Chapitre 9

1464 Words
Gabrielle J’étais actuellement couchée sur mon lit dans ma chambre et tout cela me semblait tellement irréel. Ce lieu, je l’avais certes toujours considéré comme un havre de paix, néanmoins, j’étais bien consciente qu’il était minuscule, situé dans un quartier mal famé, me semblait aujourd’hui un petit paradis comparé à cette cellule de prison où j’avais vécu pendant une semaine. J’étais certes libre et la plainte du client avait été retirée, car ce dernier était apparemment venu la déposer après mon arrestation, mais je ne me sentais pas vraiment sereine. J’avais été libérée sans explication, aucune ! Je ne savais absolument rien de ce qui s’était passé durant ces sept jours que j’avais passé en cellule. Avaient-ils trouvé qui avait laissé ce bracelet dans ma loge ? La question qui me revenait sans cesse en tête était de savoir pourquoi avais-je reçu un traitement de faveur durant les cinq derniers jours de mon incarcération ? J’étais arrivée dans ce pays il y a un an de cela et je n’y connaissais absolument personne. J’avais toujours vécu ma petite vie dans la discrétion la plus absolue, il en allait d’ailleurs de ma sécurité. Je ne comprenais donc pas comment pouvais-je avoir reçu une aide quelconque vivant cette vie de recluse que je m’imposais depuis un an. Je passai la journée entière enfermée dans ma chambre, craignant incessamment d’entendre de violents coups résonner à ma porte, la police venant me chercher. La semaine se déroula ainsi, moi terrée entre ces quatre murs. Après sept jours à vivre dans la crainte, je décidai qu’il était temps d’affronter la réalité. Je n’allais pas m’enfermer indéfiniment. Je n’en avais d’ailleurs pas les moyens. Mes factures, elles, n’étaient pas aussi compréhensives. Je m’étais levée ce matin avec un peu plus de vitalité. Je me rendis aux toilettes et pris une longue douche, comme pour me libérer de toutes les impuretés, prête à affronter de nouveaux défis. Je pris un soin particulier à me vêtir. Le fameux dicton disait : « L’habit ne fait pas le moine », mais je pensais qu’il était important d’ajouter que l’on reconnaissait le moine à son vêtement. Fin prête, je refermai la porte de ma maison avec une énergie particulière. Je sortis dans la cour et jetai un regard circulaire autour de moi. Tout était calme. Je me rendis dans un cybercafé afin de mettre à jour mon CV. J’hésitai un instant à préciser que j’avais travaillé dans un local de strip-tease, mais je décidai, en fin de compte, de ne pas le mentionner. Les préjugés concernant ces filles n’étaient plus à démontrer, et je ne voulais en aucun cas être jugée pour ce que je n’étais pas. Je choisis donc d’indiquer simplement un poste de serveuse dans un bar, le travail que j’avais occupé au départ, avant que Martin ne me propose d’intégrer les danseuses du club. Après avoir imprimé mon CV en plusieurs exemplaires, je fis le tour des agences de travail. Je rentrai à la maison dans un état de fatigue extrême. Je pris une douche rapide, préparai des pâtes et m’allongeai sur le lit, la télévision allumée, les images défilant devant mes yeux tandis que mon esprit s’évadait. Et si je ne trouvais pas de travail ? J'avais à peine assez d’économies pour tenir pendant les trois prochains mois. Ma semaine se déroula ainsi, à sillonner les rues d’Abidjan à la recherche d’un emploi. J’étais à peine rentrée à la maison et m’étais posée sur mon canapé depuis peu que mon téléphone vibra sur la table. Le numéro s’affichant à l’écran ne m’était pas familier. Je me levai précipitamment pour répondre. - Bonjour, mademoiselle Nyake ? dit une voix chaleureuse à l’autre bout du fil. Je suis Claire Cissé, de l’agence de placement. Nous avons examiné votre CV et souhaiterions vous rencontrer pour discuter d’un poste que nous avons à pourvoir. Mon cœur s’emballa légèrement. - Bonjour, madame. Je vous écoute, répondis-je en essayant de paraître plus assurée que je ne l’étais vraiment. - Seriez-vous disponible pour venir à notre agence demain matin ? Nous aimerions discuter avec vous des responsabilités du poste. Je pris une grande inspiration, tentant de calmer mon excitation et mon appréhension. - Oui, madame, je peux venir, dis-je. À quelle heure dois-je me présenter ? - Dix heures, mademoiselle. Nous nous trouvons à Marcory, près de la banque XX. Nous vous attendrons. Je raccrochai le téléphone, le souffle un peu court. Mon esprit s’emballa en imaginant les enfants, la famille… et ce nouveau chapitre qui semblait sur le point de s’ouvrir pour moi. Serais-je à la hauteur ? Être en contact avec des enfants ne raviverait-il pas certaines douleurs que j’avais réussi à enfouir au plus profond de mon être ? Je secouai la tête avec vigueur, comme pour chasser ces pensées inopportunes de mon esprit. Je n’avais pas le choix, de toute façon. Ce n’était pas comme si les propositions de travail pleuvaient, et le temps, me serrant par la gorge, n’arrangeait rien. Je réussis à m’endormir avec énormément de peine, l’esprit en tumulte. Le lendemain matin, je me levai péniblement du lit, me lavai rapidement et sortis de la maison. J’empruntai un taxi Yango pour me rendre au quartier Marcory. Pendant tout le trajet, je repassai en boucle le contenu de mon CV, chaque mot, chaque ligne. Une bonne partie des informations que j’y avais inscrites n’étaient pas vraies. Mais je n’avais pas le choix. Mon identité actuelle ne me permettait pas de rédiger un CV véridique. Le chauffeur me déposa à 9h45 au pied de l’agence de travail. Je réglai ma course et descendis du taxi, le cœur battant. Je poussai la porte de l’agence, un frisson d’appréhension me parcourant les épaules. Une dame, d’une cinquantaine d’années, se leva de derrière son bureau et me sourit poliment. - Bonjour, mademoiselle Nyake. Installez-vous, je vous en prie, dit-elle. J’ai parcouru votre CV et j’aimerais discuter avec vous d’un poste que nous avons à pourvoir. Je m’assis, le cœur battant un peu plus vite qu’à l’ordinaire. - Pouvez-vous m'en dire un peu plus sur vous ? - Bonjour, je suis Nyaké Gabrielle. Je suis... S'ensuivit ainsi toute une série de questions. Certaines étaient attendues, sur mes expériences, mes disponibilités, ma capacité à gérer les imprévus. Mais d'autres me prirent un peu de court. Des questions presque pièges, du genre à vous faire trébucher si vous ne restez pas parfaitement concentrée. - Si je vous pose autant de questions, mademoiselle Nyake, c’est parce que le poste à pourvoir est particulièrement délicat, dit-elle en refermant le dossier avec soin. Il s’agit d’un emploi de baby-sitter pour trois enfants. La famille est très exigeante… La situation est un peu particulière : c’est un père qui élève seul ses enfants. Et j’aimerais savoir si vous pensez pouvoir répondre à ses attentes. Je pris une grande inspiration, rassemblant mes pensées. Je ne savais si je devais me réjouir de ne pas avoir à traiter directement avec une femme. Ne dit-on pas que le sexe féminin est particulièrement difficile, parfois même plus pointilleux que nécessaire. - Je… je ferai tout mon possible, répondis-je. J’ai toujours adoré les enfants et j’adore inventer avec eux des jeux, des histoires, et les voir rire et s’épanouir. Ce qui était absolument faux. J'espérais du fond du coeur qu'être à leur contact ne raviverait pas de vieilles douleurs. - Très bien. Mais il faut comprendre que ce poste requiert ponctualité, discrétion et sens des responsabilités. Pouvez-vous vous engager sur cela ? - Oui, madame. Je suis prête à relever le défi. Elle me regarda un instant, comme pour peser mes mots, puis ajouta : - Une dernière chose, ajouta la dame de l’agence en relevant les yeux de son dossier. Le poste est en internat, ce qui signifie que vous devrez habiter sur place, dans la maison, jour et nuit. Est-ce que cela vous poserait problème ? Elle marqua une pause, puis, d’un ton un peu plus direct : - Vous n’êtes pas mariée, j’imagine ? Vous avez un compagnon ? Ou des projets de mariage dans un avenir proche ? Ce genre d'engagement peut compliquer la stabilité du poste, vous comprenez. Je tiens aussi à préciser que vous aurez vos dimanches de libre. Cela pourrait vous convenir ? - Oui, madame. Je n’ai aucun engagement et je suis prête à commencer le plus tôt possible. - Très bien. Si vous êtes d’accord, je transmettrai vos informations à la famille. Ils souhaitent rencontrer leur future baby-sitter dès demain. Je ressentis un mélange de soulagement et d’excitation. - Merci, madame. Je ferai tout pour ne pas les décevoir, dis-je avec détermination. - Bien. Je vous contacterai demain dans la matinée pour fixer un rendez-vous dans l’après-midi. Cela vous convient ? - Bien sûr, madame, répondis-je avec empressement.
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