter ses 37 ans. Je suis enfant unique et je pense que c’était une des raisons qui avaient poussé mon père à prendre une seconde épouse à l’époque. C’était un homme qui adorait les enfants et en voulait plus. Ma mère avait tout fait pour en avoir d’autre, mais elle n’avait pas pu. Mes deux parents étaient des intellectuels.
Mon père travaillait à l’époque en tant que DAF (Directeur Administrateur et Financier) dans une multinationale et c’est d’ailleurs là-bas qu’il avait pris sa retraite. Ma mère quant à elle, avait choisi d’être femme au foyer. Elle faisait son petit commerce tranquillement. Elle vendait des sacs à main, des chaussures, de l’encens etc. et se faisait de timides revenus.
Comme on le dit très souvent, j’étais très proche de cette dernière et nous n’avions aucun secret l’un pour l’autre.
"Les passagers du vol 913, à destination de Dakar, sont priés de se présenter à la porte B pour l'embarquement immédiat".
Je marchai à grands pas vers la salle d’embarquement. J’avais besoin de faire un petit somme. J’étais lessivé. J’avais pratiquement veillé toute la semaine afin que le rendu de ma présentation soit irréprochable.
Cinq ans que je n’avais pas mis mes pieds dans mon pays natal. Ce pays qui m’avait tant donné et qui m’a pratiquement tout pris !
Je suis dans l’avion. Je suis confortablement assis du côté hublot. Il y a une mère de famille Sénégalaise et ses deux enfants assis à côté de moi. Elle me salua et demanda à ses enfants d’en faire autant avant de s’assoir.
C’est là que le fameux bip se mit à retentir :
Le Chef de Cabine :
Madame, Monsieur bonjour, mon nom est Martin Ndiaye et je suis votre chef de cabine. Le commandant de bord M. Guissé et l'ensemble de l'équipage ont le plaisir de vous accueillir à bord du Boeing 177-800.
Nous nous assurerons de votre sécurité et de votre confort durant ce vol à destination de l’Aéroport International Blaise Diagne (AIBD). Le temps de vol sera de 5h00.
Nous vous informons que les bagages à main doivent être placés dans les coffres ou sous les sièges devant vous.
Les portes et issues de secours doivent être dégagées de tout bagages.
Les téléphones portables doivent être impérativement éteints à bord et ce, jusqu'à l'arrivée au parking de destination, merci.
Nous vous rappelons que ce vol est non-fumeur et qu'il est strictement interdit de fumer dans les toilettes.
Les démonstrations de sécurité vont vous être présentées sur l'écran, accordez nous quelques minutes d'attention, merci.
Nous allons bientôt décoller. Votre tablette doit être rangée, et votre dossier redressé.
Nous vous remercions d'avoir choisi notre compagnie et vous souhaitons de passer un agréable vol.
Je me mis à réciter quelque versets avant d’être plongé dans mes pensées. J’avais beaucoup voyagé en Europe ces dernières années que ce soit pour des raisons professionnelles ou pour des vacances…
Ce voyage était totalement différent. Si cela ne tenait qu’à moi, je n’aurai même pas assisté aux funérailles. Mais vous savez comment ça marche en Afrique. Ils diront qu’elle est morte à cause de moi parce que j’ai tout bonnement décidé de couper les ponts avec elle et pour couronner le tout, j’ai refusé de l’accompagner à sa dernière demeure. Je m’en fous d’habitude des « qu’on dira -t-on », mais cette fois-ci, il était hors de question que je leur donne satisfaction. Et puis le côté positif de ce voyage est le fait que je pourrai me rendre sur la tombe de mon père.
C’est fou ce qu’il me manque !
Les choses se seraient déroulées différemment s’il n’était pas parti trop tôt. Mon père fait partie de ces nombreuses personnes qui ont perdu la vie à cause d’un mauvais diagnostic médical. Papa avait constamment des douleurs au ventre ou bas ventre ; Il était incapable d’expliquer d’où provenait exactement la douleur. Il avait mal et en souffrait. Nous avions fait les tours des spécialistes, mais rien. La seule chose qu’ils nous disaient tous, était qu’il fallait revoir son alimentation et même après cela, les douleurs persistaient. Nous ne savions plus quoi faire. J’en parlai donc à un de mes amis qui était encore étudiant en médecine à l’époque et ce dernier m’avait conseillé de le faire examiner par des spécialistes à l’étranger pour être sûr qu’il n’ait rien de grave.
A l’époque, j’avais dû mettre mes études universitaires en standby à cause de la maladie de mon père. Mais je ne m’en plains pas parce que c’est à moi de le faire pour lui. Sa santé n’avait pas de prix à mes yeux. Nous nous envolâmes deux semaines plus tard pour Marseille. Les formalités relatives à nos demandes de visa avaient pris énormément de temps mais par la grâce de Dieu, nous avions pu obtenir tous les deux nos visas. Je craignais que l’on donne à l’un et qu’on refuse à l’autre. J’avais choisi Marseille parce qu’une des filles de la sœur au vieux y habitait et nous avez recommandé un très bon hôpital pas loin de chez elle. J’aurai tellement aimé qu’il n’ait rien de grave. Mon père était mon idole, mon meilleur ami, mon socle. Je ne cesserai de pleurer sa mort.
Les médecins lui ont diagnostiqués un cancer de l’estomac. La question que je continue de me poser jusque là et comment cela se faisait-il qu’aucun de nos médecins et qu’aucune analyse n’avaient pu révéler cela ?
Je suis convaincu que papa serait encore en vie si nous l’avions su plus tôt ; Mais bon comme le disait sa seconde épouse, maman Alima : c’était la volonté divine. La mort de mon père m’a forgé dans un sens. Il s’est éteint dans mes bras. Et j’ai dû négocier toute la paperasse relative à son décès.
Cependant, contrairement à beaucoup de familles, le problème du partage de l’héritage ne s’était pas posé. Mon père n’a qu’un enfant avec ma mère et trois avec maman Alima : les jumelles Adama et Awa âgées de 20 ans et Coura la cadette qui en a 17. Maman Alima était la Co épouse idéale.
Nous étions très proches tous les deux et je sais que ça ne plaisait forcément pas à ma mère. Elle ne cessait de me répéter que cette dernière faisait semblant de m’aimer or ce n’était pas le cas. Ma mère me disait de faire attention à ce qu’elle me donnait et à ce que je lui disais. Honnêtement je savais que cette femme m’aimait sincèrement mais je ne voulais pas en débattre avec ma mère. Je me contentais juste d’acquiescer pour éviter tout débat.
Je pense que piquer un petit somme s’impose !
On se revoit une fois à Dakar. Souhaitez-moi bonne chance !
Moi qui n’aimait pas dormir dans les avions, j’avais pratiquement dormi durant toute la durée du vol. Je fus réveillé par le message du Commandant de bord :
« Madame, Monsieur, nous abordons notre descente vers l’Aéroport International Blaise Diagne.
Nous vous invitons à regagner vos sièges et vous assurer que vos bagages à mains sont situés sous le siège devant vous ou dans les coffres à bagages ».
Les passagers avaient l’air si contents contrairement à moi. Je n’avais même pas informé mon oncle de mon arrivée. C’était fait exprès. Je ne voulais pas que toute la famille se mobilise pour se jeter sur moi. Je préférais les surprendre. Cela me permettra d’avoir une longueur d’avance sur elle.
Tout se passa rapidement : la descente de l’avion, les formalités de la douane, la récupération de mes bagages etc. C’était fou comme les choses avaient évoluées ici. Notre nouvel aéroport est tout simplement sublime, même si je préférai l’emplacement de l’ancien. Mais bon, on ne peut pas avoir le beurre, l’argent du beurre et la crémière.
J’avais tout sauf envie de parler et j’eus la malchance de tomber sur un taximan qui n’arrivait pas à fermer son clapet deux minutes. Je ne sais pas s’il était juste bavard ou s’il essayait de taper la conversation compte tenu du long trajet que nous étions censés faire ensemble.
Afin qu’il me colle la paix, je sortis mes écouteurs afin de lui faire croire que j’écoutais quelque chose. Je me posais tellement de questions. Ma mère était-elle réellement morte ou était-ce encore une de ses ruses pour me faire venir au Sénégal ?
Je me rappelle encore la dernière fois où je l’ai vue : c’était un jeudi. Il pleuvait des cordes ce jour-là. Cela faisait des mois que je cherchais à trouver un emploi à l’étranger. Pour être honnête, je visais le Canada mais je finis par retrouver en France. Je passais mes journées sur LinkedIn et sur des forums. Je pouvais envoyer une vingtaine de candidatures par jour et elles étaient toutes refusées. Je ne comprenais pas pourquoi. J’étais jeune, fraichement diplômé. Et j’avais à mon actif , une expérience professionnelle d’un an au moins. J’avais également un très bon niveau en anglais. Tous les jours, je recevais des email de refus et ce, même quand il s’agissait d’offres correspondant à mon profil, les réponses que je recevais était les mêmes :
Nous vous remercions de l’intérêt que vous manifestez pour le poste d’ Ingénieur d’affaires chez X Malheureusement, nous ne pouvons donner suite à votre candidature. Nous vous remercions cependant du temps que vous nous avez consacré et de l’intérêt que vous portez à notre entreprise.
Encore celui-ci il passait. Mais celui qui me restait au travers de la gorge le voici :
Nous vous remercions de l'intérêt que vous avez manifesté pour notre entreprise en déposant votre candidature. Nous avons étudié votre dossier avec la plus grande attention. Cependant, d'autres candidats nous ont paru avoir un profil plus adapté au poste proposé.
C’était toujours la même rengaine. Malgré cela, je devenais beaucoup plus persévérant. Il était hors de question que j’abandonne sans obtenir ce que je voulais. Ma mère ignorait le fait que j’étais en train de faire des démarches. J’avais la chance d’avoir un job décent à Dakar. Mais là n’était pas la question. Je ne pouvais plus rester dans cette maison. J’étais arrivé à un stade où je n’adressais même plus la parole à ma mère. Je sais que ce n’était pas bien, mais j’avais atteint mon seuil de tolérance.
J’en étais où d’ailleurs : voilà c’était un jeudi. Il pleuvait des cordes. Ma mère était assise dans la cour arrière avec une de ses cousines. Je saluai ma tante avant de demander à ma mère de venir dans ma chambre car j’avais besoin de lui parler.
Elle se leva et me suivit sous le regard curieux de sa cousine. Dès qu’elle entra dans la chambre, elle remarqua ma valise sur le lit et commença à me questionner :
MAMAN : Bouba ? C’est quoi cette valise ?
MOI : C’est ce dont je voulais te parler. J’ai trouver un travail en France. Je pars ce soir !
Elle se mit à crier comme elle savait si bien le faire :
MAMAN : Avec la permission de qui ? Tu as tout réglé sans rien me dire. Je ne te reconnais vraiment plus Boubacar ! Je suis ta mère. Je ne suis pas ton ennemie.
Ses cris alertèrent les autres habitants de la maison. Tata Khardiata, sa cousine avec qui elle était quand je suis venue la chercher vint la première :
TATA KHARDIATA : Hey, du calme. Tu veux alerter les voisins ou quoi ? Que se passe-t-il ?
MAMAN : Tu as vu sa valise non ? Il dit qu’il s’en va. Il va vivre en France. Non qu’ai-je fait pour mériter d’avoir un enfant pareil ?
Elle se mit à pleurer. Nidiaye Amadou qui faisait tranquillement la sieste fut réveillé par le vacarme et vint à son tour voir ce qui se passe :
NIDIAYE AMADOU : On ne peut même plus dormir en paix dans cette maison. Ndèye Marie pourquoi cries-tu encore ?
MAMAN : Demande à ton fils. Je pense qu’il veut m’achever. Il veut me tuer.
Elle attrapa son cœur et dit :
MAMAN : Oh ma tension.
NIDIAYE AMADOU : Khardiata amène la dehors qu’elle prenne une bouffée d’air. J’ai besoin de m’entretenir avec Bouba dans le calme.
MAMAN : C’est mon fils Amadou. Je veux entendre ce qu’il a à dire.
Mon oncle referma la porte derrière elle avant de s’assoir sur mon lit. Il posa ma valise par terre puis me dit :
NIDIAYE AMADOU : Fiston, c’est quoi cette histoire ?
MOI : Nidiaye, je vais en France. J’ai trouvé du travail là-bas.
NIDIAYE AMADOU : Tu nous mets devant le fait accompli là.
MOI : Tu sais pourquoi. Si je lui avais parlé de mes projets, je ne serai jamais allé jusqu’au bout et tu le sais.
Mon oncle ne dit rien. Il remua juste sa tête puis dit :
NIDIAYE AMADOU : Je sais que ta mère n’est pas une femme facile, mais elle reste ta mère. Tu ne peux pas l’exclure comme ça de ta vie.
MOI : Je suis fatigué tonton. Je ne peux plus continuer ainsi.
NIDIAYE AMADOU : Donc c’est décidé, tu pars ?
MOI : Oui. Mon vol est dans deux heures.
NIDIAYE AMADOU : Très bien. Nos prières vont t’accompagner. Je vais parler à ta mère même si ce ne sera pas facile de la convaincre de te laisser partir.
MOI : Merci Nidiaye.
Imposer cela à ma mère me faisait énormément souffrir mais nous ne pouvions plus vivre sous le même toit, encore moins dans le même pays. Surtout après tout ce qu’elle m’a fait subir !
Quand fut le moment de partir, c’était un de mes amis d’enfance, Oumar qui était venu me prendre. Je dis au revoir à tout le monde. Ma mère ne s’était juste contentée de me dire:
MAMAN : Ce n’est plus la peine de me donner de l’argent. Tu peux bouffer ton salaire tout seul ! Je ne veux plus rien venant de toi. Tu es désormais mort pour moi.
Elle se leva et alla s’enfermer dans sa chambre. Tata Khardiata me regarda avec dégout mais je ne me laissai pas pour autant abattre. Mon oncle me prit dans ses bras et dit :
NIDIAYE AMADOU : Qu’Allah (SWT) veille sur toi mon fils. Appelle-nous dès que tu arrives. Bon voyage.
Il me donna la main gauche comme la coutume le voulait avant de me donner une tape sur l’épaule. Mon oncle est vraiment quelqu’un de bien. Oumar m’aida à mettre mes valises dans la voiture. C’est la dernière fois que je l’ai revue.
Je vous jure que vous auriez fait pareil si vous étiez à ma place…
J’étais enfin arrivé. Le taximan descendit ouvrir la malle arrière et en sortit mon trolley. Je lui payai sa course avant d’entrer dans la maison. Il était un peu tard. La porte était ouverte car il y avait encore un peu de monde. Les gens aiment tellement s’éterniser dans les décès, c’est incroyable.
La première personne qui me vit fut tata Khardiata. Cette femme me déteste, je le sais et je la comprends. Je suis convaincu que si elle connaissait toute la vérité, elle se serait rangée de mon côté. De toutes les manières, je ne cherche pas à plaire à tout le monde et en plus, je n’ai jamais vraiment parlé de mes divergences avec ma mère. J’ai toujours tenu à préserver son image.
TATA KHARDIATA : Tu as tué ta mère et tu te pointes ici après tant d’année.
Je gardai mon calme. Elle était en deuil et était blessée. Je ne lui répondis pas. Je cherchais mon oncle du regard mais je ne le vis pas. Des tantes et oncles se ruèrent vers moi. C’était un peu comme s’ils s’étaient tous passés le mot. Ils me demandèrent comment avais-je pu avoir le culot de remettre les pieds dans cette maison après avoir tourné le dos à ta mère.
Une fois de plus, je gardai mon calme. Je sortis de la maison et essayai de trouver un réseau wifi pour pouvoir téléphoner à mon oncle sur w******p. Ce fut sans succès. Je ne voulais pas utiliser mon forfait de France pour cela et risquer de passer en hors forfait à cause d’une tarification internationale onéreuse. Je m’adossai contre une voiture. Je venais de faire des heures de vol. J’étais épuisé. Ma famille n’avait même pas voulu me laisser entrer. La seule personne qui avait été gentil avec moi était Coumba, une de mes cousines. Elle s’avança vers moi avec une chaise en plastique et une bouteille d’eau minérale :
COUMBA : Hello cousin, comment vas-tu ? ça fait un bail hein.
MOI : Merci Coumba. Oui ça fait un moment. Tu devrais éviter de parler avec moi avant que ta mère ne vienne te chercher.
COUMBA (amusée) : Ma bouche m’appartient à ce que je sache. C’est bien que tu aies pu venir.
MOI : Pourrais-tu dire à Nidiaye Amadou que je suis là STP ? J’aimerai le voir avant de m’en aller, c’est urgent.
COUMBA : Aller où ? Ici c’est chez ton père ok ? Donc si quelqu’un est bien à sa place ici, c’est bien toi. Ok, je vais le chercher ! Je reviens.
Elle marqua un point ! C’est la maison de mon père. A la mort de papa, maman avait proposé à ses frères et sœurs de louer leurs maisons familiales et de se partager les bénéfices. Elle leur a donc proposé de venir habiter avec nous, et ce sans mon consentement. Après tout, qu’aurai-je pu faire si je l’avais su à temps. Quand cette femme avait une idée derrière la tête, c’était fini. Ce qui est ironique c’est que je suis dans mes droits d’aller et venir comme bon me semble dans cette maison et je pouvais les traduire en justice pour cela, étant le seul héritier de mon défunt père.
J’aperçus mon oncle pressait le pas et se diriger vers moi :
NIDIAYE AMADOU : Ah fiston, tu es là, Dieu merci. Merci d’être venu. Viens, j’ai demandé à ce qu’on te laisse occuper ton ancienne chambre.
MOI : Non tonton. Je préfère dormir ailleurs. Je ne veux pas d’histoires !
NIDIAYE AMADAOU : Ailleurs ? jamais de la vie. C’est chez toi ici !
MOI : Je ne suis pas le bienvenu. Dis-moi Nidiaye, as-tu pu régler toutes les démarches relatives à l’enterrement ou tu as besoin de mon aide pour cela ?
NIDIAYE AMADOU : Je tiens d’abord à te présenter mes excuses pour ne pas avoir été honnête avec toi à 100%.
MOI : Comment ça ?
NIDIAYE AMADOU : Ta mère a déjà été enterrée. Si je te l’avais dit, tu ne serais jamais revenu. Lorsque ta mère était mourante, elle m’a parlé d’un endroit où elle avait gardé quelque chose pour toi. Elle m’a fait promettre de la remettre. Etant un homme de parole, je n’avais d’autre choix que de l’honorer.
MOI : Je ne veux rien émanant d’elle tonton. Comme elle a été enterrée, je pense que je peux essayer de changer ma date de retour et rentrer au plus vite !
NIDIAYE AMADOU : Boubacar, l’orgueil est le pire ennemi de l’homme. Nul n’est parfait. Nous blessons le tout puissant chaque jour et pourtant il nous pardonne. Elle est partie désormais alors il faut que tu lui pardonnes.
Il brandit une grande enveloppe et me la remis. Curieux d’en connaitre le contenu je lui demandai :
MOI : Qu’est-ce que c’est ?
NIDIAYE AMADOU : Ce que ta mère tenait tant à ce que tu l’aies.
MOI : Ok merci. Je vais chercher un endroit où dormir. Bonne nuit tonton.
NIDIAYE AMADOU : Donc tu ne comptes vraiment pas passer la nuit ici ?
MOI : Je n’ai plus de place ici et tu le sais. Je sais que tu fais tout pour me mettre à l’aise et j’apprécie vraiment.
Je fis un sourire à mon oncle avant de trainer ma valise et de marcher en attendant qu’un taxi passe. J’ignorai où j’allais loger mais je finirai par trouver un endroit ça c’est sûr. Alors que je pris mon téléphone pour recommencer à chercher un réseau WIFI disponible, une voiture me fit un appel phare. Au début, je pensais que cela ne m’était pas adressé mais quand la personne sortit sa tête, de la vitre je la reconnus immédiatement. C’était Coumba, ma cousine. J’avançai vers sa direction afin de savoir ce qu’elle voulait :