Naissance d'un amour

3392 Words
                                                                                            II Il était cinq heures du matin, Alene était assise devant sa boutique encore un peu endormit, le livreur de pains faisait les vas-et-viens entre son camion et la boutique d’Alene, tantôt la caisse pleine de pains, tantôt la caisse vide. La jeune femme le regardait faire sans parler. Dès qu’il eut terminé son manège il revint se tenir près d’elle :   -          Bon, pour aujourd’hui le compte y est, et dorénavant ce ne sera plus comme la semaine dernière, nous avons eu quelques soucis avec les fours mais tout est arrangé, promit l’homme debout près de la camionnette -          Pas de problème monsieur Mayila, ce sont des choses qui arrivent, fit la jeune femme en souriant -          Oui c’est vrai, mais quand-même, j’aurais dû y penser, la boulangerie tourne depuis quelques années, j’aurais dû anticiper -          Cela vous servira pour les autres machines, dit-elle encore -          Oh oui, on va les faire réviser une à une, dit l’homme comme pour lui-même -          Mais pourquoi est-ce vous qui faites la tournée aujourd’hui monsieur ? -          Pour m’excuser auprès des clients, aller bonne journée mademoiselle, dit l’homme en montant dans sa voiture   Alene lui fit signe de la main et referma la boutique. Ce n’était pas l’heure pour ouvrir, elle allait s’allonger encore une heure sur le canapé, puis au réveil irait prendre sa douche, ensuite son petit déjeuné, et ouvrirait à 6h30 ou 7h. La routine quoi ! Cette journée avait bien démarrée, mais étrangement, elle eut plus de travail que d’habitude. Elle eut l’impression, que les clients étaient plus nombreux, à venir se ravitailler chez elle. A 13h30, heure de sa pause, elle avait les pieds en compote et était exténuée. Une bonne journée ! Mais très épuisante, elle rentra se faire à manger. Au moment où elle allait s’installer à table son téléphone se mit à vibrer. C’était lui :   -          Bonjour Alene ! -          Bonjour monsieur ! Dit-elle en riant -          Alors je suis monsieur aujourd’hui, ou alors as-tu déjà oublié mon nom ? Fit l’homme en riant lui aussi -          Non Omwana, je n’ai pas oubliée, alors comment vas-tu aujourd’hui ? -          Mieux, grâce à toi, et toi ? J’espère que je ne te dérange pas ? -          Non, je suis en pause, je me suis arrêtée pour manger quelque chose -          Au fait, je ne t’ai pas demandé ce que tu faisais dans la vie, avoua le jeune homme -          C’est vrai, j’ai une boutique de denrées diverses que je gère moi-même -          C’est très intéressant d’être à son compte, suggéra le jeune homme -          Oui, même si on n’a pas d’horaires fixes, dit Alene   L’homme sourit à l’autre bout du fil :   -          Et ce soir à quelle heure comptes-tu fermer ? -          En général, je suis ouverte jusqu’à 21h, sauf si j’ai quelque chose d’important à faire, -          Si je t’invitais à faire une balade avec moi et manger un morceau, ça pourrait passer pour un truc assez important pour que tu fermes disons à 19h ? Interrogea l’homme   Alene éclata de rire et acquiesça, bien sûr que pour elle, passer un peu de temps avec son nouvel ami était quelque chose d’important, ils prirent donc rendez-vous pour 19h30 et il prit congé. Elle était heureuse d’avoir quelqu’un de gentil avec qui parler. Cela la changeait de tous ces types qui pensaient que la seule façon de faire la cour à une femme s’était de lui demander de coucher. C’était d’un ennui. Ce coup de file lui fit du bien, et lui donna le sourire toute l’après-midi. Et ses clients le remarquèrent, surtout cet enquiquineur d’Engoung. Tous les jours à la même heure il s’arrêtait à sa boutique pour prendre un verre avant de rentrer chez lui. Ce gars s’était un sacré numéro, il vivait avec une jeune femme à qui il avait fait deux enfants, mais se comportait comme si elle n’était qu’un détail dans sa vie :   -          Bonjour Alene ! -          Bonjour très cher qu’est-ce que ce sera pour toi aujourd’hui ? -          Tu sais bien ce que je bois non ? Fit-il en la regardant suspicieux -          Trois petites T…, bien alors installe toi en terrasse je t’apporte ça -          Tu es radieuse aujourd’hui, fit encore l’homme en allant s’installer sur la terrasse attendant qu’elle vienne le servir   Alene ne fit pas cas de son observation, elle posa les bières sur la table et retourna dans la boutique s’occuper d’autres clients. L’homme but ses bières en silence et lorsqu’il eut fini, il vint régler sa note au comptoir :   -          Tu as rencontré quelqu’un ? dit-il en sortant son portefeuille -          Oui, ça se voit tant que ça ? -          Et ce quelqu’un, qu’est-ce qu’il a de plus que moi pour te faire cet effet ? ajouta l’homme légèrement énervé -          Il est célibataire mon grand, dit Alene en lui tendant sa monnaie -          Tu peux garder la monnaie, mais je déteste déjà ton… enfin je ne sais pas encore ce qu’il est pour toi, mais je le déteste,   Il dit cela en prenant congé. Sacré numéro celui-là ! Et malheureusement, il n’était pas le seul dans ce cas. Beaucoup d’hommes du coin, lui faisaient la cour sans même se soucier, des femmes avec lesquelles ils vivaient. Mais pour leur malheur, la polygamie avait beau être dans les mœurs, Alene n’était pas spécialement attirée par ce mode de vie. Chacun son truc ! La journée avait semblée elle aussi vouloir se dépêcher, le temps passait si vite. 19h déjà ! Elle servit ses derniers clients et alla prendre une douche. A peine sortait-elle de la salle de bain que son téléphone se mit à vibrer :   -          Bonsoir Alene ! -          Bonsoir Omwana, tu es ponctuel c’est une qualité rare dans ce pays, -          Disons que… cela dépends de la motivation, dit-il en riant   Alene elle aussi rit de bon cœur, avant de lui demander où ils devaient se retrouver :   -          Là où nous nous sommes rencontré, on partira de là, ensuite on verra bien où notre promenade nous mène -          D’accord, alors le temps de m’habiller, de prendre un taxi et je suis à vous pour la soirée, fit la jeune femme -          La fin de la phrase n’était pas nécessaire, dit Omwana -          Pardon ? S’enquit-elle -          Non rien, je suis sur place et je vous attends, je vous expliquerais ce que j’ai voulu dire, à tout de suite, puis il raccrocha en disant cela   Alene ne se posa pas de question, cela la mettrait certainement en retard, et puis il avait promis de lui expliquer alors… sur le chemin qui menait sur la grande route, elle croisa un autre de ses « prétendants » il était en train de rentrer chez lui après une dure journée de travail. Et se demandait où elle allait, si joliment vêtue. Oboun, c’était son nom, lui aussi c’était un drôle d’oiseau, il collectionnait les aventures sans jamais se fixer. Ce gars était propriétaire de la maison dans laquelle il vivait, avec ses deux jeunes sœurs, et avait des revenus plus que convenables vu la façon dont il vivait. Malgré cela, il trouvait que vivre avec une femme s’était s’encombrer. Et une fois qu’il vous avait dit cela il osait espérer que vous lui disiez « oui ». Mais en même temps, ce n’était pas complètement de sa faute, il y avait des femmes qui sortaient avec lui malgré tout, alors il était un peu normal qu’il finisse par croire que toutes les femmes étaient aussi stupides les unes que les autres. Bref, ça s’était ses affaires, par contre cela ne semblait pas plaire à ses petites sœurs, elles s’inquiétaient pour lui, car notre gaillard avait déjà 34 ans et n’avait toujours pas d’enfant et n’était pas non plus marié. Et chez les personnes originaires du nord du Gabon comme Alene et lui, c’étaient très important. La jeune femme était maintenant dans le taxi, destination le bord de mer. Omwana était assis sur le banc où, ils avaient passé leur dimanche après-midi tous les deux. Elle approcha en silence et se tint derrière lui un court instant sans rien dire :   -          Je sais que tu es là tu sais, dit-il en souriant, j’ai senti l’odeur de ton parfum pendant que tu t’approchais, je suis heureux que tu sois venue, ajouta-t-il en tournant la tête vers elle -          Je suis heureuse que tu m’aies invité, dit-elle en venant prendre place près de lui -          Je suis content de l’entendre, j’avais un peu peur de te déranger, alors comment s’est passée ta journée ? -          Plus épuisante que d’habitude, -          Raconte, -          J’ai eu beaucoup plus de clients que d’habitude, c’est tout, mais au fait, il y a un de mes clients qui te déteste -          Ah ? Il me connait ? S’étonna le jeune homme -          Non, il m’a demandé si j’avais rencontré quelqu’un j’ai répondu que « oui », et il m’a dit qu’il te détestait   L’homme rit de bon cœur, il comprenait pourquoi, cet homme était surement un prétendant. Pui il fixa la jeune femme un instant sans savoir quoi lui dire :   -          Tu es bien silencieux tout à coup, dit-elle -          Oui, en fait j’étais tellement… enfin je suis heureux d’être avec toi, mais je ne sais pas de quoi te parler maintenant que tu es là, je suis simplement heureux que tu sois venu   Alene était flattée, longtemps qu’on n’avait pas été si gentil avec elle. Elle se leva et lui prit la main :   -          On avait dit qu’on irait faire une balade, fit-elle -          Oui c’est vrai, tu as raison, alors nous allons prendre la petite ruelle qui passe par le centre-ville et je t’invite prendre un verre au « Retro », ça te convient ? -          Oui ça me va, même si j’aurais préféré qu’on aille se prendre des croissants ou des sandwichs, et qu’on discute en se promenant -          On fera comme tu veux, c’est toi l’invitée tu as le droit de décider -          C’est vrai ? Fit Alene   L’homme perçu un peu de malice dans son regard et le ton de sa voix, il se demandait maintenant à quoi elle pensait. Ils marchaient maintenant côtes à côtes sans rien se dire, lorsque la jeune femme ramena un sujet sur le tapis :   -          Tout à l’heure tu m’as dit que tu allais m’expliquer… -          Oui, coupa l’homme, je sais… et je souhaitais que tu ne t’en souviennes pas mais bon, je vais devoir m’expliquer, -          C’est grave ? -          Non en fait… c’est plutôt gênant, tu as dit que tu serais à moi pour la soirée, et moi… j’aurais voulu que tu omettes de préciser que, ce n’était que pour la soirée   Alene sourit en entendant l’explication qu’il venait de donner, moins de deux jours qu’ils avaient fait connaissance et il voulait déjà faire partie de son quotidien, cela l’amusait sans l’étonné. Il lui avait avoué la veille qu’il y avait un moment déjà qu’il se sentait seul, et que c’était pour cela qu’il pensait à retourner vivre auprès de ses véritables parents. Elle lui prit la main, et chose étrange, ce geste anodin semblait faire du bien à l’homme. Ils marchaient maintenant en discutant. Finalement, ils dépassèrent « le Retro » où ils étaient supposés prendre un verre, puis arrivèrent au carrefour Tobia, et décidèrent de remonter en direction du carrefour Léon Mba, afin de prendre un taxi qui devait les mener jusqu’à un petit restaurant sénégalais un peu avant le centre social. Le gérant de cet établissement était un homme d’un certain âge fort sympathique. Arrivé là, ils prirent place à une table et commandèrent. A cette heure-là il n’y avait plus grand monde, contrairement aux établissements en ville. C’est ce calme que recherchait Alene, pas trop de monde, pas de musique assourdissante. Après avoir passé commande, Alene surprit l’homme les yeux encore dans le vide :   -          A quoi penses-tu maintenant ? S’enquit-elle -          A ce qui se passe entre nous, c’est la première fois que je suis ami avec une femme, enfin nous sommes amis n’est-ce pas Alene ? Se risqua-t-il en fixant la jeune femme (elle hocha la tête en signe d’approbation), même si au fond de moi ce n’est pas tout ce que j’attends de cette relation, mais pour l’instant c’est plutôt plaisant d’apprendre à te connaitre -          Mais pourquoi cet air songeur alors ? -          J’ai maintenant peur que cela prenne fin, c’est normal tu crois ? -          Je n’en sais rien, mais on a toujours un peu peur de perdre les choses et les gens auxquels on tient non ? -          C’est vrai ! Reconnu l’homme   Ils passèrent le temps à discuter, puis vers 22h30 ce fut le moment pour Alene de rentrer, mais cette fois l’homme ne voulut pas la confier à un taxi, il embarqua avec elle :   -          Je voudrais voir l’endroit où tu vis, tu me le permets ? Demanda-t-il à Alene -          Oui bien sûr, au moins tu pourras y faire un saut en journée, suggéra-t-elle avec malice -          Ça te plairait ? Questionna l’homme curieux -          Bien sûr, -          Alors je passerais, promit-il   Après être descendu du taxi, ils marchèrent encore un peu avant d’arriver chez Alene, Omwana était désormais plus à l’aise en compagnie de la jeune femme. Il lui parlait en lui prenant la main, et de temps en temps, il déposait un b****r au dos de celle-ci. Ils passèrent devant un bar à la terrasse duquel était attablé Engoung. Il les observait en silence, et se disait certainement, qu’il ne voyait pas ce que cet homme-là avait de plus que lui. Ils mesuraient tous les deux dans les 1.90m, pour près de 90kg, mais là où Omwana était un homme soigné et plein de bonnes manières, Engoung faisait preuve d’un certain laisser-aller, tant dans sa façon de se vêtir, que dans sa manière de se comporter. Alene ne se rendit pas compte de sa présence, ni du regard qu’il leur lançait. Une fois chez elle, elle fit entrer l’homme et l’installa dans le salon pendant qu’elle allait se changer. Elle le rejoint quelques minutes plus tard, vêtue d’une petite robe. Le genre de robe qu’affectionnaient les jeunes filles, elles avaient pris le traditionnel Kaba, que portaient nos mères à la maison, et en avaient fait une jolie robe de maison très stylée. Ce qui avait réconcilié les deux générations de femmes. En la voyant ainsi habillée l’homme sourit :   -          Tu es très belle dans cette robe aussi, dit-il -          Merci beaucoup, alors maintenant que tu sais où je vis tu n’auras plus d’excuse pour ne pas passer me voir, dit la jeune femme   Omwana la regarda un instant, puis, comme s’il était guidé par quelque chose de plus fort que lui, il sortit de sa réserve habituelle, la prit dans ses bras et l’embrassait maintenant langoureusement. Alene d’abord surprise par l’aplomb de l’homme, répondit finalement à son b****r et vint s’installer sur ses genoux. Lorsqu’il finit par reprendre ses esprits, il sembla un peu gêné :   -          Désolé d’avoir un peu a***é de ton hospitalité, dit-il hésitant -          Tu disais quoi déjà au restaurant à propos de ce que tu voulais qu’il y ait entre nous ? Fit Alene en le fixant -          J’ai… j’ai sous-entendu que j’attendais bien plus qu’une simple amitié entre nous, dit-il en soufflant -          Et c’est à ça que tu faisais allusion ? demanda-t-elle encore -          Pas seulement, mais disons que pouvoir t’embrasser comme ça en fait partie, oui, fit-il toujours inquiété par la réaction qu’aurait la jeune femme   Alene avait toujours les yeux fixés sur lui, elle se demandait si elle pouvait lui faire confiance, son cœur lui disait que « oui » et sa tête lui disait qu’il leur manquait encore des informations, trop d’informations concernant ce jeune homme pour se livrer à lui totalement. Mais une soirée à flirter ça n’engageait à rien. Et puis, il était si attendrissant. Cette fois ce fut elle qui lui prit le visage et se mit à l’embrasser. L’homme répondit à son étreinte, plus timidement que la première fois, mais avait l’air de ne pas vouloir s’arrêter. Cependant lorsqu’Alene voulue déboutonner sa chemise, il l’arrêta net :   -          Je vais devoir y aller, fit-il -          Attends encore un peu, juste quelques minutes, j’ai besoin que tu me dises quelque chose -          Je t’écoute, dit-il en ramenant ses tresses vers l’arrière de sa tête -          Pourquoi tu te fermes tout à coup ? je n’avais pas l’intention d’aller plus loin qu’un b****r je t’assure… c’est juste que… je voulais pouvoir te toucher, ça te déranges ? c’est pour savoir ce que je dois éviter de faire à l’avenir, conclut-elle -          Non ce n’est pas toi, ni même ce geste… en fait… comme je te l’ai dit je n’ai jamais été aussi proche de personne à part mes parents, c’est pour eux que j’étais ici alors… toutes mes excuses charmante demoiselle, mais vous avez devant vous un novice dans ce domaine, je ne sais même pas comment j’ai pu vous embrasser… -          Je comprends, dit-elle en posant sa tête dans le creux de son cou, je peux tout de même obtenir que vous me preniez dans vos bras ?   L’homme ne dit rien se contentant de refermer ses bras sur elle. Ils restèrent ainsi un long moment, elle blottie dans ses bras et lui, la tenant serrée contre lui d’une main et de l’autre lui caressant les cheveux.  
Free reading for new users
Scan code to download app
Facebookexpand_more
  • author-avatar
    Writer
  • chap_listContents
  • likeADD