Il avait l'air gentil au téléphone. Quoi qu'un peu trop autoritaire. Mais tous les patrons le sont, non ?
C'est la première fois qu'on s'intéresse à mes écrits. Je me demande bien pourquoi IL s'intéresse à mes écrits. Paul Hendemitt, le rédacteur en chef le plus renommé de la Côte Est des Etats-Unis, veut me rencontrer.
Enfin disons qu'il ne m'a pas proposé que l'on se rencontre, il me l'a imposé. J'ai rendez-vous avec lui en fin d'après-midi, à 18h. « Ne soyez pas en retard ».
Je regarde l'heure, il est midi. Ca me laisse du temps pour aller m'acheter de quoi me vêtir convenablement pour ce rendez-vous, ma garde robe n'étant pas vraiment à la hauteur de ce genre d'individus. J'entends par la, le genre classe, chic, et un poil bourgeois qui se la raconte. Sans jugement bien sur. Mais mettons les aprioris de côtés, aujourd'hui c'est ma chance, mon opportunité de faire enfin ce que j'aime et le faire découvrir au monde entier. Il ne faut pas que je la laisse passer, il faut que je sois prête.
17h45. Je m'avance vers la secrétaire, bien habillée dans sa petite robe Gucci et ses hauts talons que je devine derrière son bureau bien trop grand pour elle. Je parais ridicule à côté, malgré mon effort vestimentaire. Je redescends ma jupe crayon ancrée dans mon petit chemisier blanc, prend une longue inspiration et lance : « Bonjour, j'ai rendez-vous avec Mr Hendemitt à 18h ».
Elle me regarde à peine et je crus entendre : « 2ème étage, au fond ».
Agréable donc. Ca annonce la couleur. Je regarde l'ascenseur quelques secondes, mais décide de prendre les escaliers. Le sport, ça me détends. Ce n'est peut-être pas la meilleure idée de monter deux étages en talons mais ça, je ne m'en rends compte que trop tard.
Une fois arrivée, je reconnais directement le bureau de Mr Hendemitt. Non pas que je suis déjà venue ici, mais disons qu'il est difficile de rater la pancarte plaquée noir et or « Bureau de P.Hendemitt » accrochée sur le mur d'en face. De 2 mètres de long.
Je toque. Pas de réponse. Je toque une deuxième fois. Pas de réponse.
Je décide de tendre l'oreille contre la porte de son bureau, afin de voir s'il n'est pas occupé au téléphone où je ne sais quoi, lorsque la porte s'ouvre, je perds l'équilibre et me cogne sur une surface dure... que je crois distinguer comme un torse. Que je crois distinguer comme SON torse. Merde. Je lève la tête et croise son regard... glacial. J'avale durement ma salive, et essaie d'articuler un « Dé-é-solé » ridicule. Il ne s'éloigne pas, lève les yeux au ciel et me réponds d'un air lassé « Allez vous asseoir, vous ne pourrez pas perdre l'équilibre sur un siège au moins ». Le s****d. Bon je l'ai peut-être mérité.
Je relève le menton et avec toute la dignité qu'il me reste, me dirige vers le siège qu'il me montre du doigt. A croire que je comptais m'assoir par terre.
« Mademoiselle Stevenson. », commence t-il.
« Madame », le coupai-je.
Son regard noir me fait tout de suite regretter de l'avoir corrigé.
« Ou Mademoiselle, c'est très bien aussi. Enfin, peu importe », me rattrapai-je.
« Donc Mademoiselle Stevenson, si je peux en placer une, je vous ai contacté aujourd'hui parce que je distingue un réel talent d'écrivaine chez vous. Il est indéniable que vous n'avez pas ce même talent à l'oral, fort malheureusement, mais on ne peut pas être parfaite, n'est-ce pas ? ».
C'était vraiment une question ou je rêve ?
Je m'attendais à un péteux dans ce genre-là, mais pas à ce point je l'avoue. Dans le genre arrogance, on peut difficilement faire mieux. C'est officiellement le pire rendez-vous professionnel à mon actif. Et franchement, tant qu'à y être, autant être aussi désagréable que lui.
« Ecoutez, Monsieur Hendemitt, j'ai passé mon après-midi à vouloir être parfaite pour ce rendez-vous, mais si je suis venue pour vous écoutez critiquer ma personne alors qu'aux dernières nouvelles on est censé discuter de mon travail, je n'ai rien à faire ici. On parle de vous comme étant professionnel, mais on ne m'a jamais précisé que c'était en tant qu'enflure que vous étiez professionnel. », Dis-je en me levant et me dirigeant vers la porte de son bureau.
Ok. Me rappelez de tourner ma langue sept fois dans ma bouche avant de parler. Arrêtez d'être impulsive. Et la tout de suite, me rappelez de courir loin, très loin de ce bureau de l'enfer !
La main sur la poignée, je distingue un « Lundi, 8h. Prenez votre planning au bureau de ma secrétaire. ».
Je me retourne, perplexe, les yeux écarquillés : « Euh... hein ? »
« Vous m'avez entendu. Cependant, je vous conseille désormais de réduire votre vocabulaire à ''Oui Monsieur'' ou ''Bonjour Monsieur'' et rien de plus. Premier et dernier avertissement. Vous avez de la chance d'avoir attisé ma curiosité Stevenson ».