Chapitre 2

1409 Words
Jaanah sortit lentement, drapée d’un voile ivoire brodé à la main, offert par Saleema. Son regard était baissé, mais ses mains tremblaient d’émotion. Elle s’avança sans mot dire vers Kadir, dont le regard ne la quittait pas. Ils ne se touchèrent pas. Pas encore. Le mariage fut prononcé dans la cour, sous les regards du village entier. Les bénédictions fusèrent, les tambours s’intensifièrent. On échangea les promesses, puis les regards. Kadir se pencha légèrement vers elle. – Tu es enfin mienne, murmura-t-il. Jaanah rougit, baissa les yeux. – On nous regarde, chuchota-t-elle, le cœur battant. – Plus pour longtemps. Ce soir, on ne se cachera plus. La nuit tomba sur Azzan comme un rideau de velours, et les fêtes continuèrent jusqu’aux premières lueurs de l’aube. Les derniers invités venaient à peine de quitter la maison que le calme retomba comme un voile sur le village d’Azzan. On entendait encore, au loin, les voix s’éloigner dans les ruelles sablonneuses. Les lanternes suspendues vacillaient doucement au gré du vent chaud. La maison des Naser était silencieuse, presque figée, comme pour laisser place à ce qui devait arriver. Jaanah avait été conduite dans la pièce nuptiale par deux femmes de la famille. Elles avaient pris soin de replacer son voile, de lui murmurer quelques bénédictions à l’oreille, puis l’avaient laissée seule, le cœur battant, les mains moites. Elle était assise sur le bord du matelas recouvert de soie blanche. La chambre avait été décorée avec sobriété mais avec goût : des tapis brodés au sol, quelques coussins dorés, et au centre, une vasque d’eau parfumée aux pétales de roses. Une douce odeur d’encens flottait dans l’air. La porte s’ouvrit sans bruit. Kadir entra. Il avait changé sa tenue de cérémonie pour une tunique plus simple, mais sa prestance restait la même. Dès qu’il la vit, un léger sourire étira ses lèvres. Il s’approcha lentement, refermant derrière lui. – Tu es magnifique, dit-il simplement. Elle leva les yeux vers lui, un peu intimidée, mais déjà apaisée par la douceur de sa voix. – Tout le monde est parti ? murmura-t-elle. – Oui… Il ne reste plus que nous, répondit-il en s’agenouillant devant elle. Il lui prit les mains avec une délicatesse infinie. Le henné sur ses paumes avait légèrement foncé, contrastant avec sa peau claire. Il les caressa du bout des doigts, attentif à ses réactions. Puis, dans un silence plein de respect, il approcha son visage du sien. Elle ferma les yeux au moment où leurs lèvres se frôlèrent pour la première fois. Il ne chercha pas à brusquer les choses. Chaque geste, chaque regard, chaque souffle était une promesse de tendresse. Il retira lentement le voile qui couvrait ses cheveux, dévoilant sa nuque, qu’il effleura d’un b****r. Elle frissonna. Son corps tremblait, non de peur, mais de cette attente intense, retenue depuis des mois. Lorsqu’il la serra enfin contre lui, elle se laissa faire. Elle posa sa tête sur son épaule, inspira son odeur, ferma les yeux. – Je suis à toi, souffla-t-elle dans un souffle à peine audible. Il la serra un peu plus fort, puis la porta jusqu’au lit, doucement, comme s’il portait quelque chose de sacré. Cette nuit-là, Kadir fit d’elle sa femme. Et dans la pénombre feutrée, entre les draps parfumés, ils gravèrent ensemble le début d’un nouveau chapitre, sans précipitation, sans brutalité. Juste la certitude d’avoir trouvé leur place, l’un dans l’autre. ● Les premiers rayons du soleil filtraient à travers les rideaux légers, caressant doucement les murs de la pièce encore silencieuse. Dans le calme absolu, seul le bruissement des palmes dehors venait troubler la quiétude du matin. Jaanah ouvrit les yeux lentement, comme sortie d’un rêve. Elle mit quelques secondes à se rappeler où elle était… puis un sourire timide naquit sur ses lèvres. Kadir dormait encore, allongé à ses côtés, le visage détendu, paisible. Elle resta un moment à l’observer. Il avait l’air différent. Moins dur, moins grave que d’ordinaire. Presque vulnérable. Elle se redressa un peu, veillant à ne pas le réveiller. Mais il ouvrit les yeux à cet instant, comme s’il l’avait sentie bouger. – Tu es déjà réveillée ? dit-il d’une voix rauque, encore chargée de sommeil. Elle hocha la tête, un peu gênée. – Je crois que j’ai à peine dormi… murmura-t-elle. Il sourit, puis tendit le bras pour l’attirer contre lui. – Alors repose-toi encore un peu… Personne n’ose venir frapper à la porte aujourd’hui, tu es tranquille. Elle se laissa glisser contre lui, blottie dans le creux de son torse. Pendant quelques minutes, ils restèrent ainsi, dans une bulle de silence complice. Mais au loin, dans la cour, les bruits d’ustensiles, de voix basses, de pas discrets commencèrent à se faire entendre. La maison reprenait vie. – Ils nous attendent pour le déjeuner, dit-elle doucement. – Ils peuvent bien attendre un peu plus, répliqua-t-il en l’embrassant dans les cheveux. Finalement, ils se levèrent et se préparèrent. Jaanah enfila une robe longue couleur ivoire, simple mais élégante. Kadir, toujours droit dans sa démarche, ouvrit la porte de la chambre pour la laisser passer en premier. Dans la grande cour ombragée, des tapis avaient été disposés, des coussins autour de grandes nappes où fumait déjà le thé brûlant. Le petit déjeuner de fête était prêt : pains chauds, dattes, fromages, olives, confitures maison, œufs durs, fruits découpés, et des galettes beurrées encore chaudes. La famille les attendait. Saleema fut la première à se lever pour les accueillir, un large sourire sur le visage. – Mes enfants, enfin… Venez, venez. Que Dieu vous garde unis, dit-elle en embrassant tendrement Jaanah sur le front. Faizah, déjà installée, les salua d’un clin d’œil complice. Sadid, plus réservé, hocha simplement la tête. Les cousins, les tantes, les plus proches, tous étaient là, formant un cercle chaleureux autour d’eux. Ce n’était pas un banquet bruyant, mais un moment intime, simple, profondément familial. Jaanah s’assit à côté de Kadir. Il lui versa du thé, puis lui tendit un morceau de pain chaud. Elle sentit son cœur s’alléger encore un peu plus. Elle n’était plus seule. Elle était chez elle. L’après-midi s’étira dans une douceur paisible, baignée par la lumière dorée du soleil qui descendait lentement derrière les montagnes. Dans la cour de la maison Naser, les femmes s’étaient activées pour donner à cette dernière journée de noces un air de fête intime mais sincère. On avait tendu des voiles colorés d’un mur à l’autre, accroché des lanternes et disposé des tapis moelleux au sol. Les enfants couraient pieds nus, des fleurs tressées dans les cheveux, tandis que les cousines de Jaanah installaient des plateaux garnis de pâtisseries au miel, de fruits secs et de thé à la menthe brûlant. Une douce odeur de musc et d’encens flottait dans l’air. – C’est la fête des femmes maintenant, lança Faizah en riant, les mains pleines de bracelets colorés qu’elle distribuait aux invitées. Jaanah, au centre, portait une robe fluide d’un vert tendre brodé d’or. Ses cheveux avaient été tressés avec des fils brillants et relevés en un chignon élégant, orné d’un bijou ancien appartenant à Saleema. Kadir, vêtu d’un long qamis clair, était resté à l’écart quelque temps, laissant aux femmes le cœur de la célébration, comme l’exigeait la coutume. Mais il la regardait de loin, assis sous un abricotier, le regard tendre. Les tambours avaient commencé à battre. Deux vieilles femmes se mirent à chanter, leur voix rauque et rythmée guidant les pas des jeunes filles qui dansaient pieds nus autour de Jaanah. Elle riait. Sincèrement. Pour la première fois depuis des semaines, elle se sentait légère. Puis Kadir s’approcha lentement. Un silence se fit, les regards se tournèrent vers lui. Il tendit la main à son épouse. – Viens. C’est encore ton jour. Jaanah se leva, sa main dans la sienne, et tous applaudirent doucement pendant qu’ils dansaient ensemble, lentement, au milieu de leur monde. Lorsque le soleil toucha la crête des montagnes, les tambours s’arrêtèrent. Les femmes entonnèrent une dernière bénédiction à voix basse, presque comme une prière tissée de joie et d’espoir. La fête s’acheva sans bruit. Pas besoin de grands mots ni d’effusions. Juste des regards complices, des rires discrets, des mains posées sur les épaules. Le mariage était scellé, non seulement par des rites, mais par une tendresse sincère. Cette nuit-là, la maison avait retrouvé son calme. Les chants, les rires, les pas sur les tapis s’étaient tus. Le mariage était derrière eux, et chacun avait regagné sa chambre. À suivre
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