Chapitre 5

2734 Words
Adena Je me réveille courbaturée ce matin, Devon s’est montré insatiable, possessif et intransigeant. Il a pris mon emménagement dans la chambre du bas comme une provocation alors que je n’avais simplement pas envie de le voir. Pas après ce qu’il me fait en ce moment. Mais comme d’habitude, il a obtenu de moi ce qu’il voulait, enfin presque. Parce que mon esprit, lui, est resté fermé. Complètement hermétique. Hors de question de lui dire que je l’aime alors que j’ai envie de l’égorger. J’ai fini par le supplier alors que j’étais au bord de l’évanouissement, en overdose d’orgasmes, c’est tout. Je prends une douche et m’habille rapidement d’une tenue de sport avant d’aller dans la salle privative située à cet étage. Je reprends doucement l'entraînement pour la première fois depuis ce qui me semble être des semaines. Mon épaule a retrouvé sa couleur habituelle, mais elle reste affreusement ankylosée. J’aurai du mal à retrouver mes facultés, et je me fustige quant à ma négligence dans ma rémission ces derniers temps. Je n’ai jamais été aussi laxiste avec mon entretien physique, et je compte bien remédier à la situation. Frank, à qui j’ai envoyé un message pour qu’il me rejoigne ici, arrive presque vingt-cinq minutes après moi. Je suis déjà transpirante de sueur après avoir couru sur le tapis à un rythme soutenu. Il m’aide à faire mes étirements, j’enclenche la musique à l’aide de la télécommande, puis il commence à me faire effectuer les enchaînements méthodiques suivants les capacités de mon épaule affaiblie. - Il faudrait que tu fasses préparer le jet, et que tu l’envoies à Nice. Je lui parle à voix basse alors qu’il fait tourner mon bras en mouvements rotatifs, qu’il est suffisamment proche de moi, et que je suis sûre que je suis couverte par la musique. Il poursuit les exercices sans même lever les yeux, conservant un air tout à fait indifférent, tout examinant attentivement mon épaule. - Tu as déjà un autre plan tordu en tête ? - Bien sûr que oui, tu t’en doutes… - On n’a pas eu tellement l’occasion de parler depuis Syracuse… - Je sais Frank, je suis désolée que tu aies dû jouer à la nounou là-bas. - Laisse tomber patronne, je m’en branle, le plan a marché, c’est tout ce qui importe... - Alors tu vas faire ce que je t’ai demandé ? - Bien sûr, ma question, c’est : est-ce qu’on part avec l’avion, et si oui, pourquoi ? - Non, l’avion va décoller à vide, mais j’espère qu’il va revenir avec un chargement supplémentaire qui va m’être d’une grande utilité. Je garde le silence le reste de la séance en accroissant mes efforts avec concentration, déversant toute la colère que Devon m’inspire en ce moment dans les exercices difficiles que m’imposent Frank. Je m’enferme ensuite dans mon bureau, et je m’empresse de commencer ma mise en place. Je contacte d’abord Fabien Nowak, mon conseiller financier Suisse, il gère ma fortune colossale, je dirai même mon empire. Par message électronique, je lui demande de me préparer un contrat de représentant, et d’établir la liste complète des entreprises dans lesquelles Gérard Davault a pu un jour mettre de son argent sale. Comme à son habitude, mon conseiller répond rapidement par l’affirmative, mais je sais que son investigation va prendre un peu de temps. Je contacte ensuite Freyah, mon assistante personnelle, la petite amie de Pedro mon cousin, second de son père, Salvador Ortega, chef d’un cartel mexicain actuellement au meilleur de son développement. Elle a été la complice de toutes mes escapades, donc je lui demande de faire des recherches sur cette fille. La française. Serena Ménard. Je l’ai rencontrée en septembre à Syracuse, elle accompagnait l’assemblée de bourgeois français avec lesquels je faisais copieusement la fête et oubliait les douleurs qui m’accablaient. Mais elle n’est pas une Française fêtarde ordinaire, elle est négociatrice en gestion de crise, elle s’y connaît en économie, en interrogatoire, et elle maîtrise parfaitement les techniques de communication permettant d’obtenir des choses qui ne sont pas à la portée de tous. Et cela tombe bien, elle est exactement le genre de personne dont j’ai besoin pour mener mes affaires de loin. Nous passons donc la vie de cette fille au peigne fin les trois jours suivants, Freyah m’obtient même un visa de travail rapidement. Je me concentre tout entière à la mise en place de ce plan. J’ignore Devon toute la journée, je reste cloîtrée à l’étage, je ne sais pas ce qu’il fait et ne m’y intéresse pas. Je pense qu’il ne pousserait pas mes limites jusqu’à s’inviter dans mon bureau en ce moment. La rage ne me quitte plus dès que je pense à lui, je suis exécré par sa condescendance perpétuelle. Les choses que je fais dans son dos et les siennes, n'ont strictement rien à voir. J’essaye de me libérer des poids qui m’enchaînent alors que lui s’acharne à accaparer chaque aspect de ma personne. Je tente de reporter ma colère sur mes aspirations, de chasser les obsessions fanatiques de mon déluré de mari. Et l’un des éléments clefs dans la préparation de mon terrain de chasse n’est autre que James. J’ai besoin d’un homme loyal, et même si je ne place plus aucune confiance en lui, je suis certaine qu’il ferait n’importe quoi pour tenter de revenir dans mes bonnes grâces… Donc j’ai décidé qu’il irait en France pour veiller sur cette fille ultra compétente, mais tellement vulnérable. Tout ce qu’elle m’a dit la concernant est vrai, je découvre de nombreux certificats de formations, j’obtiens des vidéos confidentielles de certaines des négociations qu’elle a menées pour de grandes entreprises dans des conditions plus que houleuses et nul doute que c’est un diamant brut, mon talent à moi, c’est de savoir reconnaître celui des autres. Je passe des heures entières plongée dans la vie de cette fille, qui, je ne peux le nier pour l’avoir constaté par moi-même, et de très près, est vraiment d’une beauté totalement captivante. Déroutante même… Son dossier médical en revanche m’inquiète beaucoup plus. Multiples fractures adolescente, viol, dépression, tentative de suicide, addictions et j’en passe… J’avais déjà une très vague idée de ce qu’elle avait bien pu supporter, elle m’a brièvement parlé de ce qui lui était arrivé avant que je décèle ensuite l’éclat de la vengeance viscérale qu’elle réclamait et suintait par tous les pores de sa peau. Elle est dévorée par l’injustice qu’elle a subie, donc elle s’est éteinte progressivement au fil des ans. Je vais me charger de la ranimer à coup d'électrochoc, en commençant par changer sa vie. Freyah me sort tout, avec comme d’habitude, une efficacité redoutable. Elle m’étale la vie de cette fille sans aucune pudeur, et je m’y noie à la recherche de ce qui pourrait potentiellement faire basculer mon plan. Mais malgré tout ce que je peux lire de contraignant, j’y trouve trop de choses qui me font trépigner d’excitation, donc lorsque je suis sûre de ce que je compte faire, puisque mon puzzle est presque assemblé, j’envoie un message à James pour lui demander de me rejoindre à mon bureau. - Salut, dit-il faiblement en entrant comme un enfant timide. - Ferme la porte, l’accueillé-je d’un ton glacial. Il s’exécute et vient se poster face à moi. - Si je te proposais un job qui te ferait regagner tes galons auprès de moi, tu prendrais ? - Bien sûr, répond-il d’un ton assuré. - Même si ça implique que tu ne dises rien à Devon ? - En effet… - Très bien, j’ai besoin que tu partes en France faire une mission de garde du corps. - Pourquoi ?! Pour qui ?! Combien de temps ?! Je hausse les sourcils et j’attends qu’il se taise. Il prend déjà des libertés. - Je ne supporte plus de te regarder James. Ce que tu as fait me dégoûte, et si tu veux avoir la moindre chance d’obtenir une once de pardon, je ne saurai que trop te conseiller de la fermer… J’espère qu’on est bien d’accord. James est l’homme qui a assassiné mon père, je l’ai découvert il y a très peu de temps au cours d’un jeu pervers qu’il a mis en place avec Devon dans le but de me terroriser pour me faire parler de choses que j’aurais préféré taire pour toujours. Mais ce n’est pas tout, il a été le premier avec qui j’ai noué une amitié durant ma captivité avec mon enfoiré de mari. Sur l’île au Brésil, nous avions passé plus de deux semaines tous les deux et avions réellement partagé des choses… J’ai même fini par lui sauver la vie. Je croyais naïvement qu’il devenait mon ami, tout en demeurant loyal à son patron bien sûr... Je ne me faisais pas vraiment d’illusion quant au statut du garde du corps. Ensuite, il s'est servi de notre amitié pour me trahir, encore et encore… Maintenant, quand je le vois, je suis pleine de haine. Je ne sais pas si j’arriverai à lui pardonner tout ça un jour… Il acquiesce d’un signe de tête en réponse à ce que je lui dis. - J’ai besoin que tu veilles sur une de mes amies qui va travailler pour moi pendant quelques mois. - Quelques mois ?! S’étonne-t-il. - Oui et cette mission s’achèvera par une exécution de contrat pour lequel je te paierai directement. - En plus de mon salaire ? - Oui. - p****n, c’est qui ce type ? Un t********e ? - Terry Bertin. Je lui balance le dossier qui glisse sur le bureau, que Freyah m’a sorti, puis il l’attrape et l’ouvre. - Tu joues les justicières maintenant ? Demande-t-il en consultant le contenu du dossier. - Ce connard est en taule parce qu’il a massacré mon amie Serena, celle pour qui tu vas travailler, alors qu’elle n’avait que quinze ans, et il a commencé très tôt. - Ok, répond-il, ça me va… Quand est-ce que je pars ? - Elle va venir ici signer son contrat si elle accepte ce que je lui propose, je dois aussi en parler avec Devon. Mais la nature de son travail doit rester totalement secrète. - Ok. - Barre-toi maintenant. Il ne proteste pas, je vois sa mâchoire se crisper et son poing se tendre, mais il se sait totalement en tort dans cette histoire, donc il n’a d’autre choix que de supporter ma colère. C’est comme ça, c’est tout. Demain, j’appellerai cette fille et j’espère qu’elle viendra jusqu’ici pour m’aider à accomplir ma vengeance. J’estime finalement nécessaire d’informer Devon, mais à la dernière minute. Inutile de provoquer une énième dispute ce soir, je préfère attendre et le mettre devant le fait accompli. À mes risques et périls avec lui… Je reste égale aux derniers jours dans mon attitude sauf que cette fois, je ne le provoque pas, la réaction brutale qu’il a eue quand j’ai fait ce petit mouvement aguicheur l’autre jour, est encore bien ancrée dans mes chairs endolories. C’était libérateur, certes… Le sexe avec lui prend toujours des dimensions cosmiques, mais je sais qu’il l’utilise pour détourner mon attention, et ça marche vraiment… Ce qui contribue à décupler ma colère davantage. Parce qu’au-delà de cette histoire, il y a toujours ce que m’a dit Gérard Davault dans le bunker de torture. Ce petit aveu a insinué un doute indéfectible dans mon esprit, qui me tambourine régulièrement le cerveau depuis l’instant même où j’ai retrouvé mes esprits, sous la douche froide dans laquelle Devon m’a collé après la mort de cette enflure. Il m’a confié que pendant mon absence, mon mari, qui prétend m’aimer, aurait passé du bon temps en charmante compagnie… Et je suis plus que bouleversée par cette simple phrase... Aurait-il été possible que Devon ait laissé exploser sa colère contre moi au point d’en arriver à aller volontairement s’amuser avec d’autres femmes ? Il en serait capable, il a été capable de tellement de choses… En matière d’obsession, de cruauté et de détermination, Devon n’a quasiment aucune limite. Je suis toujours obligée de lui faire les coups par derrière si je veux avoir une chance de mener mes projets à terme, parce qu’il pourrait tout à fait décider de ne pas me laisser le champ d’action que je souhaite. Il est comme ça, il aime tout contrôler. L’ennui, c’est que je suis comme lui. Moi aussi j’ai un besoin vital de garder la main, or elle est là, notre valse dévastatrice, puisque nous prenons sans cesse un peu du pouvoir de l’autre, nous envahissons nos espaces. Il me possède autant qu’il est à moi. Toutefois, je ne céderai pas sur la maternité. Je l’ai lui, je l’ai accepté, je suis à lui, mais je ne veux rien d’autre, je n’irai pas au-delà de ça… Je me contente donc de parler de monosyllabes ce soir. Dorénavant le sujet enfant est de toute façon proscrit de mon vocabulaire. J’irai signer ses foutus papiers si c’est ce qu’il veut, même si pour l’instant, il n’en a pas reparlé… En échange, il se contiendra quand je lui annoncerai la nouvelle pour la venue de Serena. C’est donnant donnant, il prend, je cède et je suis imprévisible, il finira par l’accepter. Ce matin, je me lève aux aurores, j’abandonne Devon qui dort d’un sommeil tranquille dans le tas de couvertures. Il a l’air tellement inoffensif quand il dort… On dirait presque une sculpture tellement sa beauté est fascinante. Café en main, déterminée et sûre de moi, je m’enferme dans mon bureau pour appeler Serena. Je tape le numéro qu’elle m’a donné à Syracuse et j’attends que la tonalité retentisse, je sais qu’il est à peu près deux heures et demie de l’après-midi en France, et je ne vois pas de raison qui justifierait qu’elle ignore mon appel. - Allô ? Répond une voix féminine légèrement enrouée. - Serena ? C’est Adena… Adena Hayes de Syracuse. - Bonjour Adena, je suis étonnée d’avoir de tes nouvelles, dit-elle simplement. Elle n’a pas vraiment de réaction, je m’y attendais, j’ai appris qu’elle sait parfaitement comment paraître impassible. - Je me demandais si tu te souvenais de la conversation que nous avons eu sur le bateau ? - Bien sûr. J’entends immédiatement dans le ton de sa voix qu’elle est très attentive à ce que je dis, mais comme sa ligne n’est pas sécurisée, je dois rester brève. - Est-ce que tu es toujours intéressée par mon offre ? - À vrai dire, je n’imaginais pas que tu étais sérieuse… - Je l’étais et je souhaiterais que nous discutions des clauses de ton contrat. - J’aurai quelques dispositions à prendre concernant mon employeur actuel… - Tu n’as pas à t’en soucier. Freyah et mon avocat Maître Favre se chargeront de faire disparaître son ancien contrat, du moins de l’en libérer sans même qu’elle n’ait à remettre les pieds là-bas. - Oh ! Elle semble prise de court donc je décide de voir comment elle gère ses nerfs. - Mon temps est limité Serena… Je t’ai laissé plusieurs semaines de réflexion. - Oui j’accepte, répond-elle rapidement, Quelle est la première étape ? - Je suis très contente que tu prennes cette décision, la première étape, c’est que tu vas prendre le jet qui t’attend à l’aéroport de Nice et tu vas venir me rencontrer. - Où ça ? - Ta destination te sera confirmée par mon personnel, une voiture passera te prendre chez toi dans disons, trente minutes, le temps que tu t’organises ? - Euh… Oui d’accord, je vais faire le nécessaire. - Parfait envoie-moi ton adresse par message et je te dis à très vite. - D’accord, euh… Salut Adena. Je raccroche entièrement satisfaite de cette conversation. Mon plan pour le moment commence comme je l’avais prévu, mon point d’ancrage principal, c’est cette fille, et ce qu’elle sait faire avec ses mots. Je transfère le message à Freyah pour qu’elle se charge de lui prendre un taxi qui la récupère chez elle pour la conduire à l'aéroport, ma redoutable assistante surdouée est capable de toutes les prouesses administratives en tout temps. Elle est d’une aide inquantifiable. Mais tout ceci n’est que les prémices de l’apocalypse qui approche, et que je compte déchaîner contre Alessio Cotti. Il ne me reste plus qu’à prévenir mon mari de la visite de mon amie. Et là encore, je pars dans une véritable croisade, parce qu’il est inutile de nier qu’il va détester cette idée.
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