IIAvez-vous vu le torrent de l’Ain, à l’endroit où le rocher aigu s’avance pour lui fermer le passage ? Vous diriez que le torrent est vaincu et qu’il ne lui reste qu’à revenir sur ses pas, en arrière, vers sa source. Mais, au contraire, il s’avance plus fier, après avoir regardé de près, dans ses gouffres bleuâtres, le roc qui voulait l’enchaîner. Cet endroit est semblable à celui où la vallée des limbes se recourbe et se ferme pour empêcher de passer ceux qui aspirent à la vie. La gorge étroite s’ouvre subitement béante, comme une vaste maremme. « Quel est celui qui vient vers nous ? disaient deux âmes en se tenant amoureusement embrassées au bord d’un gouffre. Vient-il pour appeler l’un de nous à la vie et pour nous séparer ? » En même temps elles tremblaient ; chacune d’elles devena

