Chapitre19

1201 Words
Gabrielle Nous étions maintenant samedi. Les gamines n’avaient pas tenu en place de toute la semaine. Elles étaient impatientes de leur sortie avec leur père et, de mon côté, j’étais soulagée que Monsieur Koffi ait trouvé un peu plus de temps à leur consacrer. Après notre entrevue en début de semaine, je m’étais efforcée de garder mes distances, répondant à ses demandes avec politesse, mais en évitant de m’attarder. Pourtant, chaque fois que je croisais son regard, une étrange nervosité me gagnait. Nathalie s’était montrée simplement polie avec moi, rien de plus… Ses sœurs, en revanche, étaient nettement plus ouvertes. Ce n’était pas encore l’entente parfaite, mais je voyais bien qu’elles commençaient peu à peu à s’ouvrir à moi. Ce frêle progrès, même timide, me réchauffait le cœur. J’étais dans la chambre des cadettes. Elles avaient enfilé de jolis vêtements pour leur sortie avec leur père, soigneusement choisis dans leur garde-robe. Nathalie, de son côté, avait préféré se débrouiller seule. Elle entrait en pleine phase d’adolescence, et son besoin croissant d’affirmation ne faisait plus aucun doute. - Je suis toute belle ! s’exclama Léonie en se contemplant dans le miroir. Elle tourna plusieurs fois sur elle-même, sa jupe virevoltant autour d'elle, puis lança un clin d’œil complice à Merveille. - Oui, tu es trop belle, admit Merveille, avec une petite hésitation, comme si elle attendait que sa sœur lui retourne le compliment. Bien que Merveille soit encore toute petite, j’avais parfois l’impression qu’elle manquait cruellement d’assurance, contrairement à ses sœurs. - Vous êtes toutes les deux magnifiques, dis-je d’un ton rassurant, en posant volontairement un regard appuyé sur Merveille. On dirait deux princesses. - Merci, Gabrielle, répondit Merveille en me lançant un regard émerveillé. Je consultai ma montre : il était déjà 15 h 50. Les petites devaient retrouver leur père en bas à 16 heures précises. - Allez, on y va les filles. Votre papa doit vous attendre. - D’accord ! s’exclama Nathalie, toute joyeuse. - Ok… lâcha Merveille, beaucoup moins enthousiaste, avec un petit soupir, comme si toute son énergie venait de retomber d’un coup. Je m’empressai de les faire sortir de la chambre et nous regagnâmes le couloir. - Léonie, va frapper à la porte de Nathalie pour voir si elle est prête. Léonie ne se fit pas prier : ses petits pas résonnèrent dans le couloir alors qu’elle courait jusqu’à la porte, visiblement impatiente de commencer sa soirée. J’évitais toujours d’envahir l’espace de Nathalie quand ce n’était pas strictement nécessaire. Nathalie ouvrit la porte après les coups de Léonie. Elle était simplement éblouissante. Elle portait une petite robe d’un bleu profond qui rehaussait la finesse de sa silhouette. Les filles me précédèrent dans l’escalier, leurs pas pressés résonnant sur les marches. J’avais à peine entamé la descente qu’il apparut dans mon champ de vision. Monsieur Koffi se tenait là, vêtu simplement, mais avec une élégance naturelle. Un polo blanc laissait deviner sa carrure solide et athlétique, tandis qu’un pantalon jean, assorti à une paire de mocassins souples, complétait son allure décontractée. Sa présence imposante remplissait la pièce, et je sentis mes doigts se crisper un instant sur la rampe de l’escalier. Je pris une longue inspiration et poursuivis ma marche. Mais, à peine mon regard croisa-t-il le sien que je me sentis soudain gauche, comme si mes pas eux-mêmes perdaient le contrôle. Ses prunelles sombres, profondes, semblaient scruter chacun de mes gestes, comme si rien ne pouvait lui échapper. Un frisson me parcourut l’échine, et je dus détourner les yeux un bref instant, espérant dissimuler l’embarras qui me gagnait. Quand je relevai la tête, je me rendis compte avec soulagement que son attention était désormais entièrement consacrée à ses filles. - Êtes-vous prêtes, mes chéries ? demanda-t-il avec un large sourire. Un étrange sentiment me traversa : cette expression si naturelle lui conférait un air presque juvénile. - Oui, papa ! s’écrièrent les enfants en chœur. - On y va alors. Il fit un geste théâtral aux filles, se courbant d’un air rieur : - Prêtes, princesses Koffi ? Christopher pour vous servir ! Les aînées éclatèrent de rire, tandis que Merveille affichait une expression à mi-chemin entre sérieux et hésitation. Les grandes prirent immédiatement la sortie, tandis que la cadette traînait un peu les pas. Son père lui lança un regard interrogatif avant de prendre la parole : - Qu’y a-t-il, ma chérie ? demanda Monsieur Koffi d’un air inquiet. - Euh… euh… papa, je voulais… je voulais savoir si Gabrielle pouvait venir avec nous. Boum, boum, boum… mes battements de cœur résonnaient dans ma poitrine. À quel jeu voulait jouer cette gamine ? Je n’avais rien à faire dans leurs sorties de famille. Plus je restais éloignée de mon employeur, mieux c’était pour moi. Je ne saurais le décrire, mais cet homme avait quelque chose qui m’empêchait de me sentir totalement détendue dès qu’il était dans les parages. - S’il te plaît, papa… insista Merveille, joignant ses petites mains devant elle. Je restai figée, surprise et légèrement embarrassée. Je ne comprenais pas pourquoi elle me demandait cela. - Mais… euh… Merveille… murmurai-je, hésitante, en détournant légèrement le regard. - S’il te plaît, dit-elle avec sérieux, cette fois en me regardant directement. Je me sentis déconcertée par l’insistance de la gamine et ne savais pas quelle conduite adopter. Finalement, je levai les yeux vers Monsieur Koffi, cherchant un signe. Il me fixa calmement quelques secondes, le visage impassible, avant de répondre d’une voix ferme, mais posée : - Très bien, Gabrielle peut venir avec nous. - Euh… essayai-je d’objecter, hésitante. Je voulais certes faire plaisir à Merveille, mais je n’étais pas sûre d’avoir envie de m’immiscer dans ce moment de famille, et cette perspective me rendait nerveuse. - Oui ? demanda-t-il en levant les sourcils, un air autoritaire au visage. - Euh… d’accord, laissez-moi un moment pour me préparer, répondis-je, un peu hésitante. - Nous vous attendons dans la voiture. Ne traînez pas. Merveille sourit, le visage illuminé par la satisfaction, tandis que je me concentrais pour me préparer mentalement à les accompagner. Le mélange de gêne et d’anticipation me serrait légèrement la poitrine, mais je savais que je devais rester calme et professionnelle. Je montai presque au pas de course dans ma chambre. Monsieur Koffi m’avait demandé de ne pas traîner, mais je ne savais pas combien de temps j’avais réellement à ma disposition. Je franchis la porte d’un coup et me déshabillai en un éclair avant de me précipiter sous la douche. Dix minutes plus tard, je sortis de ma chambre, totalement habillée et le visage légèrement maquillé. Je descendis et aperçus Monsieur Koffi installé dans la voiture. Mes yeux s’écarquillèrent de surprise : je ne l’avais jamais vu au volant. Depuis près d’un mois que je travaillais pour cette famille, il prenait toujours place à l’arrière, le chauffeur s’occupant de la conduite. Mon cœur fit un bond quand je remarquai les trois filles installées à l’arrière et la place avant libre… pour moi, apparemment. Je me rapprochai de la voiture et ouvris la portière, la main légèrement tremblante. Je pris place sur le siège, évitant soigneusement de croiser le regard de mon employeur, même si je pouvais sentir son attention peser sur moi.
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