À ces mots, elle sembla se détendre un peu. Ses traits s’adoucirent, et je sentis sa garde se baisser. Elle était si belle dans cette vulnérabilité tranquille que je dus lutter contre l’envie irrépressible de la prendre dans mes bras.
— Tu n’aurais pas dû… l****r mon bleu, finit-elle par dire, la voix tremblante. C’était… inapproprié.
Je souris.
— Je dirais plutôt que c’était efficace. Il a disparu, non ? Tu devrais me remercier.
Elle leva les yeux au ciel, mais ses lèvres tremblaient entre amusement et gêne.
— Cela dit, repris-je, je veux que tu signes ce contrat au plus vite. Parce que tu me plais, Kylie.
Un silence s’installa. Puis son téléphone vibra. L’écran s’alluma, révélant un nom que je n’avais pas envie de voir : Alpha Graham.
Je ne m’attendais pas à voir le nom de Graham s’afficher sur mon téléphone. Il aurait dû être occupé avec Zoé, à s’occuper d’elle comme il le faisait toujours. Pourtant, son appel retentit, brisant le silence pesant de la voiture. Je relevai les yeux vers Alpha Logan, dont la mâchoire se crispa aussitôt. Il avait ce regard sombre, celui d’un prédateur prêt à broyer ce qui oserait troubler son calme.
Je décrochai à la dernière sonnerie, la voix tendue.
— Graham.
— Kylie ! rugit-il à l’autre bout du fil, sa colère éclatant sans préambule. Comment as-tu pu partir sans prévenir ? Asher t’a pourtant dit qu’il n’y avait plus de voitures disponibles !
Je pris une profonde inspiration pour ne pas exploser.
— Oui, Asher me l’a dit. Mais Alpha Logan m’a proposé de m’emmener. J’ai voulu t’en informer, mais…
— Tu aurais dû attendre mes instructions ! aboya-t-il.
Ma patience vola en éclats.
— Je suis ta Luna, Graham, pas ton esclave. Je n’ai pas à attendre ton bon vouloir à chaque instant. Et cesse d’agir comme si j’étais une femme de seconde main parce que Zoé est là. Qu’elle soit enceinte ou non, cela ne te donne pas le droit de m’humilier. Je t’ai appelé ce matin pour en parler, tu m’as ignorée.
— Kylie, ne commence pas ! cria-t-il. Tu vas rentrer à la meute, c’est tout.
Sa voix m’écorchait. Il parlait comme à un objet, comme à une chose qui lui appartenait.
Et puis, une autre voix s’éleva, douce, faussement compatissante : celle de Zoé.
— Ne sois pas trop dur avec elle, Graham. Ce n’est pas facile pour Kylie de me voir revenir… surtout dans mon état.
Je levai les yeux au ciel, écœurée par son ton mielleux.
— Tu vois ? reprit Graham, l’intonation redevenue dure. Zoé essaie d’arranger les choses, elle se soucie de toi. Pourquoi ne peux-tu pas simplement accepter la situation ?
Ses mots me poignardèrent. Tout ce que j’avais fait pour lui, pour la meute, pour notre avenir… balayé d’un revers de main.
— Graham, écoute-moi, je crois que c’est moi qui—
— Tais-toi ! hurla-t-il. Je ne veux plus rien entendre. Ne déballe pas tes affaires, je viens te chercher demain.
La ligne se coupa, me laissant un goût amer dans la bouche.
À mes côtés, Alpha Logan demeura silencieux, mais je sentis son agitation sous-jacente, la tension qui vibrait dans l’air. Il ne fit aucune remarque sur l’appel, se contentant de m’observer du coin de l’œil, puis sortit un petit sac en papier qu’il posa sur mes genoux.
— Mange. Tu as besoin de reprendre des forces. Le projet Golden Gate t’attend.
Je le regardai, surprise.
— Comment sais-tu pour le projet Golden Gate ? Je ne t’en ai jamais parlé.
Un sourire à peine perceptible effleura ses lèvres.
— Je me renseigne sur mes alliés.
Je baissai les yeux sur le sandwich qu’il m’avait donné, un simple mélange de thon et de crudités, mais le goût me ramena à quelque chose d’essentiel : la chaleur, la bienveillance, l’attention. Cela faisait si longtemps qu’on ne m’avait pas simplement pris soin de moi.
Quand il essuya le coin de ma bouche d’un geste tranquille, je ne protestai pas. C’était si rare de pouvoir se détendre, ne serait-ce qu’un instant.
Je lui parlai alors de mon travail, du projet, de mes idées. Il écoutait sans jamais m’interrompre, son regard ancré au mien, sincère, concentré. Ce fut la première fois depuis des mois que je me sentis entendue.
— Peux-tu m’envoyer les documents par email ? demanda-t-il avec calme.
— Bien sûr.
Je lui transférai tout depuis mon ordinateur portable, et un sourire discret adoucit son visage.
La route se déroula ensuite dans un silence apaisant, jusqu’à ce que les grandes forêts du Nord s’ouvrent sur une clairière où se dressait la meute de Logan. Nous arrivâmes vers vingt heures. Le soleil couchant jetait sur les collines des teintes dorées qui semblaient bénir le territoire.
À notre arrivée, plusieurs guerriers vinrent récupérer mes bagages. Un homme s’approcha d’un pas vif : grand, les cheveux châtain foncé, les yeux clairs et pétillants d’intelligence.
— Alpha ! dit-il en s’inclinant.
— Ace Norton, fit Logan en lui serrant les avant-bras avant de le présenter. Kylie, voici mon Beta.
— Enchantée, répondis-je poliment.
Le regard d’Ace se fit plus appuyé, presque admiratif.
— Luna Kylie, j’ai beaucoup entendu parler de vous.
Je rougis légèrement malgré moi.
— As-tu eu vent de l’attaque des rebelles ? demanda Logan, le ton redevenu sérieux.
— Oui, Alpha. Souhaitez-vous que nous en parlions maintenant ?
— Non, plus tard. À vingt-deux heures dans mon bureau. D’abord, je dois m’assurer que Kylie s’installe.
Ace acquiesça, une lueur curieuse dans les yeux, avant de s’éloigner.
Alors que nous traversions le vaste hall, Logan demanda :
— Des nouvelles de Katy ?
— Elle devrait revenir dans une semaine. Elle a repris la randonnée, répondit Ace en riant.
Logan leva les yeux au ciel.
— Toujours à grimper sur des montagnes, celle-là.
Sa demeure était grandiose. Construite de pierre claire et de bois sombre, elle alliait élégance et chaleur. Les plafonds étaient hauts, les couloirs éclairés par des lustres de cristal, et partout, des tableaux et objets anciens racontaient l’histoire de la meute. L’air embaumait la résine et le miel.
Logan posa une main légère dans le creux de mon dos pour me guider.
— Par ici, dit-il simplement.
Nous traversâmes plusieurs couloirs jusqu’à une aile plus calme, réservée aux invités. Des regards curieux suivaient chacun de nos pas. Je pouvais sentir le poids des murmures, les suppositions étouffées.
Finalement, il s’arrêta devant une grande porte d’angle.
— Voici votre chambre.
Il ouvrit, et je restai un instant sans voix. La pièce baignait dans une lumière dorée. Un grand lit recouvert de draps soyeux trônait au centre, et les rideaux de velours s’ouvraient sur une vue splendide des collines environnantes.
— La salle de bain est juste là, précisa-t-il en désignant la gauche. Une femme de ménage viendra vous aider à déballer vos affaires.
Je secouai la tête.
— Ce ne sera pas nécessaire. Je ne compte pas rester. Je dois rentrer demain.
Il me fixa, le regard indéchiffrable.
— Vraiment ?
— Oui. J’aimerais qu’on discute demain matin de mon dossier, en urgence.
Il resta silencieux un moment, comme s’il hésitait à insister. Puis il hocha simplement la tête.
— Très bien. Nous parlerons demain.
Quand il s’éloigna, je restai un moment seule dans la chambre, enveloppée par le calme et le luxe. Tout me semblait étranger, presque irréel après tant de mois de tension et de douleur. J’avais envie de m’effondrer, de cesser de lutter, juste pour une nuit. Mais le nom de Graham résonnait encore dans ma tête, et je savais qu’au lever du jour, rien ne serait simple.
— Je reviendrai demain matin pour récupérer le contrat signé, dit Alpha Logan en effleurant doucement une mèche de mes cheveux qu’il remit derrière mon oreille. Son regard, brûlant d’une intensité troublante, m’atteignit jusqu’à la moelle.
Je restai figée, déconcertée par tant de proximité. Pourquoi me voulait-il, lui, un Alpha puissant et désiré, alors qu’il pouvait avoir n’importe quelle femme dans son lit ? J’étais Luna seulement de nom, prisonnière d’un mariage sans amour et d’un mari infidèle.
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