PRÉFACE : LA VAMPIRE SURVIENT AU CRÉPUSCULE-2

3017 Words
Frontispice pour The Vampire Bride (éd. 1854) de George Blink. Dessin de T. Jones. Et maintenant, voici une autre coïncidence troublante que les lecteurs de Carmilla (1872) devraient apprécier à sa juste valeur. Une jeune femme étrangère à la région, dont on ne sait pas encore qu’elle est une vampire, use d’un stratagème pour se faire héberger dans un château isolé où elle pourra à loisir exercer ses maléfices sur la famille d’un ancien officier. Chacun peut identifier l’argument de départ de la nouvelle de Sheridan Le Fanu, mais il est aussi celui d’un roman français, beaucoup plus ancien : La Vampire, ou La vierge de Hongrie (Paris : Chez Mme Cardinal, Libraire, 1825) par le baron de Lamothe-Langon (1786-1864). En 1815, le colonel Delmont de l’armée de Napoléon, poussé à la vie civile, vient se réfugier avec sa famille dans un manoir du Lauragais. Peu de temps après survient une mystérieuse Hongroise prénommée Alinska, ayant pour seule compagnie « un vieux domestique si cassé, si pâle, si défait, qu’il ressemble moins à un vivant qu’à un habitant de l’autre monde ». Déjà, un parallèle peut s’établir entre Carmilla et Alinska, d’une part, et d’autre part, la mère étrangement pâle de la première et le serviteur tout aussi pâle de la seconde. Dans les deux cas, la belle prédatrice va user d’un subterfuge pour s’installer à demeure chez sa victime, l’incendie « providentiel » de la maison d’Alinska précédant de quarante-sept années le « malencontreux » accident de berline qui marque l’arrivée de Carmilla. Ceci étant dit, la nouvelle Carmilla est un texte majeur auquel on se réfère volontiers, qui supporte donc sans crainte la comparaison, et loin de nous de vouloir le déprécier. Dans une sorte de provocation gratuite où se mêlent rancœur et désespoir, Alinska chante une romance laissant deviner sa nature vampirique : Dans l’humide abri du tombeau J’ai voulu dormir toute entière, Hélas ! Un châtiment nouveau Vint me ravir à la poussière. Je vis et je n’existe pas. Puis, passant de la parole aux actes, elle jette son dévolu sur une vierge du voisinage, retrouvée morte, exsangue, au matin de ses noces. Une situation de bonheur insupportable pour Alinska, car elle se considère comme une fiancée, abandonnée par celui-là même qui lui jura fidélité lors d’un pacte de sang. Et cet être volage est, bien entendu, le militaire retiré chez lequel elle vit maintenant, mettant à profit la longue absence de celui-ci pour tisser la toile de sa vengeance. Une fois dans la place, la vampire continue son œuvre de mort en commençant par le petit garçon de ses hôtes, dont la santé décline rapidement, jusqu’à son décès par anémie. Ensuite ce sera au tour de l’épouse, une rivale à supprimer, mais celle-ci reviendra en tant que fantôme pour protéger sa fillette survivante. Le roman, de plus en plus gothique, se termine en apothéose par les noces funèbres unissant Alinska au colonel, entièrement sous l’emprise de ce fatal amour. Aussitôt célébrée, cette union est défaite par effet de la justice divine qui ne saurait tolérer un pareil sacrilège : la femme-vampire s’écroule au moment même où l’anneau nuptial va être passé à son doigt — le gant retiré subitement par l’époux, dévoile une main décharnée de squelette —, et son cadavre laisse échapper des « flots d’un sang impur et corrompu ». Bien que « Paola » figure dans le recueil intitulé Nouvelles (Paris : Treuttel & Wurtz, 1832) du romancier-préhistorien Jacques Boucher de Perthes (1788-1868), ce texte fantastique de 129 pages, en seize chapitres, est plutôt un court roman. Qui plus est, le roman d’une femme-vampire, la comtesse Paola. Au chapitre XI, le narrateur prévient tardivement les lecteurs sceptiques : « N’ajoutez pas foi à mes récits ; Dites qu’ils sont les rêves d’un visionnaire. Mais si vous rencontrez une femme vêtue de noir, au teint pâle, au regard mystérieux ; si, à son approche, vous sentez votre sang se glacer, quelle que soit la douceur de ses paroles, au nom de votre salut éternel, fuyez ! » Un qui aurait peut-être aimé savoir tout cela avant, c’est le malchanceux héros de cette histoire, un jeune officier français nommé Alphonse de S**. Déjà, sur le bateau qui le mène en ce mois de septembre 1805 à Gênes, en Italie, où il doit prendre ses quartiers, il aperçoit sur le pont, au crépuscule, une belle femme de grande taille toute habillée de noir qui disparaît comme par enchantement à son approche, lui laissant une impression de froid intense. Il remarque toutefois, au même moment, l’envol d’un oiseau noir poussant un cri bizarre, qui préfigure la chauve-souris vampire. On découvre au matin, un homme quasiment mort dans son lit. Il y a déjà là un bon début vampirique, et la suite est à l’avenant. À Gênes, toutes les discussions mondaines portent sur la comtesse Paola dont personne ne connaît vraiment les origines. Des vieillards assurent l’avoir rencontrée il y a bien des années — mais comment serait-ce possible dans la mesure où elle paraît avoir vingt-cinq ans ? —, et chacun constate que ses nombreux soupirants meurent de langueur avant d’avoir pu obtenir ses faveurs. Certains s’enhardissent suffisamment pour affirmer « qu’elle était morte et ressuscitée plusieurs fois, et qu’elle avait plus de trois cents ans ». Alphonse de S**, oubliant vite sa fiancée décédée tragiquement, tombe sous le charme maléfique de Paola. Pourtant plusieurs signes, outre la réputation sulfureuse de la dame, auraient dû lui inspirer quelque méfiance, comme cet oiseau noir languissant — le même que sur le bateau — qui une nuit s’agrippe à sa poitrine, et ne s’éloigne qu’au matin, plein de force et de vie, alors qu’il est lui-même pris d’une très grande faiblesse ; comme ce soir, où venu se recueillir sur la tombe de sa pauvre fiancée, il voit, muet d’étonnement, la comtesse Paola assise sur le mausolée ; et comme au contact de ces lèvres « froides comme le marbre » qu’il goûta dans un moment de grande volupté. Il ne fait guère de doute que la comtesse Paola est une femme-vampire — même si le mot vampire n’est utilisé qu’une fois pour stigmatiser la superstition. Elle serait l’incarnation d’Héléna Spinola, une dame de haut rang morte en 1506, et dont on peut encore voir la pierre tombale dans une église abandonnée de la région. Le jeune officier français n’échappera pas sans séquelles à cet amour d’outre-tombe, et il ne devra sa vie sauve qu’à une bague magique qui, ici, remplace la traditionnelle croix bénite de récits à venir. « La Morte amoureuse » de Théophile Gautier paraît en 1836 dans La Chronique de Paris. Voilà une nouvelle au style flamboyant qui marque à la fois, profondément, le genre littéraire existant de la « morte fiancée » ou « amante d’outre-tombe », et l’histoire de vampire proprement dite. De plus, elle est tout aussi dérangeante que Carmilla de Le Fanu, ce dernier récit établissant, rappelons-le, un lien très intime entre deux femmes, insupportable pour la morale victorienne. La provocation de Gautier se porta tout naturellement sur la religion catholique, car l’idée même d’une relation amoureuse et charnelle entre un misérable prêtre de campagne et une femme de la haute société, avait déjà quelque chose de choquant à plus d’un titre. Mais si le jeune curé Romuald se parjure en s’écartant des règles de son sacerdoce, au nombre desquelles on trouve l’abstinence, il commet aussi le sacrilège de ramener à la vie la « gracieuse trépassée » Clarimonde en l’embrassant sur la bouche, alors qu’elle repose sur son lit de mort. Il y a là tous les ingrédients surréalistes d’un tableau de Clovis Trouille. La belle dame a pu être ressuscitée d’un b****r passionné, parce que « l’amour est plus fort que la mort », et probablement aussi parce qu’elle est une femme-vampire se nourrissant exclusivement de sang. Son corps magnifique sera réduit en poussière dans la tombe, par aspersion d’eau bénite, comme dans les meilleures séquences des Dracula de la Hammer Films. Judith Gautier (1845-1917) montrera son attachement filial et tout l’intérêt qu’elle porte à La Morte amoureuse, en tirant de la nouvelle de son père un opéra fantastique en trois actes, cinq tableaux, et cinq personnages. Le texte intitulé « La Morte amoureuse » est recueilli dans Poésies de Judith Gautier (Paris : Eugène Fasquelle, 1911). Composition de Paul Albert Laurens (1870-1934) pour La Morte amoureuse de Théophile Gautier (Paris : A. Romagnol, 1904). À une époque où l’on faisait complainte de tout évènement marquant, la femme-vampire eut sa ballade en deux couplets. Celle-ci figure dans Les Monténégrins (Michel-Lévy frères, 1849), un opéra-comique en trois actes, sur des paroles d’Alboize et Gérard, et une musique de Limnander. BALLADE Hélène était la dame De ce lieu redouté ; Elle vendit son âme Pour garder sa beauté. Le temps qui nous dévore Lui laissa de longs jours. Au bout d’un siècle encore On l’adorait toujours. Craignez, craignez Hélène, La châtelaine, Errante sur la tour, C’est un vampire Qui vous attire Avec des chants d’amour. De la magicienne L’âme revient la nuit, Son regard vous enchaîne, Et sa voix vous séduit. Des traits de son visage, Vos yeux seront charmés, Car c’est la douce image De ce que vous aimez. Craignez, craignez Hélène, La châtelaine, Errante sur la tour, C’est un vampire Qui vous attire (Acte I - Scène VII) La pièce fut représentée pour la première fois le 31 mars 1849 à Paris, sur la scène du Théâtre National de l’Opéra-Comique. Publié par l’éditeur Baudry en 1853, La Baronne trépassée8 de Ponson du Terrail (1829-1871) était d’abord paru en feuilleton, l’année précédente, dans Le Moniteur du Soir. Ce roman réunit bien toutes les caractéristiques feuilletonesques : invraisemblances et rebondissements multiples, et il nous apparaît comme le plus « rocambolesque » de son auteur qui, étant alors à ses débuts, n’avait pas encore écrit les aventures de Rocambole. Ses outrances sont pour nous autant de réjouissances, plaisir nullement amoindri par un final révélant une aussi implacable qu’improbable machination à grande échelle. Il tire paradoxalement tout son intérêt d’apparentes faiblesses, telle cette surenchère d’influences diverses, exploitées avec frénésie : le roman gothique accueille la morte amoureuse qui par nécessité se transforme en vampire. Une séduisante femme-vampire, soit dit en passant, et cela justifie pleinement que nous en parlions. Le triste baron de Nossac, marqué par une vie dissolue que sanctionne le destin — sa jeune épouse meurt de chagrin quelques jours après les noces —, cherche à racheter ses fautes par quelques hauts faits d’arme qui l’amènent bien loin de chez lui, à rencontrer le légendaire Veneur noir en son château de Bohême. Il y a déjà là de quoi surprendre notre homme, mais ce n’est presque rien à côté des évènements à venir. Le baron converse au cours du repas organisé par son hôte, avec une belle trépassée lui rappelant son épouse défunte. Celle-ci pénètre en pleine nuit dans sa chambre pour le vampiriser, et la douleur ressentie par Nossac s’accompagne d’« une sorte de volupté indéfinissable, [d’]une âcre jouissance à cet atroce contact ». La situation se complique davantage pour le baron avec l’arrivée au château d’une jeune femme prénommée Gretchen, ressemblant trait pour trait, elle aussi — à moins que ce ne soit la même —, à Hélène de Nossac, sa femme enterrée en France. La nouvelle venue lui précise qu’elle est effectivement son épouse aimante et ressuscitée, qui vient de faire « huit cent lieues à pied, enveloppée dans un suaire blanc, à travers les ronces, la nuit et le froid, pour venir se réchauffer une heure en buvant un peu de sang et prenant un b****r », et elle ajoute, un brin sarcastique : « Je crois, poursuivit la morte, n’avoir plus besoin de vous expliquer par un mensonge comment, dix années après ma mort, j’ai la chair aussi souple, le bras aussi arrondi et le cou si rose et si blanc… Vous le voyez, je suis vampire. Vous avez un sang admirable, baron, je vous jure que je le ménagerai et le ferai durer longtemps. Je vous accorde un grand mois de vie. » Enfin, pour que la situation soit définitivement claire, la vampire amoureuse indique qu’elle a élu domicile dans une tombe du cimetière d’Heidelberg, et le baron en aura une preuve visuelle : « Un jet de lumière glissa soudain sur la cime d’un roc voisin, et l’extrémité opposée de la vallée refléta le premier rayon du soleil. La trépassée poussa un cri, entra précipitamment dans le cimetière, s’enfuit jusqu’à un petit bouquet de sapins où elle disparut une minute, puis reparut aussitôt drapée des pieds à la tête dans un suaire blanc […] M. de Nossac était demeuré sur le seuil du cimetière, immobile, la sueur au front. Il la vit sortir, ainsi vêtue, se diriger vers une fosse récemment creusée et se coucher tout de son long. […] Et il s’élança vers la fosse, et s’arrêta tout à coup… La morte était immobile, au fond de la tombe, enveloppée dans son linceul, tenant ses fleurs dans sa main crispée. Aucun souffle ne soulevait sa poitrine, aucun mouvement n’indiquait que tout à l’heure encore elle marchait… la mort l’avait reprise… elle dormait jusqu’au soir. » Ce roman qui a les incohérences d’un cauchemar, une ironie mordante, les fulgurances d’une imagination débridée, vaut bien plus qu’une œuvre de jeunesse. « La Baronne trépassée » in L’Écho des Feuilletons (Paris, 1854) - Dessin d’Edmond Coppin. « Isobel la ressuscitée »9 (in Minuit ! Récits de la veillée, Paris : Amyot, 1856) de Claude Vignon — pseudonyme de Noémie Cadiot (1832-1888) — est un récit de vampire généralement jamais cité en tant que tel. La nouvelle est sous-titrée « Légende des bords du Rhin », et de fait l’histoire se passe à Cologne au XVIe siècle. Un jeune étudiant prénommé Franz, qui a les mêmes emportements que le Nathanaël d’Hoffmann, cet autre étudiant amoureux fou de la femme automate Olympia, tombe sous le charme, lui, de la baronne Isobel, châtelaine de Linkenberg. Pourtant, il l’a tout au plus aperçue dans la pénombre d’une chapelle. Comme il semble ne rien savoir de la réputation sulfureuse de ladite dame, son mentor, le savant occultiste Sturff, s’acharne à vouloir l’éloigner de celle-ci en lui expliquant qu’elle est particulièrement dangereuse pour les éventuels prétendants. Et de lui expliquer que cette belle femme, morte il y a longtemps puis revenue inexplicablement à la vie, devrait avoir aujourd’hui cinquante ans au moins, bien qu’elle n’en paraisse pas vingt. Le savant ajoute qu’une fois ressuscitée elle causa rapidement la mort de son mari, veuf éploré, et de son jeune enfant, ainsi que de ses autres époux successifs qui eux aussi vieillirent prématurément et moururent. Au fur et à mesure que leur santé s’étiolait, chacun pouvait constater que la baronne était plus belle que jamais. Depuis ces évènements tragiques, elle semble attendre dans son château la prochaine victime, assez téméraire pour vouloir l’épouser, le danger à côtoyer pareille maîtresse étant proportionnel à l’ivresse estimée. Maître Sturff prévient Franz « que cette créature est une Willie dévorante, fille de la mort et de Satan, qui boirait ta jeunesse et ta vie ». Quand on sait que la Willie est une jeune vierge morte à la veille de son mariage, et qui revient d’outre-tombe pour entraîner le passant attardé dans une ronde mortelle, on se dit que cela ne correspond guère à Dame Isobel. Mais un peu plus loin, l’occultiste apporte les précisions nécessaires à son jeune protégé : « Pauvre femme ! dis-tu ? — Vampire altéré de sang ; plutôt… sangsue qui boit la vie humaine pour soutenir son règne infernal. » et « … je ne souffrirai pas que tu te jettes en pâture à ce monstre, qui vit de sang humain ! » L’affaire est entendue, Isobel est bien une femme-vampire, mais toutes les mises en garde n’y feront rien, et l’étudiant amoureux perdra la vie lors du premier b****r accordé après la cérémonie des noces. La vampire, malmenée par les autorités, va ensuite disparaître de la région pour toujours. Au début, goule nécrophage et femme-vampire se confondent souvent, comme l’atteste la nouvelle d’Hoffmann intitulée La Vampire [ou La Femme vampire] (Der Vampyr ou Vampirismus, 1821). Ce texte est une libre adaptation, certes brillante, mais une adaptation tout de même du conte des Mille et Une Nuits intitulé Histoire de Sidi Nouman ; la jeune épouse Amine du récit oriental, très gourmande des chairs mortes de cimetière, devient Aurélia chez Hoffmann. Si nous évoquons cette histoire, ce n’est pas uniquement en raison du titre contestable que lui donna l’écrivain allemand, mais surtout pour le traitement vampirique qu’on lui fit subir dans l’ouvrage anonyme Histoire des vampires et des spectres malfaisan[t]s (Paris : Chez Masson, 1820). L’auteur — qui pourrait être Gabrielle de Paban (pseudonyme de Clotilde Marie Paban, 1793- ?), à moins que ce ne fût son époux Collin de Plancy — adapte l’Histoire de Sidi Nouman jusqu’à en faire un récit de vampire, et plus précisément de femme-vampire. Le texte en question, situé au chapitre III, est doublement intitulé : « Histoire d’une Vampire de Bagdad » et un peu plus loin « Histoire d’une Femme vampire ». Chaque nuit, « après les plus tendres caresses » qui laissent son époux endormi, Nadilla (Amine) s’échappe du lit conjugal et s’en va ripailler de cadavres au cimetière voisin. Lorsque sa coupable activité nocturne est découverte, la jeune femme décide de supprimer le mari gênant, et au cours de la nuit suivante « elle se mit à genoux sur sa poitrine, le saisit à la gorge, lui ouvrit une veine, et se disposa à boire son sang. » Mais l’époux qui simulait son sommeil, la tua d’un coup de poignard. La suite du récit est tout aussi inédite. Nadilla fut portée en terre, mais « trois jours après, au milieu de la nuit, elle apparut à son époux, se jeta sur lui, et voulut l’étouffer de nouveau. Le poignard d’Aboul-Hassan fut inutile dans ses mains ; il ne trouva de salut que dans une prompte fuite. Il fit ouvrir le tombeau de Nadilla, qu’on trouva comme vivante, et qui semblait respirer dans son cercueil. On alla à la maison du sage qui passait pour le père de cette malheureuse. Il avoua que sa fille, mariée deux ans auparavant à un officier du calife, et s’étant livrée aux plus infâmes débauches, avait été tuée par son mari ; mais qu’elle avait retrouvé la vie dans son sépulcre ; qu’elle était revenue chez son père ; en un mot, que c’était une femme vampire. On exhuma le corps ; on le brûla sur un bûcher de bois de senteur ; on jeta ses cendres dans le Tigre ; et l’Arabie fut délivrée d’un monstre… » Enfin, ce texte révisé est intégré avec des variations mineures et sans mention des sources, au roman-fleuve Le Bourreau de Maurice Dufresne (Paris : Eugène Renduel, 1830, 1er volume, p. 223-232). Isobel la Vampire, d’après un dessin de Gustave Doré. Si Gautier laisse échapper, comme par inadvertance, que Clarimonde pourrait être « une goule, un vampire femelle », l’affirmation ne prête pas à conséquence, car elle est attribuée à la rumeur. Par contre, la confusion est plus embarrassante chez Paul Féval : « Comment lui dire que cette charmante femme était une vampire, une oupire, une goule, un hideux ramassis d’ossements desséchés dont le tombeau, situé quelque part, sur les bords de la Seine, s’emplissait de crânes ayant appartenu à de malheureuses jeunes filles qu’elle avait scalpées à son profit, elle, la comtesse Marcian Gregoryi, la goule, l’oupire, la vampire ? » Ce passage tiré du roman « La Vampire » (in Les Drames de la mort, 1856), esquisse cependant la nature même de la vampire, une créature qui bien qu’étant morte, poursuit inlassablement son entreprise de séduction et de tromperie sous des dehors avenants, ici ceux « d’une jeune femme radieuse de beauté et coiffée d’éblouissants cheveux blonds ». Estampe (c. 1839) d’après Louis Marckl (Paris, 1807 - ?). Jean Richepin (1849-1926) entretient une même confusion, tout en faisant mine de la réfuter, entre la vampire et le (ou la)10 succube :
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