Gabrielle
- J’y jette un coup d’œil et je m’en vais, dit Martin en s’approchant de l’armoire.
- D’accord, répondis-je d’une voix sereine.
J’avais retiré mon sac peu de temps auparavant, et rien ne m’avait semblé étrange. Martin ouvrit l’armoire et commença à fouiller méthodiquement, examinant chaque recoin. Il leva la main vers une étagère haute, inaccessible pour moi à cause de ma taille. Mon cœur manqua un battement quand j’entendis un léger bruit métallique.
Je plissai les yeux tandis qu’il s’affairait, visiblement pour atteindre l’objet.
Il se redressa enfin, et je crus défaillir en voyant un bracelet briller de mille feux dans sa paume. Il était étrangement calme. Sans dire un mot, il sortit son téléphone et passa rapidement un appel.
- Je viens de le retrouver, dit-il simplement, avant de raccrocher.
Je le regardais, les yeux écarquillés, le cœur en tumulte.
- Pardon ? hoquetai-je, réalisant soudain ce qui était en train de se passer.
- C’est bien le bracelet que nous cherchons, dit-il d’une voix ferme.
Il se saisit de son téléphone et commença à le manipuler pendant une bonne minute. Son regard allait et venait entre le bracelet et son téléphone, comme s’il comparait quelque chose ou notait un détail important.
- C’est bien lui, s’exclama-t-il finalement.
- Mais… Martin, que se passe-t-il ? demandai-je d’une voix tremblante, même si je comprenais parfaitement ce qu’il était en train d’insinuer.
- Gaby, répondit-il d’un ton ennuyé, c’est le bracelet que nous cherchons depuis une semaine. Que faisait-il là ?
- Je n’en sais absolument rien ! m’exclamai-je. Je n’utilise jamais la dernière étagère de cette armoire, elle est trop haute pour moi !
Il prit un air pensif et resta silencieux un long moment.
- Je te crois, ou du moins je veux te croire. Mais le problème reste entier : que faisait le bracelet d’un client dans ta loge ?
- Martin, je n’en sais rien, répétai-je, le cœur battant. Je n’avais jamais vu ce bracelet auparavant !
- Je comprends, Gaby, répondit-il d’une voix lente. Mais le fait est qu’il se trouvait bel et bien là, ajouta-t-il en désignant mon armoire d’un geste mesuré.
Mon Dieu, il n’était tout de même pas en train de m’accuser d’avoir volé ce bracelet !
- Martin, tu sais très bien que je ne suis pas la seule à avoir accès à cette loge. Je n’en ai même pas les clés. J’y entre quand je dois travailler, et je la laisse ouverte quand je pars.
- Gaby, Gaby, Gaby… soupira-t-il d’un ton las. Je ne sais pas quoi te dire. Je ne peux pas laisser passer une chose pareille. C’est ma crédibilité qui est en jeu dans cette entreprise.
- Tu ne peux pas m’accuser à tort ! m’écriai-je, la voix brisée. Je n’ai jamais vu ce bracelet de ma vie, et je n’accepterai pas d’être accusée pour quelque chose que je n’ai pas fait !
- Je ne peux rien pour toi, ma belle, lâcha Martin d’un ton glacial.
Il se saisit alors de son téléphone et composa un numéro. Je sentis mon cœur s’emballer.
- Commissariat de police du 2ᵉ arrondissement ? Oui. Je vous ai signalé la disparition du bracelet d’un client en début de semaine. Je viens de le retrouver dans la loge d’une de mes danseuses. J’aurais besoin de votre intervention.
Il resta un bref moment au téléphone, hochant la tête à plusieurs reprises, comme s’il recevait des instructions précises.
- D’accord, je vous attends, dit-il enfin, avant de raccrocher.
Mon Dieu, mais qu’était cette histoire ? J’avais l’impression que mon cœur allait exploser. Chaque battement résonnait dans ma poitrine comme un coup de tonnerre. Tout mon corps tremblait, mais je me forçais à rester droite, à ne pas flancher. Je n’avais rien fait. Rien.
J’avais quitté le Cameroun pour chercher un semblant de sérénité. Et me voilà, dans un pays étranger, accusée d’un vol que je n’avais pas commis.
- Martin, dis-je d’une voix tremblante, tu penses vraiment que je l’aurais volé il y a une semaine… et que je l’aurais laissé là, dans ma propre loge, pendant tout ce temps ? Ce serait complètement absurde. Stupide, même.
- Gaby, Gaby, Gaby… Je ne sais quoi te répondre. La police arrive, tu pourras leur donner ta version des faits, répondit-il d’une voix étonnamment calme.
Je m’adossai contre le mur de ma loge, l’esprit en feu. Que pouvais-je bien dire, à part répéter que je ne l’avais jamais vu, ce maudit bracelet ? Que je n’aurais jamais eu l’idée folle de le cacher ici ?
Le silence tomba. Dix minutes passèrent, interminables, oppressantes. Et pourtant, il me semblait que les battements de mon cœur résonnaient contre les murs.
À plusieurs reprises, je tentai de croiser le regard de Martin, espérant y lire une trace de compassion, une hésitation, un doute. Mais il était impassible, le regard aussi froid que de la glace.
- Martin… je te jure sur ce que j’ai de plus cher… je n’ai rien fait.
Il me fixa longuement, sans dire un mot.
- Martin, repris-je d’une voix morte, les yeux noyés de larmes, je n’ai jamais vu ce bracelet. Je ne sais même pas comment il a pu atterrir là.
Il soutint mon regard un instant encore, avant de répondre, le ton neutre, le visage fermé :
- La police ne devrait plus tarder.
Je me laissai tomber lourdement au sol et éclatai tout à coup en sanglots.
- Gaby… c’est pas la peine de pleurer, dit-il d’une voix posée. Tu sais, tu devras juste leur expliquer ce qui s’est passé. Ce que ce bracelet faisait dans ta loge.
- Mais… je n’en sais rien ! m’écriai-je, la voix tremblante, presque brisée.
Il resta silencieux, plantant ses yeux dans les miens, comme s’il cherchait à y lire jusqu’à ma dernière pensée.
Puis, soudain, sa voix changea. Elle se fit plus lente, plus grave. Chargée d’un sous-entendu que je reconnus aussitôt.
- Il y aurait peut-être une solution, dit-il tout à coup, d’une voix lente, chargée de désir.
- Pardon ? hoquetai-je, stupéfaite.
Il s’approcha légèrement, son regard glissant lentement sur moi.
- Oui… Tu pourrais me donner ce que je te réclame depuis le début… et, disons… je fermerai un œil sur cet incident, répondit-il d'une voix lente.